Production en hausse, pouvoir d’achat en baisse
Un casse-tête pour les gouvernements aux prises
avec ce phénomène qui rend muets leurs augustes conseillers,
incapables de découvrir le moyen d’ajuster la consommation aux
dimensions de la production. Le faire en manipulant les prix ? en sacrifiant
le profit ? Qui prendrait l’initiative d’un tel sacrilège ? Concevoir
de nouvelles institutions économiques libérées
du profit, accessibles, par conséquent, à l’idée
que l’abondance pourrait cesser d’être un fléau source
aujourd’hui. de toutes les « crises » ?
Utopie ! répondent d’une seule voix les gardiens de la flamme
aux audacieux qui laissent entendre qu’une monnaie de consommation ouvrirait
la voie à un changement radical de la règle du jeu et
des comportements sociaux.
Changer les mentalités
Les inconditionnels de l’ordre établi ont trouvé
commode d’en faire le préalable d’une révolution économique
à laquelle ils restent farouchement opposés, leur but
étant de détruire tout espoir d’accès à
un autre type de société. On note, en effet, un total
mutisme quant à la façon d’obtenir cette évolution
des habitudes et des moeurs qui, selon ces gens, rendrait possible,
dès lors, le fonctionnement de nouvelles ’institutions. La raison
est simple : l’évolution, le changement des comportements, sont
la conséquence et non pas la cause, d’une modification du cadre
économique.
C’est dire que le problème du changement de société
ne se situe pas au niveau des mentalités. Celles-ci, le moment
venu, s’adapteront à une nouvelle règle du jeu, à
de nouveaux comportements marquant un sensible progrès dans maints
et maints domaines de la vie courante. Le problème consiste à
rassembler une majorité autour d’un projet de société
suffisamment concret, étudié et attrayant, pour que chacun
puisse y situer son propre cas. A défaut, on doit pouvoir emporter
l’adhésion d’un lobby assez puissant pour en imposer la prise
en considération au niveau d’un centre de décision, puis
son adoption par référendum. Trouver ou constituer un
tel lobby serait ainsi le tout premier des objectifs à atteindre.
Peut-être est-ce, et là seulement, que réside l’utopie
du projet : découvrir la voie politique qui lui donnera vie.
En finir avec l’argent-furet, avec les gaspillages que sa circulation
occasionne, alléger la durée du travail au bénéfice
des activités de loisirs, libérer les familles de M’angoisse,
de la peur du lendemain, assurer la sécurité, celle des
personnes et des biens, motiver la jeunesse, lui donner un but, quel
programme pourrait rivaliser avec celui-là ? Foin des bonimenteurs
professionnels qui tous nous veulent du bien mais dupent le public en
racontant des craques.
Année 86 au palmarès de l’abondance
Cacao, étain , blé, maïs, produits
laitiers, viande bovine, porc, café, tomates, artichauts, choux-fleurs,
pommes de terre, sucre, soja, colza, vin, oeufs, volailles, beurre,
pêches, abricots, poisson, cognac, cuivre, zinc, uranium, aluminium,
textiles, fibres synthétiques, acier, énergie, pétrole,
gaz, charbon, caoutchouc, composants électroniques, voitures,
plomb, nickel, papier, mobiliers, appareils ménagers, logements
vides, navires pétroliers, centrales nucléaires, armements.
Au regard de cet océan de richesses, stérilisées
en raison des exigences du profit : des millions de chômeurs démunis,
de retraités à la portion congrue, un milliard d’affamés
dans le monde, l’insécurité générale. Une
masse énorme de besoins inassouvis, exacerbés par une
délirante publicité. Quel esprit sensé peut souscrire
à un désordre économique et social pareillement
aberrant ?
Un MONET pour sept milliards de centimes
Les enchérisseurs ont tenu à préserver leur anonymat, évitant de servir de cible aux représailles de 3 millions de chômeurs britanniques auxquels on raconte qu’il n’y a pas d’argent pour leur procurer des emplois.
Le Pouvoir à la rue
Après les manifs des étudiants et des exploitants endettés, ruinés par l’abondance, une manif de chômeurs ? Encore faudrait-il qu’elle ait le sens d’un appel à la réflexion du Pouvoir sur un projet de société dissociant les revenus de la durée du travail, des prix et des coûts, mieux approprié à notre ère de sousemplois, à un univers industriel de plus en plus robotisé.
Le couplet des libertés
Il fait surface chaque fois qu’il est question du
développement industriel, scientifique, technologique, agricole,
culturel et social en Union soviétique. Liberté d’expression,
de critique, liberté de pensée, de se déplacer,
tout est passé au crible, témoignages à l’appui
tirés presque exclusivement de la littérature « dissidente-,
d’autres provenant des multiples officines spécialisées
dans la désinformation. Entrelardés de récits véridiques,
l’ensemble des témoignages prend valeur de référence.
Chaque pays a ses lois et qui les enfreint s’expose aux sanctions prévues
dans les textes. L’entrée aux États-Unis est interdite
aux communistes et à ceux qui auraient l’intention d’y changer
la forme de gouvernement. Un million de chichicanos mexicains refoulés
chaque année aux frontières, tirés à coups
de fusil. Populations sud asiatiques, sud-américaines, centre-américaines,
mobilisées sous des régimes de dictatures, au service
des multinationales. Droits de l’homme ? Une dérision pour les
clandestins, pour les noirs gitant dans leurs ghettos, pour les vieux
abandonnés, pour les victimes des marchands de drogue, pour celles
des vols, des attentats, d’une insécurité permanente,
pour les millions de chômeurs, pour des hordes de marginaux.
En URSS, il est pareillement interdit, non pas l’entrée de noncommunistes,
mais tout acte de propagande visant à déstabiliser les
institutions socialistes ; d’où les limites assignées à
certaines formes de critique à l’égard des autorités
politiques et administratives.
Notre chère liberté accorde-t-elle à
chacun le droit de commenter les décisions des juges, de porter
atteinte aux usages du commerce, à l’épargne, au crédit
de l’Etat, de passer outre aux ordres d’un patron, d’accéder
aux médias, à l’édition, d’approcher les hautes
personnalités politiques ou administratives, de faire acte de
candidature sans avoir obtenu l’appui d’un parti, de voyager s’il est
chômeur, smicard, démuni d’économies, de se soustraire
à l’impôt et aux prélèvements dits obligatoires,
de s’affranchir d’innombrables interdits, de stationner à sa
guise. d’afficher des propos subversifs, de nuire au moral de l’Armée ?
Les contraintes sont omniprésentes : loi sur la Presse, lois antiracistes,
rôle dictatorial des maisons d’édition, de leurs comités
de lecture, des rédactions. Un dispositif bien rôdé
forme ainsi barrage aux idées dérangeantes, non cataloguées.
Que dire enfin de la liberté individuelle face aux mille contraintes
de la vie journalière, celles d’une famille, face à la
maladie, au chômage, à la délinquance, à
l’insécurité ?
Liberté ? Un mythe dont tirent parti des cohortes de chroniqueurs
dressés à inculquer les bons principes propres à
dissuader leur public de se laisser séduire par les sirènes
du socialisme à la Soviétique.
SAINT-GOBAIN pour un plat de lentilles
L’État fait abandon de ses droits au revenu
que lui procurait la prestigieuse société, en échange
d’un plat de lentilles : 8 milliards engloutis séance tenante
dans la masse budgétaire pour être distribués aux
habituels prébendiers et les contribuables, spoliés d’un
patrimoine qu’ils ont payé de leurs deniers, n’en verront pas
la couleur, bien niais s’ils espèrent des opérations de
privatisation un allègement de leurs charges fiscales. Quant
à la piétaille des tout petits porteurs appâtés
par 40 millions de publicité, ses dividendes se dissiperont dans
la hausse de l’impôt, dans l’augmentation du prix des services
et de celui des carreaux.
Privatisations « retour d’ascenseur » ? Attendons pour en
juger, de connaître la composition des nouveaux Conseils.