Pourquoi écrire… sinon pour dénoncer l’apathie honteuse des peuples abreuvés de discours mensongers et alarmistes, qui élisent et subissent, sans volonté d’opposition, des “hommes forts”, voire, pour certains, des tartuffes ou des tyrans, imposant des régimes excluant toute vision européenne à un moment où celle-ci vacille sur ses fondements  ?

Ému, par contre, de souvenirs de tristesse ou de joie, comme d’utopie partagée, à la lecture du dernier ouvrage de Laurent Gaudé Nous, l’Europe banquet des peuples, publié par Actes Sud.

Singulier déjà de par son écriture en vers libres, rapportant en quelques chiffres de mémoire, allant du monde d’avant la révolution industrielle à l’utopie enthousiaste d’espoirs aux défaites jalonnant l’histoire de notre continent.

Des royaumes aux derniers découpages de frontières, de la mine à l’ère machiniste, de la colonisation aux empires, de la boucherie de 14/18 au fatal traité de Versailles. Du communisme au national-socialiste qui nous recouvrit d’un linceul de cendres à l’espoir nouveau et à la conscience de quelques uns qui voulurent en jeter les bases et la bâtir. à aujourd’hui, indiquant que « chaque génération doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ».

Courage ou démission… pour ne pas oublier que nous ne sommes pas seulement une foule d’individus sans but autre que de se laisser mener.

Ce livre devrait être lu et commenté dans nos écoles et lycées comme d’autres grands textes. Feuille de route d’un destin commun face à la colère devant tant d’injustice.

Et, sans paraphraser Sade :« allons, citoyens encore un effort pour devenir européens », suivant la plume ardente de Laurent Gaudé : bâtir l’Europe des différences, de la solidarité et de la liberté.