Désarmement, réarmement
par
Publication : février 1977
Mise en ligne : 17 mars 2008

C’est pas moi ! C’est l’autre...
Qui ne connaît pas la réaction du potache victime d’une
réprimande ?
Mais des potaches, il en est de « 7 à 77 ans ». Si
encore ils n’étaient pas affublés de responsabilités
politiques majeures !
Chaque fois que nous parlons de désarmement, on nous objecte
: « Et l’U.R.S.S. ? ». Il est vrai que l’arsenal militaire
soviétique n’a pas grand chose à envier à son homologue
américain. Mais qui a k’ plus de raisons de se méfier
? Aucun des deux pays n’est blanc comme neige en matière de conduite
internationale. Les dirigeants soviétiques ne sont pas de petits
saints. Mais en trouve-t-on davantage en face ? Leur désir de
protéger leur pays serait-il moins sincère que celui des
occidentaux ?
Avant d’accuser les pays de l’Est, surtout l’Union Soviétique,
comme nos beni-oui-oui recommencent à le faire en pleine détente
internationale, il faudrait balayer devant notre porte. Et surtout,
c’est une règle d’or si l’on veut en finir avec le panier de
crabes mondial, prendre l’habitude de se mettre à la place d’autrui.
Nous savons que les gaspillages, à commencer par les armements,
constituent le ballon d’oxygène du capitalisme aux abois. Sur
ce point l’analyse des partis communistes diffère peu de la nôtre.
Les Russes savent très bien de quel prix ils ont dû payer
cette médecine en 1941.
Est-ce un motif pour se lancer eux-mêmes dans la surenchère
? A quoi riment quelques nuances dans la capacité de destruction,
lorsque chacun est en mesure de rayer plusieurs fois toute vie sur la
planète ?
En admettant que l’un d’eux soit « vainqueur », comment
occupera-t-il un pays rendu invivable ? Même en disposant d’abris
anti-atomiques à toute épreuve, que deviendront les survivants
lorsqu’ils mettront le nez dehors ? Passeront-ils sous terre le reste
de leur vie ? Quelle joyeuse perspective !
Avez-vous déjà vu la grande presse poser ces questions
?
Alors, qu’est-ce qui pousse l’U.R.S.S. et ses alliés du pacte
de Varsovie à participer à la course mortelle ? S’agit-il
de décisions politiques ? Le clan militaire a-t-il pris comme
ailleurs une telle importance ? Ou bien lés mécanismes
économiques poussent-ils à la roue ?
Dans ce dernier cas, ce serait décourageant pour leur socialisme.
Certains aspects du régime le sont déjà suffisamment
sans en rajouter. Cet effort militaire lui-même apporte aux détracteurs
des arguments de choix.
Que l’on ne vienne surtout pas nous accuser de complicité avec
les ennemis du socialisme ! Nous avons déjà assez de mal
à faire comprendre ses erreurs, fatales pour tout débutant,
Bienheureux qu’elles soient derrière nous ! Et rappelez-vous
que les tares d’un pays ne font jamais disparaître celles du voisin.
Il est vraisemblable qu’aujourd’hui un pays, qui se mettrait résolument
à désarmer, bénéficierait d’un tel prestige
mondial que cela le protégerait d’une attaque éventuelle.
Un tel geste, connu grâce aux télécommunications
par satellite, provoquerait un choc psychologique sans précédent.
Si’ l’on, estime que, malgré tout, un risque subsiste, on peut
procéder de la manière suivante nos pays occidentaux se
donnent une structure économique échappant à l’impératif
du gaspillage, capable à volonté de maintenir l’«
Expansion » ou de s’en passer. A ce moment-là, ils pourront
dire à leurs voisins de l’Est : « C’est à vous de
jouer ». Evidemment, il vaut mieux compléter ce geste par
une diminution des armements, en acceptant toute vérification
des voisins.
C’est, nous semble-t-il, une bonne manière de mettre au pied
du mur U.R.S.S. et C°.
Après tout, pourquoi ne le feraient-ils pas eux- mêmes
? » répondront quelques esprits bien intentionnés.
Nous l’avons déjà, au moins en partie, expliqué
plus haut. Hélas ! l’internationalisme prolétarien est
devenu comportement de « grande puissance ». Mais n’en sommes-nous
pas responsables ? Dès sa naissance, le nouvel Etat a été
envahi par les armées blanches [*] . Attaquez une révolution
de l’extérieur, vous la durcirez immanquablement. Ne nous leurrons
pas trop sur les plaintes hypocrites : le péril rouge (ou jaune)
est une invention commode. Et on ne pourra le certifier que si les responsables
politiques de l’Est donnent une réponse défavorable aux
propositions exprimées plus haut.
Selon J.-K. Galbraith (« La Paix indésirable ») dont
l’analyse renforce la nôtre, aucun obstacle technique ne s’oppose
à un désarmement général contrôlé.
Il faut donc chercher l’obstacle ailleurs. Nous ne le voyons guère
que dans l’économie, ce. qui n exclut pas le retard des cerveaux.
Inutile de dire à quel régime économique nous pensons,
lorsque nous en souhaitons un, capable de se passer des armements. Si
l’on en trouve-’un autre que l’Economie Distributive, nous l’accepterons.
Nous ne sommes pas de mauvaise foi. Mais pour le moment, nous attendons
toujours.
[*] N.D.L.R : ...et alliées.