Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON, M.-L. DUBOIN
Publication : avril 2019
Mise en ligne : 2 juillet 2019

 J’veux du soleil

François Ruffin est journaliste, élu en 2017 député Picardie debout de la première circonscription de la Somme avec un programme inspiré à la fois de celui de La France insoumise, du PCF et d’Europe Écologie Les Verts. Avec le réalisateur documentariste Gilles Perret, ils font entendre la parole de gilets jaunes dans J’veux du soleil un film qui vient de sortir en salles.

Le quotidien de l‘écologie Reporterre [1] a publié un entretien avec ses auteurs qui ont « ouvert un imaginaire politique » en filmant le quotidien des Gilets jaunes. En montrant la « fraternité » des ronds-points pour « propager la mobilisation », ils ont voulu saisir « ce moment particulier de l’Histoire de France » (Perret) où « la brèche s’ouvre pour laisser entrer la lumière ».

Tout commence en décembre 2018 alors que Ruffin doit débattre à l’Assemblée Nationale du budget de la France et que Perret a deux films à réaliser. Mais la priorité est le mouvement des Gilets Jaunes, qui vient de surgir sur les ronds-points. « Il n’y a même pas de gilets jaunes dans cette bagnole ! » commente l’un d’eux. Ils ne mettront que six jours pour faire le tournage d’Amiens à Montpellier, en visitant une vingtaine de ronds-points et en réalisant des dizaines d’entretiens.

Rencontrée à Privas, en Ardèche, Cindy glisse : « Peut-être qu’on va changer le cours de l’Histoire, ouvrir la porte, et derrière, j’y vois du soleil, un soleil jaune fluo ». Elle ne quitte plus son gilet et raconte, les galères quotidiennes pour nourrir sa famille depuis que son compagnon est en arrêt maladie.

Ne manquez pas d’aller voir ce petit film dès qu’il passera vers chez vous.

 Le saviez-vous ?

Grâce à quelques documents internes, Le Postillon, journal local isérois, partenaire de Basta !, expliquait ainsi, dans son numéro d’automne, quelques combines de la direction de La Poste :

Saviez-vous que La Poste est exemptée à 95 % de taxe foncière et de contribution économique territoriale ? Que cet argent économisé est censé lui permettre de « moderniser » les bureaux de poste grâce au « fonds postal national de péréquation territoriale » ? Mais que La Poste s’en sert en réalité pour en fermer un maximum en les transformant en petits relais postaux ? Connaissez-vous les « modes opératoires » publiés par La Poste pour expliquer à ses cadres locaux comment fermer habilement un bureau, même s’il ne désemplit pas ? Vous a-t-on dit que l’État et les élus locaux sont souvent complices de cette destruction du service public ?

En 2008, on comptait 204 bureaux de poste en Isère. Dix ans plus tard il n’en reste plus que 125. Beaucoup ont tout simplement fermé, d’autres ont plus subtilement été « adaptés en point de contact »… Un consultant en « management du changement » chez IBM a même rédigé des « modes opératoires » pour aider les cadres sup’ de La Poste à bien s’y prendre… Ce que vous observerez c’est d’abord une réduction des horaires d’ouverture et des services de votre bureau de poste. Ensuite, des fermetures se font un peu au hasard selon le manque de personnel. La direction fait alors un « diagnostic partagé » avec la mairie pour constater que la fréquentation du bureau est en chute libre… Pour expliquer cette baisse, La Poste invoque « l’évolution des modes de consommation des citoyens avec le développement de l’économie numérique qui entraîne une réduction de flux de clients ». Le bras droit de la directrice régionale de la Poste l’affirme : « On ne peut pas reprocher à La Poste d’évoluer. Les concurrents font exactement comme nous ! » Pourtant, La Poste n’est pas une entreprise comme les autres : elle est signataire d’un « contrat de présence territoriale » conclu avec l’État et l’Association des maires de France. Elle est également investie par plusieurs lois d’une mission d’aménagement du territoire reconnue par la Commission européenne. La Poste est ainsi tenue à des règles d’accessibilité du service public, en particulier dans les zones rurales et les quartiers prioritaires de la ville. Une grosse contrainte ? Pas exactement, puisque … La Poste est quasiment exemptée de taxe foncière et de contribution économique territoriale.…

Ce qui compte c’est la présence postale dans les stations de ski huppées : Huez est un village de 1.300 habitants, mais son bureau de poste est encore ouvert 20 heures par semaine, contrairement à beaucoup des villages de cette taille

 Science et subterfuges en économie

L’un des arguments les plus utilisés en économie néolibérale est que l’on peut réduire le chômage en dérégulant le marché du travail. Malgré l’évidence, cette affirmation n’est pas mise en doute par les économistes classiques, qui n’arrêtent pas de proclamer que l’économie est une science, alors qu’ils sont capables de manifester une fière résistance à ne pas croire à l’expérience ! La raison en est souvent profondément politique. C’est notamment le cas de travaux empiriques, abondamment cités, qui défendent l’austérité fiscale ou la dérégulation des marchés. Par exemple, est complètement fausse l’affirmation des économistes libéraux américains Stephen Moore [2] et A.B. Laffer [3], qui prétendaient qu’aux États-Unis la baisse des impôts faite par Trump réduirait le déficit gouvernemental et générerait plus d’investissements privés. La réalité a cependant peu d’impact sur ceux qui continuent à croire à l’assertion de la courbe de Laffer selon laquelle la baisse des taux d’impôts a pour effet de générer des revenus fiscaux plus élevés…

De même, pendant des années, les gouvernements indiens de toutes tendances et ceux de nombreux autres pays en voie de développement ont suivi les avis d’un article publié dans un journal selon lequel les règlements actuels étaient défavorables aux travailleurs et il vient d’être montré [4] que cet article était complètement faux.


[1Reporterre, 7 Avril 2018.

[2Stephen Moore, analyste en politique économique, fondateur du club pour la croissance.

[3L’économiste libéral américain A.B Laffer est chef de file de l’école de l’offre.

[4Servaas Storm, New Economic Thinkings, 6/2/2019.