Les malheurs d’EDF
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Publication : mai 2019
Mise en ligne : 28 septembre 2019
1•Une privatisation pas évidente
Il fallait s’y attendre : fidèle à la mode libérale, le gouvernement Macron rêve toujours de privatisations. Après l’idée, encore en chantier, de privatiser Aéroports de Paris malgré les déboires que connaît aujourd’hui celui de Toulouse-Blagnac (dont la vente avait été organisée en 2015 par Emmanuel Macron alors ministre de l’économie et des finances), le gouvernement envisage maintenant de privatiser en partie EDF. Comme d’habitude : les activités rentables seraient privatisées et les autres laissées à la charge de l’État. Ainsi, le groupe EDF, partie du patrimoine français, serait-il scindé en deux parties. L’une, très rentable, celle chargée des énergies renouvelables, des services, de la fourniture d’électricité aux particuliers et de la distribution (autrement dit l’équivalent de la branche Enedis actuelle) serait progressivement ouverte aux capitaux privés. Et l’autre, la partie constituée par les activités nucléaires présentes et à venir resterait à l’État. Or celles-ci coûtent des milliards d’euros, tant pour prolonger la vie du parc nucléaire actuel que pour le financement de nouvelles centrales.
Apparemment Emmanuel Macron n’a pas encore pris position sur le problème mais en novembre dernier il a demandé au patron d’EDF (Jean-Bernard Levy) de faire des propositions d’ici à 2021.
2• Les déchets nucléaires
Si son dépeçage se fait comme prévu, EDF devra non seulement entretenir ses 19 centrales en service et en financer de nouvelles, mais encore s’occuper du traitement des déchets nucléaires. Actuellement 1% seulement des combustibles nucléaires est recyclé ce qui ne correspond en volume qu’à un peu plus de 3% du 1,6 million de déchets radioactifs de toute nature accumulés en France, mais par contre, concentrent 99,8 de leur radioactivité totale. Après refroidissement pendant quatre ans dans les piscines de désactivation de chacune des centrales, ils sont acheminés par train dans des emballages spéciaux jusqu’aux usines de La Hague où ils sont à nouveau refroidis pendant 4 à 6 ans avant d’être retraités. Les déchets de moyenne activité à vie longue sont, à terme, destinés à être enfouis à Bure qui accueillera aussi des déchets de haute activité. Si la direction de la division du combustible nucléaire d’EDF estime que le retraitement des déchets présente un réel intérêt, il n’en va pas de même pour Greenpeace France ou pour l’ONG américaine Union of Concerned Scientists (qui, par ailleurs ,est très favorable à l’énergie nucléaire). Pour Greenpeace le retraitement aggrave les risques en multipliant les transports de combustible usé dans toute la France. En fait, selon les responsables de la filière nucléaire la rentabilité économique du recyclage n’est pas évidente.
3• La concurrence libre et non faussée…
C’était, comme on s’en souvient, l’un des dadas favoris de la Commission de Bruxelles qui avait fait couler beaucoup d’encre lors des débats sur le traité constitutionnel de 2005. En conséquence, il y a une dizaine d’années, la France (par la voix de François Fillon) avait promis à la Commission d’ouvrir ses centrales hydroélectriques à la concurrence. La Commission vient de rappeler ses engagements à la France et exige maintenant l’ouverture du marché des centrales hydroélectriques françaises. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, a réagi en février dernier en annonçant que « le plan français est d’ouvrir certains permis d’ici à la fin de 2019 ». Cette déclaration a fait bondir une centaine de députés de tous bords qui ont déposé une résolution contre l’ouverture de ce marché. « C’est un sujet de souveraineté » a déclaré Julien Aubert, député LR du Vaucluse. Les syndicats se sont aussi mobilisés contre cette ouverture. Le problème est en effet très important car en France 85% des barrages sont exploités par EDF et le reste par ENGIE (ex-GDF-SUEZ) et la Compagnie Nationale du Rhône. Les candidats à l’achat sont déjà nombreux (TOTAL, Vattenfall (Suède) ou Fortum (Finlande). Si Édouard Philippe, le premier ministre, travaille, lui, à une mise en place très rapide d’appels d’offres et envisage même une ouverture pour 150 barrages, par contre on pense au ministère des finances et à celui de la transition écologique qu’il n’y a pas d’urgence et que « la mise en demeure de la Commission de Bruxelles nous donne l’occasion de reprendre la conversation là où on l’avait laissée » d’autant plus que la Commission aura sans doute changé après les prochaines élections européennes.
Il faut aussi souligner que les barrages ne servent pas uniquement à produire de l’électricité, et que l’eau qu’ils contiennent est aussi utilisée pour l’agriculture, la pèche, les loisirs et … le refroidissement des centrales nucléaires.
4• Les malheurs de l’EPR de Flamanville
Mis en construction en 2007, l’EPR de Flamanville devait démarrer en 2012 et coûter 3,5 milliards d’euros. À la suite de nombreux défauts observés à plusieurs reprises (notamment les 9 et 10 avril derniers) par les experts de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), sur des soudures qui s’avèrent non conformes à la norme “haute qualité”, EDF a décidé de reprendre 58 soudures et a demandé à l’ASN d’en conserver huit autres en l’état, excluant toutefois la possibilité de rupture.
Malgré l’agacement manifeste des représentants des membres de l’ASN, EDF a insisté sur les risques de retard. L’ASN rendra son avis avant l’été. Si EDF devait refaire les huit soudures considérées comme en l’état, la mise en service de l’EPR devrait être différée d’au moins deux ans. Ce qui ferait monter la facture totale à quelque 11 milliards d’euros. Un plus grand retard aurait des conséquences catastrophiques pour EDF et pour la constructions d’autres EPR. Macron, toujours lui, a demandé à EDF proposer pour la mi-2021 un scénario de développement de nouveaux réacteurs, la première étape devant, bien sûr, être le démarrage de celui de Flamanville.