Le dynamisme de la pensée caractérise Jacques Duboin. C’est pourquoi la lecture de ses ouvrages par les responsables des organisations politiques et syndicales leur serait particulièrement profitable.
Ouvrons ce merveilleux petit livre que Jacques Duboin
a intitulé « L’économie distributive s’impose »,
nous y lisons :
« Sachez qu’un économiste « distingué »
est inentamable. Qu’il soit de droite ou de gauche, il entend faire
accepter pour loi naturelle, donc applicable en tous temps et en tous
lieux, des hypothèses provisoires qui permettent d’expliquer
le passé, mais qu’il faut abandonner sous la pression de phénomènes
nouveaux...
» Pour commencer, il faut faire abandonner la conception d’un
ordre social immuable. On s’imagine à tort que le capitalisme
- que j’appellerai le système des prix-salaires-profits - s’identifie
à certain ordre naturel, et que le mieux qu’on puisse faire est
de diminuer les excès ou les mauvais effets des lois naturelles
qui le régissent.
» Un nombre incalculable de gens ignorent que la société
humaine n’a jamais rien de définitif ; elle n’est pas statique
comme elle fut longtemps en Egypte, en Chine et ailleurs. Elle se transforme
selon la manière dont les hommes se divisent le travail, c’est-à-dire
selon les progrès réalisés par les techniques de
production. Ces progrès obligent les hommes à vivre d’une
manière différente, donc à changer leurs institutions,
leurs moeurs, leurs façons de penser, bref tous leurs rapports
sociaux... ».
1929 - 1974
Cet enseignement doit être constamment présent
en nous- mêmes. Il nous évitera, par exemple, l’erreur
qui consiste à appliquer à la crise actuelle l’analyse
faite pour celle de 1929 et les précédentes. Celles-ci
furent des crises de surproduction (ou plus exactement de sous-consommation
par manque de moyens solvables) qui se caractérisèrent
toutes par l’écroulement des prix, l’effondrement des profits
et un chômage étendu.
La crise actuelle se caractérisa dès sa naissance, et
continue à se caractériser, non pas par un effondrement
des prix mais par leur hausse généralisée. Cette
« inflation » ne provoqua nullement le chômage ; celui-ci
résulta des mesures prises par le gouvernement en vue de freiner
l’expansion
économique.
Nul lecteur de Jacques Duboin n’ignore que la rareté des produits
est, dans ce régime, la condition du profit et l’une des conditions
essentielles de toute hausse des prix. La crise actuelle serait-elle
donc, contrairement aux précédentes, une « crise
de rareté » ?
N’oublions pas que, depuis 1930, les gouvernants capitalistes
ont appris à lutter contre l’abondance ; la pratique de «
l’assainissement des marchés » leur est devenue coutumière.
Ce régime fabrique la rareté pour... fabriquer le Profit.
Mais la recherche du profit incite, par ailleurs, les entreprises à
développer leurs moyens de production en vue d’augmenter leur
chiffre d’affaires. Alors elles empruntent aux banques les crédits
d’investissements qui leur sont nécessaires...
Jacques Duboin a dévoilé depuis de nombreuses années
cette forme d’escroquerie économique que sont les créations
monétaires des banques. En période d’investissements accélérés
(c’est-à-dire d’expansion économique) ces créations
se multiplient et se chevauchent ; le résultat, c’est que LES
LIQUIDITES MONETAIRES AUGMENTENT PLUS VITE QUE LA PRODUCTION NATIONALE
car il faut le plus souvent plusieurs années avant qu’une entreprise
nouvelle soit en mesure de jeter sur le marché une production
équilibrant les crédits bancaires obtenus.
Il y a donc bien, cette fois encore, une « surproduction » mais ce n’est plus, comme en 1929, une surproduction offerte à la consommation publique mais seulement une surproduction de monnaie qui provoque ce déséquilibre entre l’offre et la demande qui caractérise toutes les crises économiques du capitalisme.
Jacques Duboin a intitulé l’un de ses livres « LES YEUX OUVERTS ». Ouvrons bien les nôtres !