L’absurdité de notre système économique devient chaque jour plus évidente à un nombre croissant d’observateurs. C’est ainsi qu’on pouvait lire dans le n° 78 de « Contact », mensuel de la F.N.A.C. : « Il est bien naturel que la conscience humaine se révolte devant la destruction ici de produits qui manquent là. Lorsque des agriculteurs mécontents jettent sur la voie publique des dizaines de tonnes de primeurs, chacun pense en secret que le système économique doit être une machine bien vicieuse pour qu’un tel gâchis soit inévitable alors qu’à quelques heures d’avion des enfants meurent de faim. »
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Si, comme on le voit tous les jours, nos idées
sur la répartition du travail font de spectaculaires progrès,
les solutions que nous proposons aux problèmes monétaires
ne sont pas encore évoquées par la science économique
officielle. Ce qui n’empêche pas les choses de bouger : c’est
ainsi que sans tambours ni trompettes, l’or, en tant qu’étalon
monétaire international, a vécu : depuis le 1er avril
dernier, date à laquelle l’accord de Bretton Woods a officiellement
été définitivement abandonné, l’or n’a plus
aucune valeur monétaire.
N’est-ce pas là un grand pas de franchi ?
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En République Fédérale Allemande
la base bouge : contre l’avis de ses dirigeants, le congrès de
la Confédération des Syndicats Ouest Allemands, réuni
à Hambourg, s’est prononcé le 25 mai en faveur de la semaine
de 35 heures et pour six semaines de vacances pour tous les travailleurs.
Gageons que nos ministres et les dirigeants du patronat français
vont rapidement cesser de nous vanter les mérites et le «
sens des responsabilités » des syndicats d’outre-Rhin.
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Le slogan « exporter ou mourir », cher
à Hitler et à nos dirigeants (et repris par le Crédit
Lyonnais sous la forme « Exporter c’est vital ») va-t-il
être contesté par ceux là mêmes qui en profitent
?
C’est ainsi qu’analysant les difficultés de l’industrie chimique,
M. Malat, président du directoire d’ATO-chimie, filiale d’Elf-Aquitaine
et de Total, dénonçait récemment les échanges
intracommunautaires « qui sont un commerce artificiel, entretenu
et développé à dessein par chacun des pays de la
Communauté Economique Européenne dans le seul but de pousser
les exportations... C’est davantage une source d’appauvrissement qu’une
source de richesses ».
Les chimistes européens se plaignent d’autre part de la concurrence
de plus en plus efficace des pays du COMECON (association économique
des pays de l’Est) qui assurent plus de 22 % de la production mondiale
(l’Amérique du Nord atteint 26 %).
Le plus drôle de l’histoire, c’est que les pays du COMECON ont
été équipés et même suréquipés
par les pays occidentaux eux-mêmes !
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Pareille mésaventure ne va pas tarder à
arriver à d’autres industriels dans d’autres domaines : c’est
que, dans nombre de milieux pensants (???) gouvernementaux et industriels,
la dernière mode est de prôner l’exportation de matière
grise et de haute technologie. Il y a là, paraît-il, un
« créneau » à prendre !
Tout esprit moyennement constitué peut cependant imaginer que
les pays (en voie de développement ou non) dans lesquels des
usines ultra-perfectionnées auront été installées
vont les utiliser pour produire ce pour quoi elles ont été
conçues. Mais comme, pour payer ces usines, les pays concernés
devront vendre la plus grande partie de leur production aux pays mêmes
qui les auront équipés, ils le feront à des prix
défiant toute concurrence puisqu’ils bénéficieront
de la très haute productivité que leur conféreront
leurs usines ultra sophistiquées et leur main d’oeuvre à
bas prix. De sorte que les p a y s industriels deviendront totalement
dépendants des pays qu’ils auront équipés.
C’est ce qui se passe déjà pour le textile et qui commence
à se manifester pour la télé couleur dont Taiwan
(Formose) a exporté plus de 124 000 postes en février
dernier, devançant ainsi le Japon. Tout cela grâce aux
investissements allemands et hollandais.
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L’abondance tue le profit, c’est pourquoi tout le
monde s’organise pour tuer l’abondance :
- Les chimistes européens demandent une révision des règlements
communautaires qui leur permette « d’unir leurs efforts et d’harmoniser
leurs politiques tant en ce qui concerne les investissements que la
REDUCTION des capacités de production ;
- La capacité de production des panneaux d’aggloméré
de bois excédant de 30 % la demande, les prix de vente ont chuté
de 15 % entre 1974 et 1978 aussi pour « améliorer »
ses résultats, la société Isorel vient- elle de
procéder à une réduction de 25 % de ses capacités
de production en espérant être imitée par ses concurrents
;
- Après plusieurs mois de discussions engagées avec la
bénédiction des instances communautaires, les grands producteurs
européens de fibres chimiques, Hoeshst, Bayer, Rhône- Poulenc,
ICI, Courtaulds, AKSO, Montédison, SIR, ANIC, SNIA Viscosa) se
sont mis d’accord pour limiter leurs productions et leurs ventes pendant
au moins trois ans.
L’accord prévoit une réduction globale d’environ un tiers
des capacités de production et la suppression de 12 000 à
15 000 emplois (7 % des effectifs) .
Il n’est pas exclu qu’un accord analogue soit conclu pour les plastiques.