France : ping-pong social
Après neuf années de pouvoir élyséen "de
gauche", il aura fallu une nouvelle baisse marquante de la cote
de Mitterrand pour que reprenne le petit jeu de ping-pong du Président
avec son Premier Ministre sur les thèmes : "plus de justice
sociale, meilleur partage de la croissance".
Les deux se renvoient la balle, mais rien de concret, de positif ne
sort de leurs discours qui se révèlent, au fil des années
depuis 1981, une escroquerie verbale envers leurs électeurs et
les militants socialistes, les deux étant, par voie de conséquence,
en perte de vitesse.
Rocard a emprunté à Mitterrand son "truc" :
"donner du temps au temps" : En 1988, souvenez-vous, il demandait
15 à 18 mois pour "réduire les inégalités
sociales" ; deux ans après, il demande trois nouvelles années,
alors que la croissance avoisine 4 % (taux des trente glorieuses). De
qui se moque-t-il ?
A peine Mitterrand a-t-il dénoncé (?) "l’argent gagné
en dormant" que le Palais Brongniart tousse. Immédiatement
Rocard proclame que la bonne santé de la Bourse est nécessaire
à l’économie des démocraties libérales,
et tout rentre dans l’ordre.
En attendant tout le monde, tous les instituts, reconnaissent que le
fossé ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres
(1) ; 500 personnnes, soit le quart des effectifs, vont perdre leur emploi
à la SFP ; Michelin prévoit un "nouveau plan social
de restructuration" (admirez au passage l’expression), soit, plus
prosaïquement 2.600 licenciements. Or, la production de Michelin
ne diminue pas ; il mécanise, robotise et on continuera à
prétendre que l’investissement productif crée des emplois.
Oui, les socialistes au gouvernement ont totalement trahi leurs promesses.
Quels résultats attendent-ils de leur politique ? Que Le Pen
qui, ne l’oublions pas, pique autant de voix, sinon plus, à gauche
qu’à droite atteigne le quart des suffrages, voire davantage
(cf Villeurbanne) ? C’est le sens de l’entente tactique RPR-UDF pour
présenter un candidat unique au premier tour des présidentielles.
En effet, l’éventualité à cinq ans d’un score Le
Pen 20%, RPR 15%, UDF 15% est tout à fait envisageable au train
où vont les choses. Ainsi Le Pen pourrait-il le plus légalement
du monde devenir le candidat de la droite (voir Hitler).
Le PS fourrier du fascisme en France ! On aurait tout vu.
***
Elections à l’Est : deux poids, deux mesures
Suivant l’exemple de la Pologne, les élections libres en RDA,
Hongrie et Tchécoslovaquie se sont traduites par une nette victoire
de la droite : environ 45% des voix au parti ou à la coalition
dominants.
Par contre en Roumanie et en Bulgarie, les résultats ont été
exactement inverses. Les partis continuateurs des communistes, rebaptisés
socialistes, ont obtenu la majorité dans des élections
régulières selon le constat des observateurs étrangers
eux-mêmes. Seraitce la troisième voie possible que nous
souhaitions aux pays de l’Est opérant leur "révolution"
: un socialisme réel à visage humain ?
Quoiqu’il en soit, les résultats n’allant pas, dans ces deux
pays, dans le sens souhaité par les pays capitalistes - économie
de marché sans réserve, libéralisme intégral
on continue à fomenter des troubles. Au Nicaragua, Noriega avait
joué le jeu : parfait, rien à redire. En Roumanie, les
mêmes élections sont dénoncées : PC déguisé,
ombre de Ceaucescu. Un commentateur de télé en France
parle de "répit" pour les communistes en Bulgarie et
Roumanie. De quel droit - démocratique - établir deux
poids, deux mesures ? Les urnes n’ayant pas répondu à
leur désir, les Occidentaux admettent et même défendent
le fait que la contestation, les troubles continuent sur la place publique.
Et de dénoncer, non sans esprit type Timisoara, qu’un gouvernement
veuille faire respecter la loi. Les Français, c’est bien connu,
ont la mémoire courte ; ont-ils oublié mai 68 ?
Par contre, qu’on prévoie deux millions de chômeurs en
RDA, que 53% des personnes craignent de perdre leur emploi n’émeut
pas nos censeurs : c’est le prix à payer, commentent-ils, pour
la liberté et les beautés de l’économie de marché.
***
Elections en Algérie : un XXIe siècle
religieux ?
On s’en souvient, Malraux prophétisait : "Le XXIe siècle
sera religieux ou il ne sera pas". La victoire sans appel des Intégristes,
ou FIS, (plus de 60% des suffrages, contrôle de la plupart des
grandes villes) est inquiétante, mais elle est sûrement
le fruit de l’incurie des dirigeants FLN confortablement installés
au pouvoir, incapables de résoudre les problèmes économiques,
alors qu’ils avaient montré, dans leur longue guerre de libération
coloniale, tant de courage, tant de savoir.
L’Iran, les républiques soviétiques musulmanes, l’Algérie,
la Tunisie et le Maroc touchés, c’est le retour en force du fanatisme
religieux avec ses conceptions d’un autre âge
assujétissement de la femme, démographie incontrôlée.
Sans qu’heureusement leur influence soit aussi pernicieuse que dans
les pays musulmans, il ne faut pas oublier que les "révolutions"
des pays de l’Est ont eu pour support les églises, qu’elles soient
catholiques comme en Pologne, ou protestantes comme en RDA.
Le moins que l’on puisse en dire en "cette fin de siècle
obscure", pour reprendre le titre du dernier livre de Max Gallo,
c’est que la raison ne domine pas. Où est le "siècle
des lumières" ? Et cependant, les "lumières"
isolées ne manquent pas nous pouvons dire sans fausse modestie
que les distributistes après Jacques Duboin sont l’une d’elles.
***
URSS : étrange Gorbatchev
Toutes les craintes que nous avons exprimées depuis des mois
dans la Grande Relève apparaissent de plus en plus fondées
au fur et à mesure que le temps passe.
On pouvait lire dans le Monde du 16 juin cette incroyable dépêche
de l’AFP reproduite sans commentaires : "URSS - Etats Unis : M.
Sununu attendu à Moscou pour conseiller M. Gorbatchev sur l’organisation
de la présidence - Le secrétaire général
de la Maison Blanche, M. John Sununu, le plus conservateur des principaux
collaborateurs de M. Bush, se rendra à Moscou pour conseiller
M. Mikhaïl Gorbatchev sur l’organisation et le fonctionnement de
sa présidence, a-ton annoncé jeudi 14 juin de source officielle
américaine".
On savait déjà que, depuis janvier dernier, fonctionnait
une commission mixte franco-soviétique Stoléru étant
responsable pour la France - pour rechercher les meilleurs voies possibles
pour passer à l’économie de marché. Ombres de Marx
et de Lénine, quel spectacle pour vous !
Gorbatchev, il y a peu encore homme adulé dans le monde capitaliste,
ainsi que ses politiques et ses économistes, dans un pays de
2.800.000 âmes, seraient-ils indigents au point d’avoir de tels
recours ?
Triste, décevant, inquiétant, à peine imaginable.
II est vrai qu’après cinq années de pérestroïka
(restructuration), les magasins sont de plus en plus vides.
Boris Eltsine ("Eltsine, c’est Pierre Poujade", dit Alain
Minc), ennemi juré de Gorbatchev depuis que ce dernier l’avait
mis à l’écart, rénovateur ultra, vraisemblablement
homme de paille ou roue de secours de l’Occident, qui a produit un livre
sans consistance mais au titre évocateur : `Jusqu’au bouf’ a
réussi à se faire élire président du Parlement
de Russie. La Russie n’est théoriquement qu’une des quinze républiques
d’URSS, mais elle représente 50 % de son territoire et de ses
habitants.
Peu de temps après par contre, un conservateur s’est fait élire
responsable du PC de la même république. Les "Conservateurs"
reviennent en force au Congrès du PC : ils accusent Gorbatchev
de trahir Marx et Lénine. L’armée est sûre ment
discrètement derrière eux. A l’heure où nous écrivons
- le Congrès vient de s’ouvrir -, on ne peut rien dire de plus.
Nous conclurons seulement, avec Hélène Carrère
d’Encausse (Radio Monte Carlo le 2 juillet 1990) : "Gorbatchev a
perdu le pouvoir réel, il lui reste le pouvoir apparent".
A suivre.
(1) Le rapport du CERC, pour 1989, vient une nouvelle
fois confirmer : "Les revenus de travail ont moins progressé
que ceux du patrimoine et de l’épargne" ?le Monde 4.7.90).
Le pouvoir d’achat des smicards (1.700.000) a encore baissé de
0,7 % après moins 0,5 en 1988. L’augmentation de la cotisation
assurance-vieillesse de 1 % au premier janvier 1990 (toujours les mêmes
qui paient) a réduit et l’INSEE, avec le CERC, confirme - le
gain de pouvoir d’achat dans le secteur privé à 0,1 %.
Par contre, les revenus des professions libérales e commerciales
continuent à être en forte hausse. Le revenu agricole a
augmenté de 10,8 % en moyenne (là aussi il faut distinguer
entre les gros et les petits : de + 67 à - 12) : et le CERC précise
que cette augmentation est due essentiellement à "l’assainissement
des marchés". Les distributistes traduiront cette monstruosité,
quand des millions d’êtres humains meurent de faim.