Lettre au P.S.
par ,
Publication : février 1981
Mise en ligne : 15 octobre 2008
Nous poursuivons l’analyse et la critique des programmes annoncés
par les futurs candidats à l’Elysée, en présentant
ce mois-ci ce qui semble devoir constituer le fonde. ment de la campagne
du Parti Socialiste. Nous avons pour cela pris connaissance du Projet
Socialiste, mis au point et rédigé par les instances du
parti, compte tenu des conclusions de la Convention Nationale des 12
et 13 janvier 1980.
Il pourra évidemment être l’objet de modifications mineures
pendant la campagne, mais il restera pour l’essentiel, la bible du ou
des candidats.
Voici donc les éléments d’une lettre à adresser,
suivant la proposition de notre camarade J.M., de Pagney, soit au candidat
du P.S., soit à tout autre membre du P.S, que vous connaissiez,
soit encore pour profiter de la création du quotidien socialiste
(qui doit être prêt à publier les lettres de ses
lecteurs), au journal « Combat Socialiste » 10, rue de Solférino,
75007 Paris.
LE PROJET SOCIALISTE
Le projet socialiste que -vous proposez comporte trois thèmes :
« comprendre », « vouloir » et « agir
», qui peuvent être ainsi résumés :
« Comprendre » c’est l’explication philosophique
du partage économique et politique actuel du monde en deux blocs.
L’un de ces derniers est dominé par le « capitalisme impérialiste
» (USA-Europe occidentale, Japon) dirigé par les «
multinationales » inspirées par la « Commission Trilatérale
» avec son « redéploiement industriel mondial ».
L’autre, par « l’impérialisme totalitaire soviétique
« colonisant » des pays de plus en plus nombreux (Cuba,
Angola, Ethiopie, Afghanistan).
« Vouloir » c’est reconstituer les valeurs fondamentales
de la démocratie (égalité, liberté, responsabilité).
« Agir » avec quatre priorités croissance
sociale, droit à l’emploi des hommes et des jeunes, temps et
goût de vivre : une France indépendante et ouverte sur
le Monde.
Cette action doit être collective avec l’aide de toutes les classes
sociales pour aboutir à un « socialisme à visage
humain » qui instaurera une société « autogestionnaire
» dans tous les domaines de manière à aboutir à
la vocation fondamentale du Parti « la transformation socialiste
de la société ».
Les tâches ainsi fixées aux militants demandent persévérance
et courage car le Parti n’en cache pas la complexité ni les difficultés.
Mais le projet ne fait aucune mention de la politique financière
sur laquelle s’appuiera cette action pour parvenir à ses fins.
Je ne doute pas de la bonne foi et de la résolution de ceux qui
ont participé à l’élaboration et à la présentation
d’un tel programme, mais je crains que « l’accélération
de l’histoire », c’est-àdire l’évolution trop rapide
de la conjoncture présente ne nous oblige à aller au delà
des propositions apparemment réformistes préconisées
par le Parti Socialiste.
Aujourd’hui, les salariés sont angoissés par la peur du
chômage, les petits industriels sont contraints de fermer leurs
usines ou de se laisser absorber par la grosse industrie, les commerçants
disparaissent au profit des grandes surfaces, les retraités voient
fondre leur pouvoir d’achat.
En tant que consommateurs tous savent pertinemment qu’ils sont les victimes
de l’inflation, c’est-à-dire de la montée des prix et
ils constatent que les droits de l’homme les plus élémentaires
sont bafoués, que les scandales financiers sont de plus en plus
nombreux et, enfin, ils ont peur d’un conflit armé.
Alors, pourquoi ne pas avoir signalé et analysé dans le
Projet Socialiste les causes réelles de la crise économique
nationale et mondiale à laquelle nous assistons et dont nous
subissons les conséquences ?
Pourquoi ne pas reconnaître que le progrès extrêmement
rapide des sciences et des techniques, imprévisible à
l’époque des grands penseurs marxistes et socialistes, atteint
un tel niveau que la rupture se produit et qu’il y a un décalage
constant entre les moyens de produire et la répartition des produits
créés, entre les consommateurs potentiels ?
Pourquoi avoir peur de constater que la « Condition Ouvrière
» se transforme au fur et à mesure que les outils ultra
perfectionnés remplacent l’homme dans tous les secteurs de production
?
Pourquoi ne pas avouer qu’une économie basée sur l’échange
est une des principales causes de la crise qui atteint aussi bien les
nations capitalistes que les nations à « socialisme autoritaire »
?
En vous inspirant des écrits de Jacques Duboin, François
Perroux, André Gorz et Alain Toffler qui montrent la voie, mes
camarades et moi, nous vous demandons de proposer aux militants de nouvelles
structures de production et de distribution par une technique financière
et monétaire appropriée, substituée aux mécanismes
actuels de solvabilisation des prix, des salaires et des profits.
Cette technique associée à une planification diversifiée
ouvrirait des perspectives autogestionnaires répartissant le
travail et les richesses.
De plus, cette amorce de nouvelles structures abondamment exposées
et développées par les « Media » à
l’occasion de la Campagne des élections présidentielles
gagnerait à la cause du socialisme de nouveaux électeurs.
Nous sommes témoins en effet que beaucoup d’hésitants
ne demandent qu’à être éclairés sur les réalités
d’un socialisme tout à fait nouveau et logique qui les changerait
des phrases creuses qu’ils entendent constamment, alors qu’ils ont peur
de l’avenir.
E.B. et A.D.