Nous aussi, sommes irrémédiablement
attachés à la Paix. Nous approuvons la généreuse
initiative de nos amis : tenter de secouer l’opinion sur une aussi inepte
et monstrueuse calamité qu’est la guerre, est éminemment
louable et civique.
Qu’ils nous permettent cependant de leur faire remarquer que nous restons
quelque peu pessimistes sur le résultat positif de cette consultation
parlementaire. Nous en avons vécu de nombreuses déjà
: appel contre les armements, appels pour la réduction du service
militaire, appels pour l’objection de conscience, appels tragiques pour
ceux qui sacrifiaient leur vie par la grève de la faim, pour
leur idéal de paix : les Ferjas, Leretour, Daunay, Lecoin, et
bien d’autres encore... Quelques personnalités seulement intervinrent.
Les grands Partis, même de gauche, restèrent muets.
Consultons-les à nouveau. S’il ne nous est pas permis trop d’illusion,
nous aurons toujours grossi notre voix, « La Voix de la Paix ».
Un grand pacifiste clairvoyant, pour barrer la route à la première
guerre mondiale, lança naguère du haut de la tribune :
« Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée
porte l’orage » !
C’était Jean Jaurès. Il fut assassiné !
La pertinence de cette courageuse stigmatisation n’est-elle pas suffisamment
établie par la condamnation à mort du grand tribun ?
Il ne se trouva personne pour reprendre son ultime alerte. Son sacrifice
fut vain.
Ses adeptes politiques ne postulèrent, comme aujourd’hui encore,
qu’un social-capitalisme. Les grandes campagnes pacifistes d’avant et
d’après la dernière guerre ne revendiquèrent la
Paix que dans le cadre économique qui conditionne la guerre.
Derrière Jacques DUBOIN, nous nous sommes engagés dans
la voie perçue par Jean JAURES. Sa clairvoyante alarme, l’échec
répété de tant de naturelles et farouches oppositions
à la guerre, nous firent en rechercher les racines profondes.
Leur emprise réside dans le processus : salaires- prix-profits.
Elles sont devenues un des rouages de plus en plus indispensable de
l’échange lucratif.
Nous déclarions déjà, au Cartel International de
la Paix, il y a près de 20 années : « Vous voulez
bâtir la Paix sur les bases économiques qui conditionnent
la guerre » !
Le pacifisme a fait du chemin depuis. En ajoutant à la proposition
de loi cette clause sur la distribution du budget de la Défense
Nationale à la collectivité sans contrepartie du travail
fourni, I’U.P.F. ouvre la voie à la solution rationnelle, met
l’accent sur le bon moyen d’amener la collectivité à lutter
contre les armements. Nous sommes donc d’accord avec enthousiasme pour
ce pas en avant.
C’est un pas décisif dans les préoccupations concrètes,
car l’application de cet article nous projette d’emblée dans
une économie où le salaire social sans contrepartie de
travail fourni doit être instauré sur une large échelle.
Les industries, les équipements et études, les productions
de tous objets qui rentrent dans les fournitures de guerre sont si étendues,
si diverses, si imbriquées les unes aux autres (ne vont-elles
pas des sous-vêtements au porte-avion... résumait J. DUBOIN
et l’on pourrait ajouter : du couteau de cuisine à la bombe à
hydrogène !) qu’il serait bien ardu de démêler les
intérêts lésés par la suppression de l’activité
économique des armements. Et, puisque l’U.P.F. en vient à
admettre la distribution du budget de la Défense Nationale à
la collectivité lésée - sans contrepartie de travail
fourni - elle nous rejoint dans notre conclusion de la revendication
d’un SALAIRE ou REVENU SOCIAL, que la production des biens, toujours
plus mécanisée, en voie d’automatisation croissante, exige,
nécessite pour son passage même à la consommation
?
Pourquoi ne pas en venir à la revendication du revenu social,
puisque la lutte contre la guerre (suppression des armements) le requiert
?
Solution vers laquelle s’acheminent nos voisins d’outre-Atlantique -
économiquement plus évolués - par la revendication
du salaire garanti, pour les mois à venir, comme nous le mentionnions
récemment.
Les productions inutiles, nuisibles, en perdant leur rôle de volant
de l’économie, y perdraient leur principale raison d’être.
La collectivité trouvant la sécurité de l’existence
par le revenu social, abandonnera plus volontiers le « job »
des armements ; les parlementaires même, qui sait ?... n’ayant
plus la hantise du développement du chômage, se laisseront-ils
peut-être aussi mieux convaincre de l’anachronisme de la solution
armée.
Ensemble, DERACINONS LA GUERRE.
Guerre à la guerre
par
Publication : décembre 1976
Mise en ligne : 13 mars 2008