Autorisation
par
Publication : mai 2020
Mise en ligne : 2 octobre 2020
Ce matin, tout à coup, il me prend une envie :
Envie de prendre l’air ; le soleil m’y convie.
Et puis, faut-il l’avouer, je n’ai plus de bordeaux,
Et depuis deux journées, ne bois plus que de l’eau.
Mais m’autoriserai-je à aller en chercher ?
Cette grave question me fait fort hésiter.
Car depuis quelque temps, confinement oblige,
Il nous faut un papier que soi-même on rédige.
C’est une « attestation » qu’avec munificence.
On se signe à soi-même en se faisant confiance.
Il faut cocher des cases et bien faire attention.
C’est du « dérogatoire », une largesse, un don !
Mais ce beau cadeau-là, qui est-ce qui l’octroie ?
Celui qui me l’accorde, il n’est autre que « moi » !
Faut-il le remercier, lui envoyer des fleurs ?
Je ne me savais pas un aussi grand seigneur.
Et si, de le signer, je me le refusais ?
Pour ainsi me prouver que je suis bien Français ?
Accorder des faveurs semble bien imprudent,
Quand la demande vient de nos gouvernements...
De ma case à « cocher », je me sens responsable :
« Première nécessité ? Achat indispensable ? »
Je crois qu’il faut choisir : « un besoin impérieux »
Le bordeaux, on le sait est un achat sérieux .
Mais si, faute de stock, je n’avais qu’ un bourgogne ?
Et que, manque de chance, un agent sans vergogne,
Me frappe d’un PV pour non conformité ?
Mon papier signé « moi » m’aurait alors piégé !
Contre « l’attestation », je me sens… vacciné !!!
Remplir ce beau visa est beaucoup trop risqué,
Car se tromper de case est un grave parjure,
Qu’on ait pris, ou pas pris, sa plus belle écriture.
« Dérogatoire » ou pas, ma fière « attestation »
Maintenant me fait peur pour ma destination.
Je reste à la maison, songeur et confiné,
Buvant de la Volvic mais enfin rassuré.