L’énergie des vagues

Science et technique :
par  M.-L. DUBOIN
Publication : janvier 1980
Mise en ligne : 17 septembre 2008

Cet article fait suite à celui publié dans notre numéro 776 « L’énergie vient aussi de la mer ». Il fait partie d’une série consacrée aux diverses sources d`énergie actuellement à l’étude et destinée à montrer qu’il n’y a pas que le nucléaire avec ses dangers qui puisse prendre la relève du pétrole.

PLUSIEURS milliers de mégawatts par kilomètre carré, telle est la puissance théorique de la houle(*). Sur l’Atlantique Nord par exemple, un mètre de vague soulève une énergie de 90 kw, ce qui signifie qu’une bande de 10 km de long pourrait fournir autant d’énergie qu’une centrale nucléaire.
Comment capter cette énergie ? Plusieurs centaines de brevets ont déjà été déposés. Quelques- uns ont été utilisés jusqu’à des applications pratiques. Un livre a fait le point sur cette question : « Le nouvel homme et la mer » par Yves La Prairie. Il rappelle que des balises fonctionnent sur ce principe, ainsi qu’un phare dans la baie de Tokyo.

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Les recherches les plus récentes sont effectuées par les Anglais et les Japonais.
Le gouvernement anglais y a consacré un million de Livres Sterling en 1974, puis 2,5 millions en 1977, ce qui a permis d’aboutir à 4 grands projets.
Le premier est celui de S. Salter, de l’Université d’Edimbourg. Il consiste à placer, perpendiculairement au déplacement des vagues, des caissons flottants, arrimés au sol par l’intermédiaire d’une bouée, et susceptibles de tourner autour d’un axe horizontal. A chaque fois qu’une vague heurte un caisson, elle lui fait accomplir une rotation et celle-ci entraîne une pompe reliée à un générateur d’électricité. Le rendement en laboratoire atteint 66%. En mer, la liaison entre plusieurs caissons, disposés en batterie, pose encore des problèmes techniques.
Le second projet est celui de Sir Christopher Cockerell. Il remplace les caissons oscillants par des radeaux associés deux à deux pour alimenter une pompe laquelle est entraînée par leur mouvement relatif. Ce système a un rendement moins bon que le précédent mais coûte moins cher, si bien que son exploitation commerciale est en route. On prévoit que des radeaux de 50 mètres sur 100 pourraient fournir 2 mégawatts chacun. Pour produire 1 000 mégawatts il faudrait une surface maritime de 2,5 km2. Si cela paraît beaucoup il convient de rappeler qu’une centrale nucléaire occupe 2 km2... de surface terrestre.
Le kilowatt heure, avec ces techniques, aurait un prix de revient moyen, à mi-chemin entre le nucléaire et le thermique classique.
Le projet du National Engineering Laboratory de Glasgow est celui d’une colonne d’eau oscillante. Enfin, celui du laboratoire de recherches hydrauliques près d’Oxford, repose sur l’utilisation des variations de hauteur dues aux vagues, grâce à des réservoirs munis de clapets.

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C’est l’équivalent de quelque 4 millions de nos francs que les Japonais ont consacré, et dès 1074, à leurs recherches sur l’exploitation de l’énergie, des vagues. Il est vrai que celle-ci atteint sur leurs côtes de 27 000 km, près de 400 000 mégawatts. Ils utilisent, pour absorber cette énergie, des pistons pneumatiques qui entraînent des turbines à air, productrices d’électricité. Un prototype de 500 tonnes vient d’être lancé récemment en mer. L’Agence de la Science et de la Technique prévoit une station au large de Tsuruoka en 1980.

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Les inconvénients de ces projets sont, outre l’aspect peu esthétique de ces installations très étendues, le fait que le captage des vagues près des côtes diminue l’intensité des vagues de l’autre côté de l’installation et abaisse de quelques degrés la température de l’eau des plages avoisinantes.
La principale difficulté technique de tous ces projets provient de ce que la houle est si puissante qu’elle casse tout. Aucun matériel ne lui résiste longtemps. Il faut donc de gros investissements pour le renouveler.
Mais les recherches se poursuivent et les progrès feront baisser les coûts. Citons le Centre National d’Exploitation des Océans  : « Ainsi en 1973, un kilowatt produit par une centrale de la mer coûtait dix fois plus cher qu’un kilowatt issu d’une centrale à pétrole. Aujourd’hui il coûte deux fois plus cher  ».
Les avantages de cette source d’énergie sont énormes. Non seulement il s’agit d’énergie perpétuellement renouvelable, mais aussi d’énergie propre et sans danger pour l’homme. De plus sa pointe de production se situe en hiver, c’est-à-dire quand les besoins d’électricité sont les plus grands. Enfin la quantité d’énergie qu’on peut en attendre n’est pas dérisoire, les Anglais ou calculé qu’avec les projets qu’ils ont à l’étude ils pourront obtenir 750 mégawatts  !
Aucune recherche importante n’est entreprise en France dans ce domaine. Ce n’est pas seulement parce que la politique actuelle est au « tout nucléaire ». C’est aussi, sans doute, parce que nos côtes ne sont pas « à vagues fortes ». Le golfe de Gascogne ne fournirait que 30 kw par mètre.

(*) D’après A.-M. Lafaurie « les vagues, pétrole de l’An 2 000 ? »" publié par le magazine Industries et techniques, n° 388.