Au fil des jours
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Publication : novembre 2016
Mise en ligne : 22 janvier 2017
Renault embauche…
Renault annonce l’embauche, d’ici la fin de 2016, de 1.000 CDI, ce qui portera à près de 3.000 le nombre des nouveaux recrutés dans l’entreprise depuis 2015. Bravo et normal, direz-vous, puisque le marché automobile est reparti à la hausse ! Mais, en creusant un peu, on apprend que pour suivre la montée de la production qui en résulte, Renault a de plus en plus recours aux contrats courts et aux intérimaires qui sont parfois jusqu’à 80% des ouvriers sur une ligne de fabrication. Et, si on est encore plus curieux, on découvre que dans le même temps, 10.000 personnes ont quitté l’entreprise. Bilan : aujourd’hui, Renault produit beaucoup plus en France qu’en 2013… avec 7.000 personnes de moins ! Ce qui montre bien que « compter sur l’industrie pour redresser l’emploi en France relève de vœux pieux » [1].
Les bienfaits du temps partiel ou
À quelque chose malheur est bon…
Renault n’est pas un cas exceptionnel : selon l’Insee, 19% des travailleurs (soit environ 1,6 million de personnes) sont à temps partiel subi et un tiers d’entre eux voudraient travailler plus. D’après l’économiste Mathieu Plane, de l’Observatoire Français des Conjectures Economiques, « dans tous les pays européens, le temps partiel a augmenté avec la crise (de 25% depuis 2008) car les patrons ont cherché de la flexibilité supplémentaire par ce biais… » [2]. Il explique que la baisse de chômage qu’on observe depuis quelques mois en France est due surtout à la création d’emplois à temps partiel et réduit. Cette situation crée de plus en plus de travailleurs pauvres dont les fins de mois sont difficiles. Ce qui n’émeut guère les experts de Pôle Emploi pour qui « globalement, il y a un effet positif de l’activité réduite car elle permet de garder un lien avec le monde du travail et de sortir plus vite du chômage » [2] !!! Si non è vero…
Vive le dumping chinois !
L’association Solar Power Europe, qui regroupe la presque totalité des acteurs de la filière solaire européenne des installateurs aux producteurs d’électricité, vient de demander pour la deuxième fois cette année à la Commissaire européenne chargée du commerce de supprimer les prix minimums d’importation des panneaux et cellules photovoltaïques chinois vendus en Europe. Ces prix auraient eu, selon l’association, un effet destructeur sur la filière car si, depuis 2015, soit deux ans après l’instauration de ces mesures de taxation, l’Europe concentrait encore 80% des installations solaires dans le monde, elle n’en représente plus aujourd’hui que 15%. Le renchérissement imposé à l’élément de base du secteur, la cellule photovoltaïque, a pénalisé tout l’aval de la filière qui concerne quelque 80% des emplois et de la valeur ajoutée. Le comble est que la mesure n’a pas profité aux derniers producteurs de panneaux européens que la Commission souhaitait protéger : ils ont vu leur capacité chuter de 20% entre 2014 et 2015. Ce sont ainsi des centaines de milliers d’emplois qui risquent de disparaître en Europe et l’échec du plan d’atteindre, en 2030, 27% d’énergies renouvelables dans la production d’électricité [3]. Bravo l’UE !
Bonne nouvelle
Si l’Union européenne traîne les pieds pour passer aux énergies renouvelables, il n’en est pas de même pour la Chine, ni pour l’Inde, ni pour d’autres pays en voie de développement. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), en 2015, pour la première fois dans l’histoire, la capacité de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables a dépassé celle du charbon : on a en effet installé cette année-là dans le monde 500.000 panneaux solaires chaque jour et la Chine, à elle seule, a multiplié le nombre de ses éoliennes au rythme de deux installations à l’heure. Toujours selon l’AIE, en 2021, solaire et éolien représenteront la moitié des énergies renouvelables et produiront 28% de l’électricité consommée sur la Terre.
Il n’y a pas que la Silicon Valley…
L’avenir de l’innovation - Chroniques digitales d’un tour du monde est le titre d’un ouvrage [4] que vient d’écrire Francis Pisani [5]. Fruit de trois ans d’une série de voyages dans 45 villes de 32 pays sur les 5 continents afin d’enquêter sur les technologies de l’information et de la communication, l’auteur nous dévoile “trois secrets” qu’il a découverts : « Pour innover il faut des espaces ouverts, autant de diversités que possible et se sentir libre de désobéir quand il le faut. Contrairement à ce qu’on croit du côté de Silicon Valley et de certaines institutions bien assises, le phénomène nouveau, impossible à contenir, c’est que l’innovation vient aujourd’hui de partout. Une tendance qui ne peut que s’accélérer ». Bien sûr, la Silicon Valley n’est pas encore morte mais elle est aujourd’hui défiée, imitée, réinventée, concurrencée… « la machine de l’innovation crée désormais de la diversité ». Le local reprend du pouvoir sur le global. Les nouveaux espaces créatifs (les faubourgs de Stockholm, le IHub de Nairobi, le parc technologique de Recife, le Joyful Frog Digital Incubator de Singapour, …) sont peuplés d’illuminés, de bricoleurs, de bâtisseurs mégalos, d’investisseurs aventuriers, de jeunes ultra diplômés… Le secret des labos a laissé la place à l’échange, au partage des compétences, à la critique, la rencontre, la confrontation…
Bien sûr, dans son tour du monde, Pisani a aussi rencontré des illuminés dangereux. Il reste cependant optimiste pour l’avenir de la planète.
[1] Le Monde, Eco&Entreprise, 13/10/2016
[2] Le Monde, Eco&Entreprise, 12/10/2016
[3] Le Monde, Eco&Entreprise, 14/10/2016
[4] Téléchargeable gratuitement sur le site Netexplo.org
[5] Journaliste, écrivain, enseignant en France et dans des universités américaines.