L’homme qui valait cent milliards
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Publication : octobre 2019
Mise en ligne : 15 février 2020
Nous sommes dans le bureau d’un créateur d’emploi français dont nous tairons le nom car lui aussi a droit à la vie privée. Nous l’appellerons donc par ses initiales B.A.
Le téléphone sonne. La voix de la secrétaire résonne dans la pièce :
La secrétaire : — Monsieur le Président ?
B.A. — Oui, Catherine ?
La secrétaire : — Le Président de la République souhaite vous féliciter.
B.A. — Faites-le patienter, je le prendrai plus tard. Passez-moi mon banquier. Dix secondes plus tard
Le banquier — Mes respects Monsieur le Président ! Nous avons franchi les 100 milliards d’euros !
B.A. — Je sais Dupognon, je lis les journaux ! Mais y a pas que le fric dans la vie !
Le banquier — Certes, Monsieur le Président ! C’est ce que je dis tous les jours à mes employés !
B.A. — Il y a aussi les œuvres d’art qui augmentent tous les jours... On m’a dit que mon challenger F.P. est en train de monter une combine pour tenter de me rattrapper ?
Le banquier — Oui, j’ai eu vent de quelque chose au dernier dîner du Siècle, mais à mon avis il n’a aucune chance de vous passer devant...
B.A. — C’est une usine en Ethiopie pour fabriquer sa camelote de luxe, non ? Bon, c’est toujours intéressant de rogner sur les salaires, mais comme on approche de zéro, il va falloir trouver autre chose pour continuer à progresser ! à moins que Trump arrive à nous ouvrir la Corée du Nord pour passer à la main-d’oeuvre éternellement gratuite ? Mais ce serait trop beau de refaire le coup de la Chine communiste qui s’ouvre au monde libre ! On ne peut pas se payer un Tien an men tous les ans !
Le banquier — Si je puis me permettre, Monsieur le Président, ce pauvre F.P., est toujours en retard d’un train ! D’ailleurs il continue de s’enfoncer dans les profondeurs du classement ! 29 milliards d’euros contre 100 pour vous, y a pas photo, sauf votre respect !
B.A. — Mon bon Dupognon, je vous croyais plus perspicace ! Il suffit d’un coup heureux à la Bourse, d’un plan de licenciement bien mené, suivi d’une belle délocalisation, de l’achat d’un tocard qui se révèle un pur sang mal managé pour qu’il triple ses gains en un an et me passe devant ! Rappelez-vous ! J’étais à 30 milliards en 2016, 100 milliards aujourd’hui en 2019, alors vous voyez qu’il ne faut pas s’endormir, jamais ! J’ai acheté des journaux avec leur petit personnel pour être sûr de ne lire dedans que des nouvelles qui ne gâtent pas ma digestion, j’ai aidé le petit banquier à monter sur le trône, mais je n’ai pas vu venir les Gilets Jaunes !
Le banquier — Personne n’a vu venir les Gilets Jaunes Monsieur le Président ! Ces têtes de mule de Français sont décidément indécrottables, avec leur manie de l’égalité et de la justice sociale ! Ils n’arrivent pas à se mettre dans la tête que l’argent va à ceux qui savent en faire bon usage, et que ceux qui en gagnent méritent l’amour et la reconnaissance de la Nation ! Ou il faudra rétablir le tir à balles réelles et le bagne de Cayenne pour leur apprendre le respect ?
B.A.— Très juste, Dupognon, vous savez trouver les bons arguments, comme toujours !
(appelant sa secrétaire)
Catherine, il est toujours à l’appareil, le Président ? Passez-le moi, j’ai des suggestions à lui faire pour la surveillance des réseaux sociaux et pour le rétablissement de l’ordre républicain sur le territoire national !