Tel est bien, finalement, le droit que nous revendiquons
en militant pour l’économie distributive. Non que celleci nous
paraisse la condition suffisante pour accéder à pareille
autonomie, mais parce qu’elle en est une condition nécessaire,
nous libérant des contraintes qui nous sont aujourd’hui opposées
de façon intolérable sous prétexte de « nécessités
économiques », tout à fait contestables. C’est dans
cette perspective que se place A. Gorz (1) en proposant une politique
de réduction massive et générale de la durée
légale du travail.
Comme les distributistes, il entend que le temps consacré au
travail dans la sphère de l’économie, (celui qu’on fait
en qualité de citoyen et qui justifie qu’on ait droit à
vie à sa part des richesses réalisées dans cette
sphère), doit être le plus court possible afin de dégager
un maximum de temps que chacun puisse consacrer à faire ce qui
lui plait, à s’épanouir hors du monde marchand. Cette
liberté, avec les moyens matériels d’en faire l’usage
que l’on souhaite, est pour nous le moyen de voir l’humanité
évoluer, développer ses capacités d’imagination,
ses ressources tant morales qu’intellectuelles, en un mot sa convivialité.
Mais elle n’implique aucune idéologie, aucune religion, sinon,
évidemment, le respect des autres, de leur liberté, de
leurs croyances.
Il n’en est pas du tout de même dans l’esprit du « groupement
d’économie distributive », malgré son nom. Celuici,
en effet, vient de publier, sous la plume de J. d’Argine un opuscule
intitulé « une nouvelle économie pour le troisième
millénaire » où est prônée une société
qu’on appelle distributive mais où l’Autorité (avec une
majuscule) serait exercée par l’Eglise, le gouvernement des peuples
étant subordonné à cette Autorité et, particulièrement
au sommet de celle-ci, au Pontificat : « une référence
constante aux préceptes de l’Évangile est une condition
sine qua non à la mise en place d’une telle économie affirme
J. d’Argine qui prétend « qu’elle implique le rétablissement
de la notion d’Autorité et de Pouvoir » et que «
les hommes soient soumis de leur plein gré » (remarquable
contradiction) « à une Règle de fer inspirée
de l’Evangile ».
Or l’économie distributive n’implique pas cette obéissance
à une Eglise. On peut parfaitement être convaincu de la
valeur morale des préceptes de l’Evangile mais rien ne permet
d’affirmer qu’il n’y a pas de société distributive possible
sans cette obéissance. Il fallait que celà soit dit clairement
afin d’éviter toute confusion après lecture d’un opuscule
qui se réfère à J. Duboin, tout en disant «
Depuis que nous avons été condamnés chacun à
gagner son pain à la sueur de son front »... et que «
Le prochain n’est plus qu’une source de profits, c’est la règle
d’or du syndicalisme et de la politique marxiste »... !
Par conséquent, si des distributistes sont tentés de s’associer
au Groupement d’économie distributive (GED) dont le siège
est 12 rue de la Charmille à Strasbourg, qu’ils ne confondent
pas cette association avec les Groupes pour l’Economie Distributive
qu’avait fondés M. Laudrain. L’association de Strasbourg fait
signer à ses adhérents un contrat dans lequel ils s’engagent
à verser au groupe tous leurs revenus, salaires, rentes et allocations
diverses. Le GED se charge de règler leurs factures de loyer,
d’électricité, chauffage, assurances, etc., et de remettre
à chacun sa « part » pour qu’il assume ses autres
frais (nourriture, vêtement, scolarité, loisirs), étant
entendu que c’est le Bureau du GED « qui définit quelles
sont les dépenses véritablement nécessaires ».
Ajoutons un détail : le chef de famille a droit à une
part entière, son conjoint à une demi part. Voilà
qui va enthousiasmez Chiffon !(2)
(1) voir la rubrique « lectures » ci-dessous.
(2) voir la rubrique « Tribune libre ».