Par définition, un distributiste est le contraire
d’un conservateur. C’est quelqu’un qui n’aspire qu’à voir la
société évoluer : il ne peut plus supporter que
croisse la misère dans un monde où l’abondance est devenue
possible, il exige que le progrès serve à transformer
le chômage en loisirs heureux, il veut mettre les machines au
service des hommes et non l’inverse, il n’a ni le culte de l’argent,
ni celui de "la réussite" à n’importe quel prix.
Ni les batailles de chiffres, ni les bilans que les candidats s’envoient
à la figure ne l’impressionnent. Et quand ses yeux, forcément,
tombent sur le portrait plein d’auto-satisfaction d’un candidat dont
les affiches inondent les murs, il ne voit que tout le gâchis
que cela représente, tout ce qu’on aurait pu faire de mieux avec
les millions que ces campagnes publicitaires engloutissent... ou bien
il pense aux beaux arbres qui sont devenus ces papiers.
N’étant pas conservateur, un abondanciste ne vote pas à
droite. Il vote encore moins pour un raciste d’extrême-droite
pour qui patriotisme rime avec égoïsme.
Mais la récente expérience d’un gouvernement qui se disait
de gauche l’a déçu. Il n’a pas admis qu’un parti qui se
prétendait socialiste, qui avait affirmé dans son programme :
"il ne s’agit pas pour nous d’aménager le système
capitaliste mais de lui en substituer un autre", face volte-face
et mette son point d’honneur à gérer le système
capitaliste en question aussi bien que la droite, parfois mieux même,
car le peuple lui faisait confiance.
Nous l’avons dit, écrit et réécrit dans ces colonnes :
tous les pouvoirs que croyait détenir la gauche n’étaient
rien auprès du pouvoir de l’argent, qui lui échappe complètement.
Mais il fallait le dénoncer, ce pouvoir contre lequel la volonté
du peuple se heurte ! Montrer qu’il empêche toute démocratie
! Dénoncer ces procédés qui rendent les financiers
plus puissants que. les gouvernements. Et surtout pas les admettre,
puis renoncer à un idéal de changement.
Alors ? Certains abondancistes, représentés dans ces colonnes
par "Pinoche’ ; ont pris le parti de voter blanc. Tout en se défendant
de refuser de voter, par égard pour tous ceux qui se sont battus
pour que nous ayons le droit de vote (et les femmes sont encore plus
sensibles que les hommes à ce scrupule). Malheureusement, refus
de vote ou vote nul, tout cela fait bonnet blanc ou blanc bonnet quant
aux résultats, car seuls les votes exprimés entrent dans
les statistiques... Ne pas voter ou voter nul peut donc permettre au
fascisme de progresser...
Ce n’est pas là l’idéal d’un distributiste. Il est donc
très malheureux, il se sent seul et incompris. Mais il a une
voix et il refusera de se taire.
Ne pas se taire !
Éditorial
par
Publication : avril 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009
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Publication : avril 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009