Economie distributive et fédéralisme
par
Publication : avril 1980
Mise en ligne : 24 septembre 2008
LA nature même des relations qu’établit
le système distributif entre le pouvoir national et les individus
comporte le risque d’une centralisation excessive. Une bureaucratie
paralysante aboutirait à un grave échec tant sur le plan
économique que sur le plan humain. Heureusement, il est possible
de tempérer la rigueur de la planification par la diversité
et la souplesse propres aux structures fédérales.
Voici les avantages du fédéralisme :
- Grâce à une connaissance exacte des problèmes
qui se posent à leur niveau, les pouvoirs locaux sont à
même de leur trouver les solutions les plus valables, tout en
évitant les lenteurs administratives.
- Les individus, associés aux décisions à prendre,
contrôlent efficacement des autorités élues qui
restent « à l’échelle humaine » ; celles-ci
à leur tour, mieux qu’un pouvoir plus lointain, exercent les
contrôles nécessaires sur l’exécution du travail.
- L’ambition de créer, sur le plan local, une oeuvre exemplaire
est un stimulant incomparable ; on s’intéresse peu à une
entreprise qui est entièrement dirigée d’en haut.
- Enfin le fédéralisme et ce n’est pas le moindre de ses
avantages, permet aux pouvoirs locaux ou régionaux d’expérimenter
les modalités diverses des nouvelles structures. Il permet aussi
d’inclure ultérieurement dans un ensemble plus vaste les expériences
qui auraient pu être tentées sur des territoires d’étendue
restreinte.
Je tiens à préciser que sur deux points au moins je me sépare nettement d’un certain fédéralisme d’inspiration proudhonnienne. Pour ses adeptes, le pouvoir d’en haut aurait surtout pour fonction de coordonner les initiatives émanant des niveaux inférieurs et d’arbitrer les conflits, ce qui affaiblit exagérément le lien fédéral. Et ils jugent que le fédéralisme, étant par lui-même la révolution totale, suffirait à définir une conception révolutionnaire de l’économie ; en fait, ils envisagent de fédérer des groupes de producteurs, en formant des organisations professionnelles, dont le souci majeur ne saurait être l’intérêt général. Je pense au contraire que la souveraineté des consommateurs implique nécessairement pour l’ensemble du système une certaine cohésion, et qu’il s’agit pour nous d’insérer le principe fédéraliste dans la conception préalablement définie du socialisme distributif.
Or il existe une sorte de convergence naturelle entre
fédéralisme et économie des besoins. Celle-ci peut
être représentée schématiquement par une
collectivité restreinte dont les membres actifs, répartis
entre diverses unités de production, assurent l’approvisionnement.
Il est donc facile d’adapter à la relation consommateurs-producteurs,
telle qu’elle apparaît dans ce schéma, le principe fédéraliste
d’un partage des pouvoirs entre une collectivité et les groupes
dont elle se compose : l’ensemble des consommateurs aura le pouvoir
d’orienter la production et de répartir les biens entre tous
les individus, actifs et non-actifs ; mais chacune des unités
de production sera autonome, c’est-àdire libre de décider
de son organisation interne et de ses méthodes de travail, et
elle pourra dans certains cas au moins être propriétaire
des installations, des instruments et du sol.
Des problèmes un peu plus complexes vont se poser à nous
si nous tentons d’appliquer la même conception d’ensemble à
une surface tant soit peu étendue.