A propos des arrangements européens de Madrid de Juin 1989 vers une devise unique, "The Economist" scrute périodiquement le paysage bancaire des décennies à venir pour les citoyens d’Europe. Avec une touche d’ironie envers le projet "social" de Delors et Gonzalez, il présente aux gens d’affaires de bonne compagnie un cours aimablement magistral sur les variantes possibles de la gestion monétaire commune ; aux britanniques indécis à cause des positions jusqu’alors intraitables de Maggie,Thatcher, il fait miroiter une solution rassurante et raisonnable en apparence : "ne rien changer’, si ce n’est la remise du pouvoir bancaire discrétionnaire à une sorte de comité central d’experts ; c’est le banquisme intégral.
Entre les lignes, le commentaire révèle
cependant l’enjeu que s’apprêtent à saisir ces "responsables
du crédit", discrètement tapis dans l’ombre des ministres
des Douze et des directoires des Banques Centrales.
Le commentateur commence par ironiser sur l’idéalisme social
du plan Delors, préférant appeler "Monnet" notre
Ecu par trop franchouillard. Surtout il critique l’absence d’exposé
sur une utilité réellement immédiate du Plan. Cette
position plait aux Britanniques traditionnellement nonlégistes,
et tend à rassurer d’autre part les plus lucides d’entre eux,
incertains sur la justesse des exigences de leur dame de fer avant tout
accord ; pour ("Economist", oui, il vaut mieux accepter les
options minimum du Plan, çà ne fera pas de mal aux chers
portefeuilles, à condition de laisser le pouvoir bancaire aux
mêmes "autorités responsables", et de laisser
à chaque pays les règles et les décisions autonomes
du passé, qui facilitent tellement la division des esprits d’un
pays à l’autre.. La discussion au premier degré des modalités
du projet est d’une lumineuse simplicité :
1. A quoi la réforme monétaire proposée est-elle utile ?
2. Quelle forme devrait-elle prendre ?
- soit liée à l’union économique et politique ?
- soit liée à la monnaie ?
L’imprécision des attendus du projet présenté
par Delors semble avoir produit une curieuse confusion au Parlement
européen entre une "Alliance’ des Allemands de l’Ouest et
des Français obsédés par les désordres des
taux de change et par le rêve d’un "progrès historique"
d’une part, et le groupe des antiDelors d’autre part, opposés
à tout
contrôle des capitaux et à l’entrée de devises faibles
dans un système monétaire européen non encore stabilisé
; I"’Economist" ne se pose pas la vraie question préliminaire
qui est :’pourquoi nos monnaies sontelles stables ?" et à
qui profite cette instabilité ? au lieu de celà, il fait
un cours de banquisme, génial exercice d’équilibres instables :
à propos de 1990, ’quand les capitaux passeront " : pour
conserver les capitaux dans un pays frappé par la dévaluation,
il faut augmenter les taux d’intérêt (l’auteur note avec
une pointe d’humilité que c’est justement la manoeuvre inverse
qui contient actuellement les dévaluations italienne et espagnole,
mais qu’importe...). Une telle hausse des taux d’intérêt
lui semble inutile si on exerce un contrôle sur les capitaux..
Le non-contrôle par les politiques est le meilleur moyen pour
le monopole du crédit de s’arranger discrètement pour
les tenir et nous tenir étroitement entre leurs griffes par gen
darmes de loi et d’ordre interposés les pays ’policés"
se laissent tondre, et pour les autres il suffit de savoir corrompre
- ou faire assassiner - les représentants de I’"autorité".
Ainsi, le désordre économique international n’a pour palliatif
que le "sage" et discret contrôle du crédit par
les réels maîtres du monde industrialisé.
L’idée de Delors de réduire les tensions à la source
en maintenant une discipline stricte d’équilibre des taux de
changes pour la zone européenne ne parait pas séduire
l’"Economist" ; n’est-ce pas parce qu’elle apporterait enfin
un peu de sécurité aux producteurs, sur lesquels repose
l’espoir de résoudre la crise ? Assurer les acteurs de l’économie
qu’ils ne seront plus condamnés à l’échec par des
sauts imprévisibles de la valeur financière des indispensables
tickets de crédit, voilà qui ôterait du pouvoir
à la maffia mondiale du ’crédit".
Ce que propose le bon apôtre du banquisme au nom de la liberté
d’entreprise, c’est que chaque gouvernement européen gère
son inflation nationale par les restrictions budgétaires et par
l’impôt...
Enfin l’idée proposée pour une harmonisation des taux
d’inflation entre pays lancés dans la guerre civile européenne
des marchés, c’est, je vous le donne en mille, la référence
à l’or !
Voilà, la boucle est bouclée, inutile de se poser des
questions sur ce qu’est la valeur économique et ce qui fait le
crédit réel d’un bien économique ni le crédit
correspondant à ouvrir aux hommes automatiquement solidaires
de ceux qui l’ont produit le crédit réel est un moyen
de déterminer l’optimum économique, pas un instrument
d’appauvrissement des peuples !