Lettre ouverte aux dirigeants du monde
par
Publication : mars 1985
Mise en ligne : 3 mars 2009
En 1983 les dépenses d’armement dans le monde ont atteint la somme de 750 à e00 milliards de dollars, soit 7.125 à 7.600 milliards de francs, basés sur un dollar à 9,50 F. Les pays du Tiers-Monde ont dépensé 163 milliards de dollars pour l’achat d’armes. Trente- huit pays dont la France ont approvisionné l’Irak et l’Iran depuis le début de la guerre entre ces deux nations.
La France a le 4e budget militaire après ceux
des Etats-Unis, de l’URSS et de la Grande-Bretagne. Elle est le 3e pays
exportateur d’armes derrière l’URSS et les USA. L’exportation
d’armes, en dehors d’options politiques, a trois raisons : maintien
des emplois, amortissement des coûts de production, équilibre
de la balance des paiements.
Dans le même temps les pays industrialisés ne savent que
faire de leurs excédents agricoles, viticoles ou autres. Par
contre, chaque jour l’actualité nous révèle les
drames de la faim dans le monde Ethiopie, Sahel, Tchad, Mozambique,
Niger, Bangladesh, Afghanistan, Nord-Brésil, ou ailleurs. Des
milliers d’êtres humains meurent chaque jour de malnutrition et
de déshydratation.
La vue à la télévision de ces groupes d’hommes,
de femmes et d’enfants amaigris, aux yeux enfoncés dans leurs
orbites, le regard vide ou désespéré, dans un complet
état de prostration, nous rappelle l’univers concentrationnaire
découvert dans les camps nazis. Les causes ne sont pas les mêmes
mais les résultats sont identiques. Il s’agit là d’un
génocide permanent dont les dirigeants des pays concernés
et de la communauté internationale sont responsables et devraient
avoir honte.
Les causes de cette situation sont connues : sécheresse, déboisement,
érosion des sols, désertification, guerres faites avec
les armes que vous exportez, surpopulation due aux habitudes ancestrales
et aux interdits religieux ; diminution des cultures vivrières,
et parfois détournement des secours.
Certes les pays développés, notamment par l’intermédiaire
de la F.A.O., de la Communauté Européenne et d’organisations
humanitaires comme l’UNICEF, envoient des aides alimentaires et médicales.
Mais quelquefois- celles-ci se heurtent au problème de l’acheminement
vers les régions sinistrées en raison de l’absence de
moyens de transport ou de routes, ou de la vétusté du
matériel. Quoi qu’il en soit, ces aides restent insuffisantes
devant l’ampleur du problème.
Comment pouvez-vous,, alors, vous qui tenez le destin du monde entre
vos mains, ne pas vous entendre pour lutter contre ce fléau ?
A quoi vous servent vos idéologies politiques, religieuses ou
philosophiques qui exaltent le respect de l’homme et de ses droits ?
Comment pouvez-vous à la fois enseigner la morale, le respect
de la vie, la tolérance, la fraternité, la générosité,
la liberté, et laissez se perpétuer ce génocide
permanent ? Comment pouvez- vous faire concevoir des armements de plus
en plus meurtriers qui sont destinés à piétiner
tous les beaux principes que vous prétendez défendre ?
Comment pouvez-vous engloutir chaque année des milliards dans
les armements qui sont un gaspillage énorme d’argent, d’énergie
humaine et de matières premières, alors que des millions
d’êtres humains vivent dans la pauvreté et la famine ? Au
lieu de promettre des lendemains qui chantent, préoccupez-vous
plutôt des réalités quotidiennes d’aujourd’hui.
Certains économistes distingués vous diront qu’il faudrait beaucoup de crédits pour prendre cette nouvelle orientation humanitaire. Malheureusement lorsqu’une guerre éclate, cet argument disparaît. On n’a jamais vu une guerre cesser faute de crédits. Les gouvernements trouvent toujours alors les moyens financiers pour fabriquer les armements et équipements militaires qui sont distribués ensuite gratuitement aux soldats, et aux « ennemis » d’en face (obus, bombes, napalm, etc...).
Pourquoi n’employez-vous donc pas ces mêmes moyens
en temps de paix pour combattre la pauvreté, la misère
et la faim ? A quoi bon gémir, par exemple, sur le sort des immigrés
et réfugiés, si vous ne pouvez pas leur fournir un emploi
ou les moyens de vivre, et un logement décent ?
Et pourrait-on prétendre que si nous employions la même
méthode de financement pour créer des entreprises et des
emplois, construire des logements sociaux, améliorer l’enseignement
et la formation, développer les activités sociales, culturelles
et sportives, cela appauvrirait les pays, et la France en particulier
? Il suffit d’étudier et de mettre en place une économie
distributive de l’abondance, au lieu de gérer la rareté.
Commencez donc par vous engager dans des négociations
honnêtes, constructives et permanentes en vue du désarmement
général. Vous possédez suffisamment d’armements
pour désintégrer plusieurs fois notre planète ;
le surarmement est donc démentiel. Pourquoi alors ne pas décider
un désarmement progressif par une réduction annuelle de
5 % des budgets militaires, ce qui permettrait une reconversion progressive
des appareils productifs ?
Pourquoi ne pas utiliser systématiquement le matériel
militaire (avions, cargos, parachutages, hélicoptères,
camions, etc...) pour aller au secours des populations affamées
? Pourquoi ne pas créer un service civil national et international
pour faire face aux catastrophes naturelles ?
Je ne prétends pas que ce soit là une tâche facile,
mais c’est la vôtre puisque vous avez revendiqué et accepté
la responsabilité d’administrer votre pays.
Enfin je suis persuadé qu’une telle orientation humanitaire provoquerait
un élan collectif très fort, et rassemblerait toutes les
bonnes volontés, car on ne fait jamais appel en vain à
la générosité et à la fraternité
humaine.
En ce début d’année 1985, formons le voeu que cela devienne
une réalité.