Changer la société pour préserver le climat

Avant Copenhague
par  G. EVRARD
Mise en ligne : 31 janvier 2010

Le 15 octobre à Paris se tenait un atelier de la gauche sur le thème « Est-il déjà trop tard pour sauver le climat ? ». Outre la nécessaire appropriation par les citoyens de l’analyse politique des causes, des conséquences prévisibles et des moyens de réduire le phénomène du réchauffement climatique, il s’agissait de préciser les contenus de l’intervention de la gauche française et européenne au sommet de Copenhague.

Guy Evrard y a apporté sa contribution. Nous en reproduisons ci-dessous les principaux points, dont l’échec de la conférence a confirmé l’importance.

Pour de nombreux peuples laissés pour compte, pour de nombreuses associations et formations politiques de gauche, il est illusoire de prétendre enrayer le changement climatique sans une remise en cause profonde du système économique et social qui est justement à l’origine de la catastrophe annoncée.

Ainsi que nous avons tenté de l’analyser dans deux précédents articles [1], la marchandisation de la nature confine à l’absurde, et, particulièrement, le marché du gaz carbonique comme moyen de réduire la consommation d’hydrocarbures fossiles, principale cause d’origine humaine du réchauffement climatique. Cette marchandisation apparaît comme le paroxysme de la fuite en avant. Le système capitaliste ne sait ou ne veut rien résoudre en dehors du marché. Prédateur, il est à l’affût de toutes les opportunités lui permettant d’ouvrir de nouveaux territoires à l’économie marchande. Il n’y a guère de solution sans en finir avec ce système.

L’énergie doit être déclarée bien d’utilité publique, au même titre que l’eau, l’air, la diversité biologique… et échapper à la logique du profit. Les comportements et les stratégies doivent se fonder dès maintenant sur des règles de droit et de partage. Les propositions ci-après nous semblent aller dans ce sens.

 Quelle politique énergétique pour répondre aux besoins de l’humanité ?

• Soustraire la fourniture d’énergie à la concurrence privée et à la recherche du profit.

Pour cela, mettre en place des services publics de l’énergie aux niveaux national et régional, avec une coordination mondiale disposant d’une vue d’ensemble des besoins et des ressources, et capable de promouvoir la solidarité entre pays du nord et pays du sud. Ces structures doivent être démocratiques et avoir pour mission d’assurer l’approvisionnement équitable, guider la recherche scientifique et technologique pour diversifier les sources d’énergie, veiller à la pérennité des ressources et à la préservation de l’environnement, garantir la transparence de leur activité par des échanges permanents avec les citoyens.

• Réduire la consommation énergétique.

Outre les mesures techniques évitant le gaspillage (isolation, meilleur rendement des machines…), c’est toute la philosophie de nos sociétés, basée sur la croissance productiviste des biens matériels (même futiles) qui doit être remise en question. La crise globale actuelle nous prouve définitivement que l’économisme comme moteur du développement, s’il permet globalement un certain enrichissement, est aussi facteur d’accroissement des inégalités de tous ordres et conduit la planète dans l’impasse, avec le risque d’un anéantissement prématuré de l’humanité. Réorganiser le maillage économique pour limiter le transport des marchandises. Assurer la décentralisation des fabrications. L’industrialisation des moyens de production, favorisée par l’énergie à bon marché, ne se justifie pas forcément, notamment pour la production agricole et l’industrie agroalimentaire. Il vaut mieux qu’une fraction plus importante de la population participe à la production et vive dans les campagnes, assurant une autosuffisance locale ou régionale, plutôt que venir grossir les rangs des miséreux autour des grandes métropoles.

• Dans l’état actuel de nos connaissances, l’énergie solaire, sous ses différentes formes, est la plus pérenne. Le développement des recherches pour l’utiliser de façon efficace, dans le respect de la biosphère, doit constituer l’un des axes de recherche prioritaires de nos sociétés. Les travaux pourraient s’appuyer sur un réseau à l’image du GIEC pour les questions climatiques. La mise en place progressive des applications doit pouvoir être conduite en dehors de toute surenchère marchande, par le développement d’un réseau de compétences capable d’assurer une information objective des citoyens. Elle sera pilotée et garantie par les services publics de l’énergie.

• L’énergie nucléaire représente sans doute encore un fort potentiel d’énergie concentrée, d’abord grâce aux réacteurs de quatrième génération (surgénérateurs à neutrons rapides) et à la fin du siècle, si l’on parvient à domestiquer la fusion. Elle cumule cependant aussi beaucoup d’inconvénients, du moins tant qu’elle reste tributaire de la fission : risques d’accident très graves, radioactivité des déchets à durée de vie longue à l’échelle de l’humanité, risques croissants de détournement à des fins militaires ou crapuleuses liés à une dissémination mal contrôlée, investissements lourds, applications civiles encore principalement limitées à la production d’électricité avec un certain manque de souplesse. Il paraît souhaitable de poursuivre des travaux de recherche de haut niveau et de maintenir des compétences industrielles fortes sur les applications, sans pour autant promouvoir leur généralisation si l’on ne parvient pas à lever les hypothèques précédentes. De toute façon, ces technologies ne sont envisageables avec un maximum de sécurité que dans le cadre de services publics de l’énergie et impliquent un contrôle international indépendant, qui devrait s’appliquer également dans les pays développés actuels.

• L’électricité est une forme commode de l’énergie pour l’éclairage, pour animer les machines et les systèmes informatiques ou de communication. Il faut cependant garder à l’esprit qu’elle ne représente aujourd’hui en France qu’environ le quart de l’énergie dépensée. Certes, cette proportion va croître si le pétrole se raréfie pour la mobilité des hommes et des marchandises. Soulignons aussi que produire de l’électricité à partir d’énergie thermique pour la retransformer ensuite en énergie thermique (chauffage) reste une absurdité en terme de rendement. Une réflexion en profondeur, à l’abri des lobbies économiques, demeure donc indispensable pour optimiser les choix énergétiques en fonction des applications.

 Quelle intervention de la gauche française et européenne au sommet de Copenhague ?

• Valoriser l’idée du nécessaire dépassement du productivisme capitaliste comme seule véritable solution pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et plus généralement pour la préservation de notre biosphère. Travailler à la transition vers une économie de partage, qui ne serait plus qu’un outil dans un monde plus solidaire capable d’autres finalités que celle de la croissance, fut-elle verte ! En finir avec le dogme du marché via « une concurrence libre et non faussée ».

• Se conformer strictement aux recommandations du GIEC pour limiter impérativement le réchauffement à 2°C (les pays insulaires se réfèrent aujourd’hui à 1,5°C) au cours du 21ème siècle : réduction globale des émissions de CO2 de 30% à l’horizon 2020 par rapport à 1990. L’engagement d’étape des pays occidentaux doit permettre d’obtenir l’engagement des pays émergents pour une réduction globale de 50% à l’horizon 2050. Envisager de faire mieux si possible, les dernières observations montrant que c’est plutôt le scénario pessimiste qui se profile, en raison notamment de la dynamique des glaces, qui est plus active que prévu et qui n’avait pas été introduite dans les modèles climatiques.

• Aider le développement des pays du sud, conformément aux promesses de 50 milliards de dollars de 2004. Aider la mise en place de stratégies et de technologies évitant l’émission de CO2 (évaluée aujourd’hui à au moins 100 milliards de dollars par an pendant dix ans, en plus de l’aide au développement).

• Adopter des mesures pour l’accueil et le statut des réfugiés climatiques.

En résumé, remplacer le marché pervers du carbone par des règles de droit. Car l’achat de droits à polluer exonère les riches de produire les efforts nécessaires, alors qu’ils en ont justement les moyens. Et entreprendre l’analyse de tous les effets négatifs du marché, et notamment ceux du marché financier (spéculation).


[1La nature marchandise jusqu’à l’absurde : I. GR 1102, p.9 et II. GR 1103, p.9


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