Petit déjeuner radiophonique
par
Publication : février 1978
Mise en ligne : 23 mai 2008
À l’écoute de « France-Inter » le 8 décembre 1977 vers 7 h 45, je suis atterré par ce que je viens d’entendre.
M. Michel Debré, convié à un traditionnel « petit déjeuner » au cours duquel il est interviewé, prétend que d’ici cinq ans les caisses de retraite ne seront plus en mesure de fournir les prestations à leurs allocataires.
Motif : la dénatalité signalée par lui depuis de nombreuses années provoquera dans cinq ans une carence de cotisants de telle importance que les caisses n’étant plus alimentées, elles cesseront leurs paiements.
Ne disposant personnellement pour tous les revenus que les retraites qui me sont allouées en fonction de mes quarante sept années d’activité, je me demande ce que je deviendrai lorsque la sinistre prédiction de M. Debré se produira.
Ma première émotion dissipée, je réfléchis en me basant sur les constatations actuelles.
À mon avis, et sans attendre, de façon à gonfler dès maintenant les ressources des organismes de retraite, il y aurait lieu de mettre d’urgence au travail les 1 200 000 chômeurs pour qu’ils cotisent.
Par ailleurs, il faudrait encourager la natalité pour que d’innombrables bras et cerveaux viennent dans l’avenir participer à la production de biens de toute nature et par cela même cotiser aux caisses de retraite de manière à ce que celles-ci continuent à remplir leur office.
Comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? Je me perds en conjonctures et, las de réfléchir, je descends prendre possession de mon courrier. Je constate alors que ma boîte aux lettres est remplie de prospectus publicitaires me suppliant d’acheter ceci… ou cela… avec toutes facilités de paiement. On a donc de quoi satisfaire les besoins des retraités !
Décontenancé devant ces multiples contradictions, j’en arrive à me demander si M. Debré a encore une once de bon sens en matière économique. Ou alors c’est que notre ancien président du Conseil n’a jamais eu connaissance des progrès techniques réalisés dans tous les domaines depuis un demi-siècle.
Il n’a probablement pas encore compris que tous les revenus provenant de la production, celle-ci est en majeure partie assurée par des moyens extra-humains.
Il reste à trouver la façon d’en répartir les fruits.
M. Debré aurait intérêt à s’inspirer des ouvrages de notre regretté Fondateur avant d’être de nouveau convié à un « petit déjeuner » de « France-Inter » au cours duquel il pourrait être interviewé sur un sujet de caractère économique.