Les crypto-monnaies

Dossier
par  Y. GRELIER
Publication : janvier 2024
Mise en ligne : 5 mai 2024

Les crypto-monnaies se sont installées dans notre environnement médiatique. Mais que représentent-elles au sein de notre système économique ? Dans ce premier article, Yohann GRELIER introduit leur fonctionnement.

 Naissance d’une nouvelle technologie  :
la chaîne de blocs

Au début des années 1990, la question de la garantie et de la traçabilité d’une information numérique s’est posée. Pour certifier une information numérique, les recherches se sont orientées sur un système décentralisé, par opposition à un système centralisé sous gestion d’un organisme certificateur par exemple. Ainsi, la consignation de "l’histoire" de ces "contrats" numériques va finalement émerger sous la forme d’une technologie nommée chaînes de blocs cryptographiquement sécurisées — ou blockchain. Cette sécurisation rend "l’histoire" validée non modifiable, mais que chacun peut consulter, et l’enchaînement des blocs non corruptible.

Une chaines de blocs historise toutes les transactions depuis son initialisation. Elle constitue en quelque sorte une base de données complète, ou registre de consignation, censée être non modifiable, dont chaque participant possède une copie. Les nouvelles transactions y sont ajoutées par paquets cryptés — blocs —, en faisant appel au cœur du système  : un algorithme de calcul qui valide, par consensus des ordinateurs du réseau, le nouveau bloc à ajouter à la chaîne sécurisée, et que chacun doit ajouter sur sa copie.

La participation à ces calculs a rapidement fait apparaître un besoin de rétribution, qui a naturellement orienté l’usage de cette technologie dans des systèmes valorisés telles les crypto-monnaies. La réalisation par l’ordinateur de ces calculs pour crypto-monnaie est appelée le "minage". Ces calculs d’ailleurs font de plus en plus l’objet de critiques sur la consommation énergétique croissante demandée pour les résoudre  : selon l’université de Cambridge en janvier 2022, la consommation sur un an du bitcoin aurait été de 150 térawattheures (TWh) [1] — dans les années 2020, avec une consommation annuelle de 86,6 TWh, le bitcoin se classait entre la Belgique (81,2 TWh/an) et les Philippines (90,9 TWh/an). Ce qui a amené par exemple la Chine à lutter contre les installations de minage.

 Application  : les crypto-monnaies,
ou monnaies virtuelles décentralisées

La première crypto-monnaie, désormais bien connue a été créée en 2009  : le bitcoin. Cette première crypto-monnaie a rencontré le succès grâce à la nouveauté de la gestion décentralisée. Depuis des centaines de crypto-monnaies ont vu le jour, en espérant chacune créer une communauté suffisamment confiante pour prendre de la valeur.

L’avantage de l’utilisation de la chaîne de blocs est qu’elle garantit qu’une entité ne peut jamais dépenser deux fois une même valeur, et participe donc à la confiance que vont lui accorder ses utilisateurs. Les transactions historisées dans les blocs présentent simplement que tel utilisateur a versé tel montant à tel autre utilisateur, avec leur signature numérique pour chacun d’eux. Un "portefeuille" de crypto-monnaie correspond simplement à deux signatures numériques que possèdent un utilisateur  : une signature privée lui permettant d’être identifié dans la chaîne de blocs en tant que possédant de montants reçus minorés des montants dépensés, et une seconde publique lui permettant d’être reconnu par les autres utilisateurs pour transférer dans un sens ou l’autre de nouveaux montants. Si le portefeuille est perdu par son utilisateur, il n’y a aucun moyen de récupérer les valeurs associées.

Les crypto-monnaies existent au sein d’une diversité d’outils monétaires qu’il faut distinguer  :

– Une monnaie électronique ou numérique est simplement une dématérialisation d’une monnaie traditionnelle, fiduciaire  ;

– Une monnaie virtuelle, au contraire, n’est pas gagée sur une remise de fonds et n’est pas une créance. La Banque centrale européenne distingue trois types de monnaies virtuelles  :

 · Une monnaie virtuelle fermée ne peut être utilisée dans le monde réel, souvent utilisées dans les jeux vidéos  ;

 · Une monnaie virtuelle à flux unidirectionnel qui peut être acquise avec de la monnaie traditionnelle, en général pour faire des achats auprès de compagnies commerciales  ;

 · Une monnaie virtuelle à flux bidirectionnel qui a un cours d’achat et de vente en monnaies traditionnelles, et c’est dans cette catégorie que s’inscrivent les crypto-monnaies.

Ces crypto-monnaies ne reposent pourtant sur aucune valeur réelle, autre que l’intérêt que leur portent leurs utilisateurs. Elles sont donc propices à la spéculation, et clairement appelées par certains des "actifs". Un bitcoin a aujourd’hui une valeur de 40 000 $.

Idéologiquement, deux courants peuvent être servis par l’apparition de ce nouvel outil numérique [2]. Le premier, porté par le philosophe et économiste autrichien Friedrich von Hayek (1899-1992), défendant l’idée libérale de monnaies privées se faisant concurrence, et contestant la monnaie en tant que fonction régalienne de l’État. Le second issu du cyberpunk de Tim May (1951-2018) cherchant à s’affranchir des institutions, et attaché à la vie privée.

Une classification des crypto-monnaies a été proposée [3], en quatre grandes catégories, afin de distinguer les différentes motivations sous-jacentes à leur existence  : 

– Créées simplement par leur propriétaires à des fins d’enrichissement, qui sont rapidement dénoncées et à durée de vie courte  ; 

– Basées sur le même principe que le bitcoin. Des recherches complémentaires ont permis d’améliorer les caractéristiques techniques, permettant par exemple de rendre anonymes les utilisateurs effectuant les transactions  ; 

–  Cherchant à plus de sobriété énergétique, ou à donner du sens à l’utilisation des puissances de calcul utilisée, comme permettre de résoudre des problèmes mathématiques, favoriser les producteurs d’énergie solaire, faire avancer la recherche en médecine  ; 

– Proposant de nouvelles règles techniques ou d’usage afin de rendre la création plus équitable entre les participants.

 Les crypto-monnaies et les institutions

La technologie des chaînes de blocs est souvent présentée comme infaillible. Le passage de la théorie à la pratique introduit pourtant un risque de faille, comme dans tout système informatique, dépendant des entités prenant en charge son développement.

De plus, bien qu’un compte soit en principe anonyme, les transactions sont toutes tracées et peuvent donc être analysées et permettre de remonter à leur propriétaire en allant jusqu’au blocage de comptes suspectés d’activités illicites, comme cela a été fait avec le HAMAS [4].

Ces caractéristiques incitent les institutions d’État à créer leur propre monnaie numérique, mais centralisée, permettant ainsi une maîtrise du système  : les monnaies numériques de banque centrale (MNBC). Il s’agit pour ces institutions de proposer un système luttant contre les crypto-monnaies décentralisées, représentant une menace pour leur souveraineté. De plus, elles pourront contrôler les flux plus précisément qu’aujourd’hui sur nos comptes bancaires de banques privées, puisque toutes les transactions seront historisées dans leur système informatique.

À l’ère du numérique, entre libéralisme et contrôle des citoyens, les crypto-monnaies représentent un défi pour nos sociétés.


[1Indice de consommation d’électricité du système Bitcoin par l’université de Cambridge 
https://ccaf.io/cbnsi/cbeci

[2Mentionnés par Alexandre Reichart, Enseignant à l’ENGDE, dans Au cœur du système : les deux paradoxes des cryptomonnaies, 2021
https://www.mondedesgrandesecoles.fr/au-coeur-du-systeme-le-paradoxe-des-cryptomonnaies/

[3Tichit A., Lafourcade P., Mazenod V. (2017) “Les monnaies virtuelles décentralisées sont-elles des outils d’avenir ? ”, Études et Documents, n° 4, CERDI.
https://shs.hal.science/halshs-01467329/document

[4«  Plus de 100 comptes sur la plus grande bourse de cryptomonnaies au monde, ont été gelés, ajoutant que les autorités ont demandé des informations sur quelque 200 autres comptes. […] Entre août 2021 et juin 2023, le Hamas aurait reçu 39 millions d’euros en cryptomonnaies.   »
https://fr.euronews.com/next/2023/10/17/les-societes-de-cryptomonnaies-gelent-des-comptes-pour-bloquer-le-financement-du-hamas


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