Tandis qu’un groupe de travail a été
chargé de déterminer si l’apparition de cartes à
mémoire "préchargées" constituait une
création de monnaie, les expériences locales se multiplient.
Les cartes à mémoire, qui commencent à se répandre
dans le public, constituentelles, de fait, une création de monnaie
? Si oui, pas question de laisser échapper l’émission
de ces cartes à la tutelle de la Banque de France. Sinon, on
peut s’attendre à les voir bientôt pulluler, comme c’est
déjà le cas au Japon. Pour répondre à cette
épineuse question, la Banque de France a constitué un
groupe de travail interne chargé d’analyser les problèmes
posés par les cartes de paiement "préchargées"
et de proposer des orientations pour encadrer ce phénomène.
Ce débat quasi théologique intervient à un moment
où le coûteux programme de cartes à puce des banques
est au point mort et où certains banquiers commencent à
s’interroger sur son opportunité.
La monnaie, dans le dictionnaire Robert, c’est "tout
instrument de mesure et de conservation de la valeur, de moyen d’échange
des biens". Certaines cartes à mémoire pourraient
répondreà cette définition. La Banque de France
s’est demandée si l’émetteur de telles cartes "préchargées"
n’entrait pas de fait dans le domaine de la profession bancaire. Les
sommes inscrites dans la mémoire de la carte ont effectivement
été versées à l’émetteur de la carte,
et peuvent être assimilées à des dépôts
consommables à terme.
Une expérience commencera dès janvier 1990 à Blagnac,
près de Toulouse, où les habitants pourront, grâce
à une carte à mémoire, utiliser les services municipaux.
Le système, développé conjointement par les sociétés
Schlumberger et Applicam, permettra à chaque porteur d’avoir
accès aux restaurants municipaux (scolaires par exemple), aux
haltesgarderies, aux crèches, à la bibliothèque,
ainsi qu’aux centres sportifs. D’ici à la fin de l’année
1990, Schlumberger compte distribuer 25 000 cartes à mémoire
programmable. Une puce est déposée sur la carte, ce qui
permet de "recharger" la carte quand le crédit est
épuisé, tout en dissociant les activités auxquelles
elle donne droit. "L’un des intérêts de cette carte,
confie un représentant de Schlumberger, est de permettre aux
parents de contrôler que les sommes destinées au restaurant
sont bel et bien utilisées à cet effet par les enfants."
Si les services accessibles sont pour l’instant municipaux, il n’en
reste pas moins vrai qu’il s’agit d’une forme de paiement qui s’apparente
à la création de monnaie.
Au Crédit Agricole de Savoie, tout en reconnaissant la légitimité
des interrogations de la Banque de France, qui devrait boucler son rapport
en février, regarde pour sa part du côté du Japon,
où les cartes "préchargées" sont déjà
largement utilisées, notamment dans les transports encommun,
et où un statut spécial parabancaire - a été
créé pour les émetteurs.
Un nombre croissant de Japonais, en effet, a recours aux cartes de paiement
anticipé pour des achats aussi variés qu’une communication
téléphonique, un ticket de train ou un hamburger. Apparue
timidement en 1982, la carte téléphonique a connu un succès
tout à fait spectaculaire, avec 748 millions d’exemplaires vendus
ern sept ans par la Nippon Telegraph and Telephone Corporation (NTT).
Les Japan Railways (chemins de fer japonais) lui ont emboité
le pas en 1985, avec une sorte de Carte orange (plus d’un million d’exemplaires
vendus en trois ans), suivis par le métro et les distributeurs
de glaces et de boissons.
NDLR. Nous affirmons depuis un demi-siècle que les banques créent de la monnaie ex-nihilo. Au début sous les sarcasmes et les quolibets. Puis les économistes distingués commencèrent à l’admettre. Aujourd’hui, le porblème est de savoir si la création de monnaie doit être limitée aux seules banques ! Bientôt il faudra reconnaitre que la monnaie distributive non thésaurisable est la seule rationnelle, surtout après la généralisation des cartes à mémoire rechargeables qui en facilitera l’introduction