Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Mise en ligne : 31 août 2007

 Les fonds spéculatifs

Plus poliment on les appelle fonds d’investissement. Ils sont omniprésents. En France, ils détiennent quelque 1.500 entreprises. Ils s’attaquent aux PME comme aux sociétés du CAC 40 en rachetant les entreprises via des montages financiers, les LBO [1] , recourant à un fort endettement. On estime qu’il en existe 9.575 dans le monde. Ils ont levé 60 milliards de dollars, rien qu’au premier trimestre 2007. Au total, les actifs qu’ils gèrent dans le monde s’élèvent à 1.568 milliards de dollars. Leur puissance est donc considérable et menacerait la stabilité du système financier mondial [2]. Les ministres des finances des pays les plus industrialisés de la planète [3], qui constituent le G8, se sont donc réunis les 18 et 19 mai afin de tenter de leur imposer une régulation ou, au moins un code de bonne conduite. Mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord à cause de l’opposition des États-Unis et de la Grande-Bretagne, partisans, comme d’habitude, d’une autodiscipline. Mais, en juin, un certain nombre de fonds spéculatifs ayant investi sur le marché hypothécaire à risques ont fait faillite. D’où quelques turbulences boursières…

 Chaud…

Gros titre dans la rubrique “Économie et Entreprises” du Monde du 14 juillet :

Marchés - La forte croissance économique mondiale et les fusions d’entreprises soutiennent les cours. À la Bourse de Paris, les perspectives restent bonnes.

« Le CAC 40, l’indice phare de la Bourse de Paris, connaîtra-t-il en 2007 sa cinquième année consécutive de hausse ? Cette hypothèse, inédite depuis la création de l’indicateur en 1987, est crédible aux yeux de certains analystes. Après avoir engrangé 10% au cours des six premiers mois de l’année, les experts de la Société générale misent sur une hausse de 5 à 10% pour le second semestre. Plus audacieux, ceux de Natixis voient le CAC 40 à 6.400 points d’ici la fin de l’année et, sauf accident, à 7.100 points à la fin de 2008 ». Pour M. Bokobza, responsable de la stratégie marchés à la Société générale, « nous vivons l’un de cycles de croissance les plus exceptionnels depuis 1945 tant par sa durée que par sa robustesse ». Il ajoute : « Nous sortons du violent krach survenu entre 2000 et 2002 ».

Courbes et histogrammes viennent illustrer cet optimisme, les hausses “vertigineuses” de certains titres depuis janvier sont soulignées.

Mais une fois de plus, on s’aperçoit, en lisant le reste de l’article, que l’optimisme du gros titre était sans doute exagéré : « La hausse de la Bourse pourrait toutefois être contrariée. La plupart des analystes surveillent les prix du pétrole, revenus à leurs plus hauts de juillet et août 2006, et l’inflation, qui pourraient perturber la progression des indices. Surtout, les turbulences de l’économie américaine sont un sujet d’inquiétude. Les courtiers redoutent une contagion de la crise des crédits hypothécaires à risque aux États-Unis. En juin, plusieurs fonds spéculatifs ayant investi sur ce marché ont fait faillite ».

 … et froid

Dans la même rubrique du Monde du 28 juillet , le gros titre est devenu :

Bourses – La fuite des investisseurs devant le risque de crédit déstabilise les marchés d’actions. Trou d’air sur les places boursières mondiales.

« Sourdes depuis des semaines aux menaces planant sur les marchés financiers, les Bourses mondiales ont finalement cédé à la crainte au cours des derniers jours. Le mouvement a été à la fois brutal et général. Jeudi 26 juillet, la quasi totalité des places a dévissé effaçant la majeure partie de gains engrangés depuis le début de l’année ». Suit l’énoncé, courbes à l’appui, des pertes subies par les principales Bourses européennes et américaines et leurs effets dévastateurs sur les places asiatiques. La faute en incombe, comme prévu, aux déboires des fonds spéculatifs (dont certains ont perdu une dizaine de milliards de dollars) qui menacent de contaminer l’ensemble du secteur financier. Et l’effet boule de neige ne s’arrête pas là, même le président de la Réserve fédérale américaine invoque l’impact de cette crise sur la croissance des États-Unis, favorisée depuis 2003 par l’accès facile au crédit. « Les opérations d’envergure comme le rachat des hôtels Hilton par Blackstone début juillet vont être stoppées. La spéculation s’arrête [4] », proclame C. Parisot, économiste chez Aurel Leven. Chez Morgan Stanley on pense que « les fondements de l’économie se sont détériorés […] Mais il s’agit sans doute d’une forte correction plus que d’un véritable krach ».

Chaud et froid à la Bourse ? Je crois qu’il faut laisser la conclusion à M. Patrick Artus, économiste chez Natixis, lorsqu’il qualifie de « démentiel » le mouvement actuel qu’il considère comme une nouvelle illustration du caractère « enfantin et moutonnier » des investisseurs. Mais il en sera ainsi tant que la monnaie restera basée sur du vent.

 Le communisme investisseur

Pour compliquer le jeu, un pays communiste, la Chine, met son grain de sel dans la soupe capitaliste. Sorti de son rôle de pourvoyeur de main d’œuvre à bas prix, de fabricant de produits à faible valeur ajoutée, la Chine est devenue en quelques années [5] un partenaire incontournable en matière de technologies de pointe… et un investisseur financier de poids. La banque d’État chinoise China Development Bank vient d’entrer dans le capital de la Barclays Bank et fin mai une société étatique chinoise avait déjà pris 10% de Blackstone, le plus important fonds d’investissement américain. Mais ce n’est qu’un début : la Chine a décidé d’utiliser dorénavant ses réserves de change [6], évaluées à 1.330 milliards de dollars fin juin, pour investir dans des multinationales et acquérir des entreprises occidentales. Et l’excédant de réserves attendu en 2007 et 2008 pourrait lui permettre de s’offrir les deux géants bancaires Citygroup et Bank of America.


[1LBO= leverage buy out, ou achat par effet de levier. Pour plus de détails, voir dans Mais où va l’argent ? pages 50-51.

[2Les fonds spéculatifs représenteraient à eux seuls 40% des transactions sur les Bourses de New York et de Londres.

[3États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, France, Russie.

[4Si seulement c’était vrai !!!

[5Elle vient de devenir la troisième puissance mondiale, derrière les États-Unis et le Japon.

[6Elles lui servaient jusqu’ici à financer les déficits américains en acquérant des obligations du Trésor émises par les États-Unis.


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