Au fil des jours
par
Publication : avril 1980
Mise en ligne : 24 septembre 2008
En 1973, au Brésil, afin de dissimuler l’ampleur
de l’inflation, M. Delfi Netto, super-ministre des Finances, n’avait
pas hésité à corriger l’indice du coût de
la vie en le basant sur les prix théoriques fixés par
le gouvernement et non ceux constatés sur le marché.
Il semble bien que M. Netto ait fait école. Et ce n’est pas R.
Barre qui dira le contraire.
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« Les années 80 seront marquées
par de prodigieuses modifications des techniques de production. Nous
ne pouvons pas en rester à un système social déjà
ancien ».
Cette déclaration presque révolutionnaire en cette période
de grisaille généralisée n’émane pas d’un
syndicat dit de gauche mais de F. Ceyrac, président du C.N.P.F.
Mais n’ayez pas de fausses joies, il n’en est pas encore à l’économie
distributive.
Comme tant d’autres, il fait une analyse correcte de la situation économique,
mais il en tire des conclusions farfelues.
Ceyrac considère l’industrie comme le « fer de lance »
du développement. II pense qu’une fois le secteur industriel
développé, « le secteur tertiaire se développera
ensuite, et tout seul. Quant à l’importance à donner aux
emplois d’utilité collective, elle demeure marginale ».
F. Ceyrac se moque du monde. Il sait très bien que l’industrie
ne crée plus d’emplois et que le tertiaire débauchera
bientôt tout autant que le secondaire. Quant aux emplois d’utilité
collective, dont nous avons tant besoin, ils n’intéressent pas
M. Ceyrac car ils ne sont pas générateurs de profit.
*
Parmi les « moteurs » du développement
industriel, on nous parle souvent de l’industrie automobile mais tous
les économistes sérieux s’accordent à prévoir
une grave crise à brève échéance dans ce
secteur. (Nous vous en parlerons en détail dans un de nos prochains
numéros). Pour le moment, voici ce que déclarait le patron
d’une grande société française
« Il n’y a pas de miracle, les emplois que nous créerons
dans le Nord se traduiront par une compression, au moins équivalente,
dans la région parisienne. Comment opérer autrement alors
que la défense de notre compétitivité exige non
seulement le plafonnement mais la diminution de nos effectifs ».
*
« L’usage croissant de la micro- électronique
dans les bureaux et les usines va lourdement contribuer à l’aggravation
du chômage en Europe de l’Ouest, à moins que les gouvernements
ne changent radicalement leur politique de l’emploi ».
Telle est la principale conclusion d’un rapport effectué par
l’institut des syndicats européens sur l’impact de la micro-électronique
sur l’emploi.
Le rapport cite un certain nombre de secteurs (horlogerie, télécommunications,
...) où l’emploi a fortement chuté ces dernières
années du fait de l’introduction de la micro-électronique.
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En Belgique, pour « sauver » la sidérurgie,
l’Etat et le secteur privé vont investir l’équivalent
de 5 milliards 700 millions de francs français d’ici à
1985 et procéder à 3 920 suppressions d’emplois. Moyennant
quoi la production pourrait passer de 17 à 20 millions de tonnes
par an.
Que le gouvernement et le patronat nous racontent des sornettes sur
le développement industriel et le plein emploi, je le comprends
fort bien pour des raisons évidentes de profit. Mais je suis
atterré de lire le même type d’inepties dans la presse
syndicale (de gauche). Jugez vous-même :
Dans le numéro de septembre- octobre 1979 de « Cadres CFDT »
on pouvait lire dans un article intitulé « Réorienter
la croissance pour résorber le chômage » :
« S’abstenir, comme on l’a proposé plus haut, d’accélérer
artificiellement le processus de substitution de capital au travail
et réformer dans ce but le mode de financement de la Sécurité
sociale, c’est aussi un moyen d’économiser l’énergie tout
en accroissant le volume de l’emploi. En effet les machines consomment
de l’énergie importée et rare pendant que des travailleurs
sont là, en chômage, offrant une énergie qui se
perd par refus de l’utiliser ».
Autrement dit, au lieu de mettre un tigre dans son moteur », monsieur
le cadre de la CFDT préfère faire tirer sa voiture par
des chômeurs. Dans les pays sous-développés il y
a des pousse-pousse !
Au lieu de réclamer le plein emploi, les cadres CFDT feraient
mieux d’exiger le plein revenu pour tous.
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Belle victoire du gouvernement conservateur britannique : depuis qu’il gère les affaires de la Grande-Bretagne, le taux d’inflation annuel est passé de 9,3% à 18,4% et, comme en France, Mme Thatcher attribue cette hausse à l’augmentation du prix du pétrole. C’est assez plaisant quand on sait que la Grande-Bretagne exporte du pétrole, que ce pétrole est extrait et raffiné par des compagnies anglaises nationalisées qui ont aligné le prix du baril sur celui des pays de l’OPEP !