Des sciences citoyennes pour un projet politique

Réflexion
par  G. EVRARD
Publication : juillet 2011
Mise en ligne : 20 janvier 2012

Répondant à ce souci exprimé par B.Blavette, Guy Evrard résume l’enchaînement des idées qui le conduisent aujourd’hui à proposer d’inscrire dans un projet politique la mise en place d’une structure chargée d’étudier et de suivre en permanence les équilibres de notre biosphère, afin d’observer et de réguler l’influence des activités humaines. Cette structure aurait un devoir d’alerte et ouvrirait un nouvel espace à la démocratie pour les choix de société.

Une définition synthétique de la biosphère est donnée par le Petit Larousse : ensemble des écosystèmes de la planète, comprenant tous les êtres vivants et leurs milieux.

La biosphère correspond à la mince couche (20 km au maximum) comprenant les portions de l’atmosphère, de l’hydrosphère et de la lithosphère où la vie est présente.

 Crise économique et sociale, crise écologique

La crise globale actuelle est la conjonction historique d’une crise économique et sociale et d’une crise écologique majeures. Celles-ci résultent de la globalisation capitaliste et de sa logique productiviste sur une planète dont l’espace et les ressources apparaissent désormais finis.

Assurer un avenir à une humanité toujours animée par la volonté d’aller de l’avant implique : 1- des transformations sociales radicales, visant à l’égalité politique et à la satisfaction équitable des besoins matériels et sociaux de tous les citoyens du monde ; 2- la surveillance des équilibres, certes évolutifs, de notre biosphère, qui seule contient toutes les ressources nécessaires à la vie, du moins à notre échelle.

Admettre l’interaction forte entre ces deux dynamiques devrait être au cœur d’une nouvelle utopie mobilisatrice des peuples, sans renier les revendications inscrites de longue date dans la lutte collective.

 Sciences et démocratie

Chacun voit l’importance des sciences, aussi bien des sciences dites exactes que des sciences humaines, mais qui échappent pour l’essentiel aujourd’hui à l’intervention démocratique des citoyens, sous les prétextes des nécessaires compétences et, plus hypocritement, de la liberté des chercheurs. Cette situation conduit généralement à une collusion entre le pouvoir politique, dont la légitimité ne saurait être universelle, les experts et les tenants du pouvoir économique. Dans le système capitaliste, au lieu d’être mobilisées au service de l’intérêt général, les sciences sont ainsi de plus en plus instrumentalisées au service du profit, souvent au mépris de l’environnement, de la sécurité et de la santé des populations, ou par les complexes militaro-industriels, pour lesquels les conflits armés constituent évidemment l’horizon. D’où une défiance fréquemment manifestée par la population.

Il s’agit donc de donner de nouveaux outils à la démocratie, au-delà de la démocratie représentative, permettant aux citoyens de contribuer directement aux choix décisifs pour l’avenir de nos sociétés, en particulier ici sur la finalité et les applications des recherches scientifiques. L’interprétation des mécanismes de notre biosphère constitue justement, à cet égard, un observatoire et un champ d’expérience privilégiés, où le chercheur peut admettre de cohabiter avec le citoyen, pour tenter de comprendre l’impact des activités humaines et de formuler publiquement des recommandations au pouvoir politique afin de les réguler.

L’approche scientifique des phénomènes à l’œuvre dans notre biosphère, aussi bien physiques que sociaux, est, par essence, pluridisciplinaire. Elle pourrait prendre appui au CNRS, mais sans exclusive, encourageant les initiatives des universités et des territoires. Un modèle déjà plus ou moins fonctionnel aujourd’hui, mais encore trop souvent coupé de la société civile dans ses différentes composantes.

 Quelle structure ?

Parc ornithologique du Marquenterre (Picardie) - novembre 2009 - photo Guy Evrard

On peut se faire une idée de la structure à mettre en place en examinant dans le détail celle du GIEC [*] et son mode de fonctionnement, mais en la complétant d’une dimension essentielle, absente de l’organisation internationale, qui permettrait aux citoyens volontaires à la fois d’acquérir une compétence suffisante à la compréhension de travaux scientifiques spécifiques, d’intervenir éventuellement dans le processus d’acquisition des données (sciences participatives), puis dans leur questionnement et leur exploitation, au même titre que les pouvoirs publics. Le mode associatif actuel des ONG, trop calqué sur la technique du lobbying, est probablement une forme insuffisante d’expression de la citoyenneté et ne protège pas de l’expertocratie. Les conventions de citoyens ou les forums citoyens sont à considérer pour tendre vers l’objectif, qui doit aussi motiver l’enrichissement et l’attractivité de la formation initiale.

La structure d’expertise et d’échange, à définir dans sa composition et son mode de renouvellement, aurait en charge l’analyse et la synthèse des travaux effectués par les différents laboratoires ou entités souhaitant contribuer à l’objectif, y compris la prise en compte des travaux publiés à l’étranger. Elle aurait ensuite à créer les conditions pour l’information des pouvoirs publics, des élus (à l’échelle territoriale appropriée) et de la société civile dans son ensemble (citoyens, associations, entreprises), jusqu’à la publication officielle d’un état de situation de notre biosphère et les incidences aussi précises que possible de nos comportements, tant industriels que collectifs ou particuliers. La fréquence de cette publication pourrait être comprise entre 2 et 5 ans, telle qu’elle oblige à une réaction relativement rapide de la société. Les données suffisamment établies et documentées impliqueraient des décisions de régulation des pouvoirs publics, aussi bien au plan national que par les exécutifs régionaux.

La mission d’échange vers la société civile, réellement au cœur des changements de société à entreprendre, impliquerait un tissu permanent d’initiatives de formation, d’information et de débat, en ligne et localisées, permettant aux citoyens de s’approprier les connaissances et les éléments de la discussion, d’éprouver leur propre analyse face aux autres et en présence d’experts, sur chaque sujet bien délimité. Le rapport de situation intègrerait les résultats de ces actions.

Néanmoins, la reconnaissance démocratique et l’efficacité de cette structure devraient être régulièrement évaluées pour apporter les ajustements nécessaires. Le financement serait d’origine publique et indépendant des budgets des laboratoires ou organismes réalisant les études de base.


[*GIEC = groupe d’experts international sur l’évolution du climat en anglais IPCC = intergovernmental panel on climate change.


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