Voici un livre, « Une Suisse au-dessus de tout
soupçon » par J. Ziegler (au Seuil), que quiconque prétendant
savoir ce qu’est le capitalisme devrait avoir lu. Il est édifiant.
Sans les références citées, qui, elles, sont au-dessus
de tout soupçon, beaucoup seraient tentés de croire les
chiffres exagérés.
On y apprend que le peuple suisse, constitué par seulement 0,03
% (trois pour dix mille) de la population mondiale se classe au second
rang parmi les peuples les plus riches du monde. Il détient même
le premier marché mondial de l’or et de la réassurance,
il est la troisième puissance financière de la planète.
La patrie du coucou est aussi celle des « seigneurs de la finance
» qui, grâce à leurs 4 000 banques contrôlent
des sommes dix fois supérieures au budget de la Confédération.
Les bénéfices réalisés en 1974 par trois
de ces banques s’élèvent à 517 millions de francs
suisses, c’est-à-dire plus de cent milliards de nos anciens francs.
La Suisse abrite 447 sociétés multinationales contrôlant
1 456 filiales (dont la société responsable de la catastrophe
récente de Seveso).
L’impérialisme suisse joue le rôle de receleur en recueillant
les capitaux étrangers, leur permettant ainsi d’être soustraits
au fisc de leurs pays d’origine et bien qu’une telle exportation soit
interdite. Le Portugal a perdu ainsi, entre avril 1974 et avril 1975,
plus d’un milliard d’escudos. Plus de 15 milliards de dollars fuyant
l’Italie ont été déposés à Lugano
entre 1964 et 1974. « Environ 400 000 Français possèdent
un compte numéroté en Suisse, soit « plus de 390
milliards de nouveaux francs » ; (répartis entre un million
de chômeurs, cela ferait 39 millions d’anciens francs pour chacun
d’eux), etc., etc... L’ex-empereur d’Ethiopie, Hailé Sélassié
fit transférer des centaines de milliers de kilos d’or pendant
des dizaines d’années. Le Honduras connut en 1974 une situation
difficile à cause de transferts massifs des profits de l’oligarchie
déposés dans les banques étrangères, notamment
suisses, installées à Panama. Tandis que les peuples vietnamiens
et cambodgiens vivaient une agonie terrifiante, le Général
Thieu et le Maréchal Lon-Nol essayèrent de faire parvenir
en Suisse 16 tonnes d’or... et y parvinrent probablement.
Mais toutes ces transactions sont couvertes par le secret bancaire,
qui, lui, est sérieusement réglementé et préservé.
Ainsi depuis des décennies, le gouvernement de la République
de Saint-Domingue essaie-t-il, en vain, de récupérer les
quelques 500 millions de dollars « transférés »
par les fils de l’ancien dictateur Trujillo. Des centaines de familles
juives ne parviennent pas à retrouver ce que des parents ont
déposé en Suisse au moment de la montée du nazisme.
Le gouvernement algérien ne peut pas toucher le « trésor
du F.L.N. », les 50 millions de francs suisses des cotisations
des travailleurs algériens déposés à la
banque commerciale arabe de Genève par Khidder.
Ziegler montre ensuite comment les capitaux en fuite servent au «
financement des entreprises les plus aventureuses et les plus lucratives
d’une mince oligarchie ». La destruction de ce système
« non seulement n’affecterait pas l’économie suisse mais...
rendrait une partie de leurs chances de vie à des dizaines de
millions d’hommes... ». Son rôle dans l’étranglement
lent et méthodique du peuple chilien apparaît avec logique
et clarté.
Ce livre est une source de documentation pour qui voudrait montrer par
quel mécanisme l’impérialisme capitaliste impose ses modèles
politiques aux peuples du Tiers Monde. « La dette des pays en
voie de développement a pris des dimensions astronomiques...
Ces tendances apparaissent dans les chiffres des crédits à
l’exportation suisse pour 1970 : de nouveaux crédits furent accordés,
d’une valeur de 97 millions de francs, tandis que 250 millions de francs
faisaient le trajet retour (Tiers Monde-Suisse), représentant
les intérêts des crédits antérieurs. Les
remboursements ne sont pas inclus dans ces chiffres. »
Dans sa conclusion, Ziegler nous rejoints parfaitement : « L’impérialisme
répand ses ravages à travers le monde à une vitesse
effrayante. Ici et là, le seul moyen d’en guérir est l’aide
concertée d’hommes et de femmes décidées à
briser le règne du capital et de la marchandise, d’abolir la
misère et le mensonge et de transformer leurs vies défigurées
en un destin collectif chargé de sens ».
Cette étude sérieuse, résultat d’un long travail
remarquablement documenté, nous conforte donc dans l’idée
que le système économique prime tout... hélas !
N’en déplaise à certains écologistes.
« Une Suisse au-dessus de tout soupçon »
Lectures
par
Publication : septembre 1936
Mise en ligne : 7 mars 2008
par
Publication : septembre 1936
Mise en ligne : 7 mars 2008