Copenhague, un tournant ?

ÉDITORIAL
par  M.-L. DUBOIN
Mise en ligne : 31 janvier 2010

Le sommet de Copenhague pourrait bien être un tournant de l’Histoire… mais pas pour avoir résolu les problèmes qui lui étaient posés.

Comme pour tout sommet international, la préparation de celui-ci avait été très longue, et les lobbies avaient fait leur travail. Les organisateurs savaient donc, avant l’ouverture, qu’aucun accord sur une décision essentielle ne serait obtenu. Alors c’est une comédie que jouèrent chefs d’État et ministres par dizaines, leurs gardes du corps et leurs conseillers par centaines. Comédie stupide, car pour qu’ils viennent refuser de s’engager dans les dépenses nécessaires, c’est 143 millions d’euros que les contribuables ont payé en frais de déplacement et de séjour (dont la surveillance policière, le personnel, les traducteurs, etc…) pour les 15.000 délégués venus du monde entier, que des milliers de voitures et des centaines d’avions ont amenés à Copenhague… constater qu’il faudrait moins polluer. On estime que 40.500 tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère par ce sommet dont un des objectifs était de faire diminuer ces émissions. Sans parler de la montagne de papiers gaspillée, alors qu’il s’agissait de faire cesser la déforestation…

Si cette coûteuse mascarade marque un tournant dans l’Histoire, c’est parce qu’elle a fait paraître au grand jour que les gouvernements des pays qu’on appelle, bien à tort, “les démocraties avancées”, ont renoncé à toute responsabilité quant au sort des peuples. Bien qu’élus, ils sont à ce point sous la tutelle du pouvoir financier qu’ils ne peuvent prendre aucune décision qui risquerait de porter la plus légère ombre à ses intérêts.

La nouveauté de Copenhague, c’est qu’en marge et à l’occasion de ce sommet, il a été nettement dit que la vaste crise, aux multiples facettes (financière, sociale, environnementale), n’a qu’une seule et même cause : c’est le système capitaliste, dont on n’osait plus prononcer le nom : il impose une course suicidaire vers une croissance mythique à la recherche de nouvelles sources de profits, au mépris des populations et de leur environnement.

Cette prise de conscience sera probablement irréversible. Une déclaration comme celle du Président du Vénézuela [1] est significative : le sommet étant organisé par l’Organisation des Nations Unies, les représentants de pays déshérités pensaient venir débattre d’égal à égal avec leurs homologues des pays riches. Ils ont constaté publiquement le comportement méprisant de ces derniers. Les analyses [2] des manifestants, dont le grand nombre, malgré le froid ambiant, était impressionnant, sont autrement plus profondes que les discours officiels. La fureur avec laquelle ils ont dû repartir, après avoir subi la violence des pouvoirs publics pour les faire taire, ne s’éteindra pas de si tôt.

Que va-t-il en résulter ? — Ce peut être gravissime.

Il est probable que l’ONU y a perdu ce qui lui restait de crédibilité pour assurer la paix dans le monde. Et ce qui nous est imposé sous le terme “Union” Européenne a été totalement inaudible, chaque membre y a joué en solo. C’est donc l’affrontement brutal entre les riches, peu nombreux et très puissants, et les pauvres, bien plus nombreux, qui ne peuvent plus supporter l’injustice qu’ils subissent.

Ce siècle pourrait donc être celui d’une nouveauté dans l’Histoire : une guerre civile mondiale.

Les riches ont préparé leurs polices, ils sont prêts à continuer de tout accaparer, sans scrupule, sans rien vouloir lâcher. Les pauvres, encore peu organisés, n’en sont qu’à la prise de conscience. Ils ont à se mettre d’accord pour une autre mondialisation : celle d’une vraie démocratie, qui reste à inventer. Il leur faudra du temps. L’auront-ils ? Or, parmi eux, les plus extrêmistes pensent qu’ils n’ont plus rien à perdre, et les moins informés se sont souvent laissé persuader qu’il n’y a d’alternative au système actuel qu’un régime totalitaire.

Le drame, c’est que si l’humanité ne parvient pas à se sortir de ce système, elle se suicide.

Alors, à nous d’expliquer comment il fonctionne, de montrer [3] qu’il repose entièrement sur le fait que l’argent capitaliste peut rapporter de l’argent. Que si la monnaie n’était qu’un pouvoir d’achat qui ne circule pas, donc qu’on ne peut pas “placer” contre intérêt, les pouvoirs qui minent aujourd’hui notre société n’auraient pas le moyen de s’exercer. Mais il faut aussi faire comprendre que si les richesses sont partagées entre tous, actifs et inactifs, on n’aura pas besoin que les économies “rapportent”. Et faire admettre, par exemple à un cultivateur qu’on pousse aujourd’hui à mépriser les fonctionnaires, que dans une économie de partage, dans cette économie distributive que nous proposons, il exercera, lui aussi, en cultivant ses champs, une fonction sociale. Il faut rappeler que le revenu n’est pas forcément le prix d’un travail, et que le droit d’avoir, toute la vie, sa part des richesses produites, doit être reconnu, car c’est le droit de vivre.

Il faut arriver à ce que l’idéologie de l’échange fasse place à l’idée, toute simple, familière, du partage. C’est revenir sur beaucoup d’habitudes, sur des idées profondément ancrées dans les esprits, souvent depuis plusieurs générations.

En ce début d’année, souhaitons-nous mutuellement beaucoup de courage en voyant que nos efforts pour montrer quel autre monde est possible sont de plus en plus partagés. Congratulons-nous d’avoir été parmi les premiers à être lucides, et soyons satisfaits de voir enfin nos analyses se généraliser.

Et que vive La Grande Relève en 2010 !



[1Voir ci-dessous page 9 et page 12.

[2Voir ci-dessous p. 6 à 8

[3par exemple en s’aidant du livre Mais où va l’argent ? renseignements ci-dessous p. 16


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