Macron le populiste

Un point de vue américain
par  H. FEIGENBAUM, J.-P. MON
Publication : février 2019
Mise en ligne : 25 mai 2019

Le texte ci-dessous est la traduction par Jean-Pierre MON d’un article publié en anglais dans la revue Social Europe dans son numéro du 5 février 2019.

Son auteur est Harvey Feigenbaum, professeur de sciences politiques et des affaires internationales à l’Université Georges Washington.

« La popularité du président de la République française s’est effondrée.

Maintenant, sous Macron le Populiste, perce Macron l‘élitiste. »

« Emmanuel Macron n’est pas un homme heureux. La popularité du président français est tombée si bas qu’on pourrait, en comparaison, faire passer son équivalent américain comme une « rock star ».

Une des causes de sa chute de popularité a été le mouvement des gilets jaunes manifestant semaine après semaine, d’abord pour protester contre son projet de taxation de l’énergie, et éventuellement contre tout ce qu’il représentait. Il apparaît à la plupart des électeurs comme un technocrate arrogant qui ne s’intéresse qu’aux problèmes des riches. Qu’importe s’il y a deux ans, il a sauvé la France des griffes du néo-fasciste Rassemblement National de Marine Le Pen, et l’Europe de l’extension de la révolte initiée par le référendum britannique du Brexit.

Lorsqu’il fut élu en 2017, Macron était considéré comme le seul politicien démocrate pouvant endiguer la marée populiste qui déferlait sur le continent européen comme sur le Nouveau Monde. C’est étrange car, vu à la loupe, il est lui-même un populiste. Le populisme, c’est une sorte de politique dans laquelle le leader prétend parler directement au “peuple” sans tenir compte des intermédiaires démocratiques. Dans la plupart des pays où le populisme s’installe, les partis existants sont considérés comme corrompus, ne représentant que des intérêts financiers ou simplement déconnectés des réalités. Macron a pu réussir parce que ces points de vue étaient largement répandus en France, comme dans beaucoup d’autres pays subissant une “révolte populaire”.

 Un chômage irréductible

”L’Hexagone” est un cas particulier. Macron lui-même avait remarqué que les électeurs français préféraient des présidents forts, comme s’ils élisaient un roi, mais prenaient ensuite des penchants régicides. Tous les Présidents de la République récents ont subi ce phénomène, accompagné d’un déclin vertigineux de leur popularité peu de temps après leur prise de fonction. Cela s’explique par de nombreuses raisons mais la plus évidente est la persistance de trente ans de piètres performances économiques et un taux irréductible de chômage rarement inférieur à 9%.

Comme avec son prédécesseur, François Hollande, dont il fut l’un des ministres, Macron plaida pour rendre les licenciements plus faciles afin que les entreprises ne craignent pas d’embaucher de nouveaux personnels lorsque la demande des consommateurs paraît prometteuse. Il a fait campagne sur ce point.

Mais les premières actions du président ont été d’abolir l’impôt sur la fortune et de mettre en œuvre d’autres mesures considérées comme bonnes par 1 % des Français. Il espérait ainsi favoriser la création de nouvelles entreprises et créer un climat favorable à l’investissement.

De telles politiques sont un appel au populisme bien que de nombreux leaders qui ont été qualifiés de populistes, comme Trump ou Victor Orban en Hongrie, aient offert des cadeaux cachés à l’élite riche tout en montrant clairement qu’ils partagent le racisme et la bigoterie de leurs supporters.

En prenant ce type de mesures, Macron se place clairement dans le cap libéral.

Cependant, en termes de structures politiques, il imite les constructions des régimes illibéraux. (Dans les premiers jours de l’Union Soviétique, le leader bolchevique Lénine a facilité l’amalgame de sa confédération en absorbant les nations périphériques avec le slogan « national en forme, socialiste en contenu », chacune se transformant en sa propre “République Socialiste Soviétique“). Les politiques de Macron sont populistes en forme mais élitistes en contenu.

Cette qualification de populiste de la Macronie peut être attribuée au manque d’institutions intermédiaires.

C’est l’effondrement du système de partis qui a rendu possible la montée de “Jupiter” (surnom de Macron). La sape des institutions a été menée d’abord par la droite, sous la présidence de Sarkozy, par la transformation du vieux parti gaulliste en un parti à sa propre dévotion.

À gauche, c’est la totale incompétence politique de François Hollande qui a miné le parti socialiste. Il avait déjà fait preuve d’un manque total de charisme lorsqu’il était secrétaire général d’un parti divisé par les factions, incapable de mettre en œuvre des réformes économiques. Il réalisa la performance stupéfiante d’obtenir 4 % des voix des votants lors de son dernier test de popularité.

 La cerise sur le gâteau électoral

Elle arriva juste avant l’élection présidentielle de 2017 lorsqu’on découvrit que le plus probable rival de Macron, François Fillon, un acolyte de Sarkozy, était profondément corrompu, acceptant de “petits“ cadeaux comme des vêtements de luxe, et ayant fourni à sa femme et à ses enfants des emplois publics dont on ne connaissait ni la nature, ni le résultat. Macron restait alors le seul candidat possible de “l’establishment” face à Marine Le Pen.

Ainsi donc, le candidat arriviste marchait vers une victoire qui reposait sur la chance de ne pas avoir d’opposition sérieuse. En tant que technocrate compétent et même brillant, Macron n’a pas besoin des compétences qu’apprennent la plupart des hommes politiques : formation d’une coalition, diversité, persuasion… N’ayant jamais tenu une permanence électorale, il ne sait même pas qu’il a besoin de ces compétences  !

Son comportement était donc arrogant et autoritaire. Macron est un produit des grandes écoles françaises et d’une carrière où son activité avait peu de chances d’être sanctionnée par un échec.

Il était convaincu de sa grande intelligence et agissait en conséquence.

 Le désenchantement

Cette fois-ci, les Français n’ont pas guillotiné leur roi ! Comme souvent, ils sont descendus dans la rue, mais en revêtant des gilets jaunes comme symbole de leur privation de droit de vote. Et, une fois de plus, Macron a de la chance. Ce n’est pas seulement parce que les élections présidentielle et législatives sont encore loin (et que les élections européennes, qui auront lieu en France au mois de mai, sont considérées comme peu importantes), mais parce qu’il n’y a aucune disposition législative pour cela. Les gilets jaunes ont évité toute stratégie organisationnelle. Ce qui rend leurs actions durables. En fait, le système des partis politiques français est décimé et La République en marche de Macron est plus un club qu’un parti, le noyau de ses membres n’ayant pas d’expérience politique sérieuse.

 

Le plus triste de cette histoire c’est que l’Europe et d’autres pays avancés ont peu d’hommes politiques pour défendre la civilisation démocratique.

En Grande-Bretagne, les leaders des partis conservateur ou travailliste sont incompétents ; l’Allemagne de Merkel a beaucoup veilli ; en Italie, l’opposition non fasciste est balkanisée ; et aucun pays à l’est de l’Elbe n’est rassurant. Beaucoup considèrent que Bruxelles est hors-jeu.… La liste n’est pas finie et les perspectives sont déprimantes.

Assez étrangement, l’espoir peut venir de l’autre rive de l’Atlantique : le régime de Trump touche à sa fin et les démocrates nouvellement élus au Congrès activeront certainement sa disparition.

Si, entre temps, la civilisation peut survivre, la marée populiste peut disparaître bien avant que Macron ait à affronter ses électeurs… »


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