Quel monde demain ?

Face à la dérive du climat terrestre :
par  J. HAMON
Mise en ligne : 31 octobre 2009

Depuis avril 2002 [*], nos lecteurs ont la chance d’avoir été sensibilisés par un spécialiste du climat, ancien sous directeur de l’OMS, Jacques hamon, des menaces que l’industrialisation fait peser sur la planète (température de l’atmosphère, niveau de la mer). Faisant le point cette année, dans une conférence faite à Annemasse (texte et références sur notre site internet), il rappelait sur quelles bases scientifiques s’appuie le GIEC pour établir ses pévisions, avant de conclure ceci :

Les derniers rapports du GIEC ont été présentés courant 2007. En bref ils prévoient, pour le présent siècle, une augmentation de la température terrestre moyenne comprise entre 2 et 5° C, et une montée du niveau de la mer de 30 à 40 cm, essentiellement du fait de la dilatation d’une eau de mer plus chaude.

À première vue, rien de bien inquiétant. Il faut toutefois noter que ces rapports sont basés sur une longue comparaison et discussion des conclusions de chaque équipe pour aboutir à un consensus, ce qui tend à gommer les positions extrêmes, et prend du temps. Les rapports 2007 sont ainsi basés sur les données validées de 2005. Par ailleurs l’équilibre thermique entre l’atmosphère et la mer demandant environ mille ans pour s’établir […], une montée de la mer par dilatation thermique de 30 à 40 cm au 21ème siècle se traduirait inéluctablement, in fine, par une montée de 3 à 4 mètres. La présentation de l’augmentation de la température terrestre moyenne ne doit pas faire oublier la distribution spatiale de cette augmentation : faible dans la zone équatoriale, au dessus de la moyenne dans la zone tempérée nord, très importante au niveau de l’arctique, et plus forte sur les terres que sur mer. Une augmentation moyenne de 2 à 5 degrés se traduirait ainsi par plus 3,5 à 7,5 degrés en France, et plus 5 à 10 degrés dans l’arctique.

Des données va !idées récentes incitent au pessimisme. La concentration atmosphérique des gaz à effet de serre augmente bien plus vite qu’escompté. L’albédo terrestre diminue vite du fait de la fonte de la banquise arctique et du raccourcissement des périodes enneigées. La stabilité des inlandsis groenlandais et antarctique est moindre qu’anticipé, non par fonte sur place, mais du fait d’une accélération inattendue de l’écoulement latéral vers la mer, libérant de gigantesques icebergs, qui fondent. La seule disparition d’un dixième de l’inlandsis groenlandais, ou d’un centième de celui de l’antarctique, ferait monter la mer de 70 cm. Pire encore, le permafrost arctique fond plus vite qu’anticipé, libérant du gaz carbonique et du méthane fossiles, et les talus arctiques sous-marins se réchauffent et libèrent du méthane, un cas de figure exclus de toutes les hypothèses de travail. Au cours du présent siècle il devient crédible d’escompter une montée du niveau de la mer de près de 2 mètres, et une augmentation de la température moyenne excédant 5 degrés.

La fin commerciale du pétrole étant proche, celle du gaz naturel devant suivre de peu, et les réserves de charbon commençant à diminuer, les émissions anthropiques de gaz à effet de serre devraient progressivement tendre vers zéro, rétablissant une composition de l’atmosphère proche de celle d’avant l’ère industrielle. C’est exact, mais cela prendra du temps, beaucoup de temps.

Cette réduction des émissions pourrait être accélérée en capturant, puis en séquestrant durablement, le gaz carbonique émis par les grands producteurs : centrales thermiques, cimenteries, usines sidérurgiques, etc ... La technologie de capture existe, mais elle est coûteuse. La séquestration peut se faire dans des aquifères salés profonds, dans des gisements gaziers ou pétroliers en fin d’exploitation, ou dans les profondeurs sous-marines.

Pour des raisons tant politiques que commerciales, les données sur les réserves exploitables de pétrole et de gaz naturel ne sont pas fiables [1], ce qui rend difficile la détermination de l’époque à partir de laquelle la production de ces énergies fossiles essentielles commencera inexorablement à diminuer. Ce qui est certain c’est que les découvertes de nouveaux gisements sont loin de compenser la présente production. D’un point de vue strictement technique, le pétrole sera disponible encore longtemps car on sait le fabriquer à partir du gaz naturel, ou du charbon. D’un autre côté, une partie de ces énergies fossiles carbonées restera sous terre à partir du moment où l’énergie requise par l’extraction dépassera celle que l’on pourrait obtenir du produit extrait.

Des négociations internationales ont été entreprises avec un succès modéré pour réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (accords de Kyoto). D’autres sont en cours pour préparer “l’après Kyoto”. Certains pensent que de telles négociations sont sans espoir du fait de l’égoïsme des parties concernées. L’inaction se traduirait par une montée de la mer engloutissant au cours du présent siècle de nombreuses grandes métropoles à travers le monde, et de riches zones agricoles ou touristiques littorales. Le danger vient plutôt de l’inertie de notre biosphère : lorsque le danger deviendra évident pour les décideurs politiques et leurs électeurs, il sera des décennies trop tard pour y remédier.

Une limitation volontaire concertée des énergies fossiles carbonées devrait permettre aux pays les moins développés de rattraper une parie de leur retard socio économique, ce qui ne sera possible qu’au prix de restrictions considérables dans les pays les plus industrialisés. Baser une croissance future sur une société de la connaissance “décarbonée” ne résiste pas à l’analyse car la dématérialisation industrielle consomme aussi beaucoup d’énergie.

D’importantes économies d’énergie sont réalisables à travers le monde sans trop affecter les niveaux de vie des populations concernées, mais un appel massif aux énergies renouvelables n’en sera pas moins indispensable… D’une façon ou d’une autre ces énergies ne sont qu’un sous-produit de l’énergie solaire reçue par la Terre. Des études récentes suggèrent que cette énergie devrait permettre à environ 2 milliards d’êtres humains de mener une existence modeste de façon durable et, à bien plus, de survivre en acceptant un niveau de vie très rudimentaire.

La biomasse et l’énergie hydraulique sont déjà largement exploitées, mais d’abondantes ressources restent disponibles. Les énergies éolienne et photovoltaïque, et le solaire thermique sont de plus en plus sollicités, avec une énorme marge de progrès disponible, mais leur production est aléatoire, alors que le stockage de l’énergie électrique sous une forme chimique ou mécanique est coûteux, avec d’importantes pertes en ligne. La thalasso-énergie et l’énergie géothermique peuvent être localement intéressantes, sans plus.

On a beaucoup parlé d’une civilisation de l’hydrogène mais, comme pour l’électricité, ce n’est qu’un vecteur d’énergie. Avant de pouvoir l’utiliser, il faut le produire, et le bilan production-utilisation est négatif, comme pour l’électricité. Le seul avantage relatif de l’hydrogène est que l’on sait le stocker, mais avec d’inévitables pertes par ce que ce gaz passe à travers presque toutes les enceintes.

Actuellement, notre niveau de vie découle de l’utilisation massive d’énergies fossiles carbonées dont la fourniture de base est quasi-gratuite, ce dont nous ne sommes pas conscients. Passer aux énergies renouvelables imposera de faire le bilan énergétique de toutes les options envisagées, et nous aurons bien des surprises. Faire le plein d’agrocarburant d’une berline familiale, ou nourrir un être humain pendant un an ? Utiliser un cheval de trait pour les travaux des champs, dont la nourriture exigera deux hectares de prairies et de cultures, ou nourrir 40 personnes pendant un an ? Ou disposer de deux bœufs de labour dont les flatulences émettront massivement du méthane (environ 1.000 litres par jour) ?…

Plus nous attendrons pour modifier nos modes de vie et plus la période de transition vers l’inévitable frugalité sera courte et tumultueuse. Nous allons, à mon avis, avoir à passer d’une société urbaine hyperindustrialisée à une société largement rurale et artisanale, tout en continuant heureusement à bénéficier de la majorité des récents acquis scientifiques.

Dans ce qui précède je n’ai pas évoqué le recours à l’énergie nucléaire mais, personnellement, je le crois inévitable pour économiser les énergies fossiles carbonées et sensiblement allonger la période de transition, permettant ainsi un ajustement démographique et social pacifique.

Les échelles de temps étant différentes, les sociétés humaines que nous connaissons feront face à des problèmes de survie, l’espèce humaine disparaîtra peut-être. De son côté, la Terre n’a rien à craindre ; en quelques millénaires elle reviendra à son équilibre ante-Homo sapiens, avec d’entrer dans son prochain cycle glaciaire.


[*Voir : GR 1020, GR 1024, GR 1036, GR 1042, GR 1064, GR 1070.

[1*Voir GR 1036


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