PLUSIEURS milliers de mégawatts par kilomètre
carré, telle est la puissance théorique de la houle(*).
Sur l’Atlantique Nord par exemple, un mètre de vague soulève
une énergie de 90 kw, ce qui signifie qu’une bande de 10 km de
long pourrait fournir autant d’énergie qu’une centrale nucléaire.
Comment capter cette énergie ? Plusieurs centaines de brevets
ont déjà été déposés. Quelques-
uns ont été utilisés jusqu’à des applications
pratiques. Un livre a fait le point sur cette question : « Le nouvel
homme et la mer » par Yves La Prairie. Il rappelle que des balises
fonctionnent sur ce principe, ainsi qu’un phare dans la baie de Tokyo.
*
Les recherches les plus récentes sont effectuées
par les Anglais et les Japonais.
Le gouvernement anglais y a consacré un million de Livres Sterling
en 1974, puis 2,5 millions en 1977, ce qui a permis d’aboutir à
4 grands projets.
Le premier est celui de S. Salter, de l’Université d’Edimbourg.
Il consiste à placer, perpendiculairement au déplacement
des vagues, des caissons flottants, arrimés au sol par l’intermédiaire
d’une bouée, et susceptibles de tourner autour d’un axe horizontal.
A chaque fois qu’une vague heurte un caisson, elle lui fait accomplir
une rotation et celle-ci entraîne une pompe reliée à
un générateur d’électricité. Le rendement
en laboratoire atteint 66%. En mer, la liaison entre plusieurs caissons,
disposés en batterie, pose encore des problèmes techniques.
Le second projet est celui de Sir Christopher Cockerell. Il remplace
les caissons oscillants par des radeaux associés deux à
deux pour alimenter une pompe laquelle est entraînée par
leur mouvement relatif. Ce système a un rendement moins bon que
le précédent mais coûte moins cher, si bien que
son exploitation commerciale est en route. On prévoit que des
radeaux de 50 mètres sur 100 pourraient fournir 2 mégawatts
chacun. Pour produire 1 000 mégawatts il faudrait une surface
maritime de 2,5 km2. Si cela paraît beaucoup il convient de rappeler
qu’une centrale nucléaire occupe 2 km2... de surface terrestre.
Le kilowatt heure, avec ces techniques, aurait un prix de revient moyen,
à mi-chemin entre le nucléaire et le thermique classique.
Le projet du National Engineering Laboratory de Glasgow est celui d’une
colonne d’eau oscillante. Enfin, celui du laboratoire de recherches
hydrauliques près d’Oxford, repose sur l’utilisation des variations
de hauteur dues aux vagues, grâce à des réservoirs
munis de clapets.
*
C’est l’équivalent de quelque 4 millions de nos francs que les Japonais ont consacré, et dès 1074, à leurs recherches sur l’exploitation de l’énergie, des vagues. Il est vrai que celle-ci atteint sur leurs côtes de 27 000 km, près de 400 000 mégawatts. Ils utilisent, pour absorber cette énergie, des pistons pneumatiques qui entraînent des turbines à air, productrices d’électricité. Un prototype de 500 tonnes vient d’être lancé récemment en mer. L’Agence de la Science et de la Technique prévoit une station au large de Tsuruoka en 1980.
*
Les inconvénients de ces projets sont, outre
l’aspect peu esthétique de ces installations très étendues,
le fait que le captage des vagues près des côtes diminue
l’intensité des vagues de l’autre côté de l’installation
et abaisse de quelques degrés la température de l’eau
des plages avoisinantes.
La principale difficulté technique de tous ces projets provient
de ce que la houle est si puissante qu’elle casse tout. Aucun matériel
ne lui résiste longtemps. Il faut donc de gros investissements
pour le renouveler.
Mais les recherches se poursuivent et les progrès feront baisser
les coûts. Citons le Centre National d’Exploitation des Océans
: « Ainsi en 1973, un kilowatt produit par une centrale de la mer
coûtait dix fois plus cher qu’un kilowatt issu d’une centrale
à pétrole. Aujourd’hui il coûte deux fois plus cher
».
Les avantages de cette source d’énergie sont énormes.
Non seulement il s’agit d’énergie perpétuellement renouvelable,
mais aussi d’énergie propre et sans danger pour l’homme. De plus
sa pointe de production se situe en hiver, c’est-à-dire quand
les besoins d’électricité sont les plus grands. Enfin
la quantité d’énergie qu’on peut en attendre n’est pas
dérisoire, les Anglais ou calculé qu’avec les projets
qu’ils ont à l’étude ils pourront obtenir 750 mégawatts
!
Aucune recherche importante n’est entreprise en France dans ce domaine.
Ce n’est pas seulement parce que la politique actuelle est au « tout
nucléaire ». C’est aussi, sans doute, parce que nos côtes
ne sont pas « à vagues fortes ». Le golfe de Gascogne
ne fournirait que 30 kw par mètre.
(*) D’après A.-M. Lafaurie « les vagues, pétrole de l’An 2 000 ? »" publié par le magazine Industries et techniques, n° 388.