MONTESQUIEU a écrit : « De l’esprit des
lois « , pourquoi n’écririons-nous pas : « De l’esprit
de la société distributive » ? Certes, cette société,
attendue par tous les hommes dignes de ce nom, me possédera pas
un esprit dans le sens donné par les spiritualistes. Cependant,
tout groupe humain uni en un comportement unanime crée, d’emblée,
une entité d’où émerge un esprit spécifique.
Exemple : l’esprit dominant actuel est celui de la barbarie. L’esprit
de la société distributive sera celui de l’humanisme.
Ledit esprit, immatériel - mais bien réel - flottera dans
les espaces comme un apogée de l’Homme enfin dégagé
de la gangue bestiale où il s’enlise encore.
Les lecteurs seront d’accord, je pense, pour l’admettre : les luttes
fratricides sont issues de la difficulté de survivre au sein
d’une âpre et dure nature sauvage. Elles me devraient plus subsister
de nos jours, dans une abondance telle que les humains de la Terre entière
peuvent se trouver largement pourvus de tout et, en premier lieu, de
nourriture. Or ces luttes anachroniques et atroces poursuivent leurs
ravages inutiles à travers le monde, faisant périr des
millions d’enfants, de femmes et d’hommes par la mitraille et les famines.
Au lieu de partager, on va jusqu’à stériliser ou détruire
une partie d’une abondance qui, comme l’Hydre de Lerne, augmente d’autant
plus vite qu’on veut la décapiter.
A la différence de la société capitaliste, la société
distributive travaillera uniquement au maintien des avantages acquis
et à l’avancement, mesuré, d’un progrès non lésant.
Elle tiendra compte de l’écologie, qu’elle me saurait refuser,
car elle pensera à sa descendance. Une descendance bien compromise,
peut-être déjà en voie de perdition si les hommes
continuent sur leur lancée imbécile. Au Mexique le pétrole
s’épanche toujours dans la mer par millions de mètres
cubes. Les espèces végétales et animales disparaissent
en nombre croissant un peu partout. Le nucléaire fera le reste
sous forme de bombes, de centrales et d’ordures radio-actives indestructibles.
Les catastrophes vont s’accumuler.
Soyons objectif, mettons la société distributive à
sa place : elle n’émane nullement des mathématiques supérieures
mais, plus modestement, d’une bonne arithmétique. Elle n’est
ni philosophie, ni métaphysique, ni religion, ni secte, ni parti
politique. Elle ne ressortit d’aucune chapelle ou école positiviste
ou spiritualiste. Elle est seulement la mise en oeuvre d’une coordination
intelligente entre les hommes permettant le partage équitable
des ressources multipliées par le progrès.
De là découle tout naturellement l’esprit de la société
distributive : la tolérance. Une tolérance assurant la
vie de toutes les valeurs humaines. En effet, aucune forme de pensée
me pourra jamais troubler la sérénité de la société
érigée en économie distributive. Chacun se trouvant
assuré de sa juste part matérielle, les batailles intellectuelles
me sauraient mettre en péril une distribution cohérente.
Au contraire ! Les luttes d’idées et de croyances divergentes
sont constructives. Les talents et les diversités conviennent
à la société ils lui fournissent sa richesse.
De l’esprit de la société distributive
par
Publication : février 1980
Mise en ligne : 18 septembre 2008