Au fil des jours
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Publication : août 2001
Mise en ligne : 13 septembre 2008
Suppressions d’emplois
Certains (naïfs ?) croyant que la fin du chômage était arrivée, d’autres estimant que ces annonces de suppressions d’emplois étaient déprimantes, j’avais (presque) décidé de ne plus vous en parler. Je n’avais cependant pas manqué, malgré l’optimisme ambiant, de souligner à maintes reprises que si le chômage diminuait grâce aux nombreuses créations d’emplois (544.000 en un an en France), la précarité n’en continuait pas moins à augmenter et que, comme aux états-Unis, on voyait se développer en France la catégorie des “working poors” (travailleurs qui ne gagnent pas assez pour vivre décemment). Vous pourrez aussi constater, dans la liste qui suit, que les technologies de l’information et de la communication dont on nous disait qu’elles étaient le moteur de la croissance, figurent parmi les activités les plus touchées.
• Nokia, le géant finlandais des télécommunications a annoncé le 28 juin la suppression d’un millier d’emplois dans sa branche réseaux (chiffre plus de deux fois supérieur à celui annoncé en mars) [1].
• L’éditeur de jeux vidéo Infogramme a présenté un plan de restructuration comportant la suppression de 400 emplois, soit 20% de ses effectifs [1].
• La société informatique NCR France a annoncé la suppression de 344 postes (sur 1.410) dans le cadre d’un projet de restructuration de sa division services [2].
• Le Nasdaq (marché américain des valeurs technologiques) licencie 140 personnes, soit 11% de son personnel [3].
• Le groupe néerlandais Philips a annoncé le 26 juin qu’il avait décidé de céder à China Electronics Corporation la fabrication et la conception de ses téléphones mobiles. Cela se traduira par la suppression de 1.235 emplois dont 1.142 dans son usine du Mans [4].
• Cap Gemini Ernst& Young, cinquième société mondiale de conseils en informatique va supprimer 2.700 emplois [4].
• Le bouquet, c’est que la Banque de France supprime 494 emplois dans ses sites du Puy de Dôme qui fabriquent les billets en euro. La direction explique ces licenciements par la nécessité de faire passer le coût de fabrication du billet de 80 centimes à 50 centimes [4] !
L’Agence France Trésor ???
C’est une nouvelle structure créée par l’arrêté du 8 février 2001 dont on a peu entendu parler jusqu’ici [5]. Elle a pour objectif « de gérer la dette et la trésorerie de l’État au meilleur coût et avec une sécurité optimale ». Cela concerne les quelque 4.000 milliards de francs d’encours de la dette française. Placée sous l’autorité du ministre de l’Économie, l’Agence France Trésor dépend du Trésor. Elle sera conseillée par un comité stratégique présidé par Jacques de la Larosière, comprenant 7 personnalités “reconnues” (!) et par un comité de marché composé de responsa-bles de marché et de spécialistes en valeurs du Trésor. Elle pourra faire appel à des professionnels de marché comme consultants externes [6]. La mission de l’Agence est d’optimiser les charges financières de l’État en fonction des variations de taux d’intérêt. Les rachats de dette seront poursuivis en suivant ses recommandations et l’Agence procédera à des opérations sur les marchés dérivés [7].
Ainsi, dans l’hypothèse d’une réduction de la durée moyenne de la dette de l’État de 6 à 4 ans, 65,6 milliards de francs environ seront mobi-lisés. Le directeur du Trésor a souligné que « cette modernisation s’effectuera avec une sécurité et une transparence maximales ».
Rule yankee
Du 9 au 20 juillet, à New York, l’ONU a convoqué une conférence [8] de ses états membres, à laquelle sont associées environ 160 ONG, et qui doit adopter un plan d’action international de lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre [9] (ALPC) dans le monde. Selon une estimation de 1999, il y aurait en circulation près de 550 millions de ces armes. D’après une déclaration des ONG à la conférence de l’ONU sur le désarmement qui s’est tenue en mars 2001, entre 500.000 et 700.000 personnes ont été tuées chaque année depuis 1990 par des APLC au cours des 50 conflits régionaux et guerres civiles recensés, soit un mort par minute.
La conférence de New-York est destinée à mettre au point un plan d’action internationale reposant sur une coopération entre polices, douanes et justice. Dans le cadre de la préparation à cette conférence, la France et la Suisse ont proposé de mettre en place un mécanisme de traçage des APLC : il s’agit de marquer les armes, de les enregistrer et d’identifier les fi-lières de fourniture.
C’était trop beau. Dès l’ouverture de la conférence, les états-Unis, s’appuyant sur le droit constitutionnel des Américains à posséder de telles armes, se sont vivement opposés aux Européens et aux ONG [10]. Le délégué américain a averti que les Etats-Unis s’opposeraient à toute tentative de réguler la possession et le commerce légal de ces armes.
Rappelons que les états-Unis refusent toujours de signer le traité d’interdiction des mines antipersonnel et ne reconnaissent toujours pas le Tribunal International.
Ce n’est pas nouveau, les États-Unis veulent gouverner le monde avec les lois américaines !
[1] Le Monde, 30 juin 2001.
[2] Le Monde, 28 juin 2001.
[3] Wall Street Journal, 27 juin 2001.
[4] Le Monde, 27 juin 2001.
[5] La Tribune, 22 mars 2001.
[6] s‘ils sont aussi bons que Jean-Pierre Gaillard, on n’a pas fini de souffrir !
[7] Les produits dérivés sont des paris pris sur la variation des cours des marchés.
[8] Le Monde, 8-9 juillet 2001.
[9] Les ALPC vont des fusils automatiques, mitraillettes, mitrailleuse, jusqu’aux canons et mortiers en passant par les lance-grenades, roquettes antichars-et missiles antiaériens. Et on appelle ça des armes de petit calibre !
[10] Le Monde, 11 juillet 2001.