Cuba : 1 médecin pour 500 habitants
par
Publication : juillet 1987
Mise en ligne : 17 juillet 2009
Dans son livre "Les Affranchis de l’An 2000",
Marie-Louise Duboin imagine ce que pourraient être la médecine
et l’organisation des services de santé dans un pays ayant
opté pour l’économie distributive. Un reportage d’un
envoyé spécial à Cuba, le Docteur Noelli de Luna,
effectué pour le "Quotidien du Médecin" (1),
répond partiellement à ces préoccupations au
sujet de la santé. Cet article intitulé "Pour les
Cubains, la santé n’a pas de prix" est, je le répète,
publié par le journal "Le Quotidien du Médecin"
financé par la publicité pharmaceutique, diffusé
chaque jour aux médecins par abonnements, et ce journal de
droite n’est pas suspect de sympathie pour les démocraties
populaires.
Voici des extraits de l’article :
"Cuba, avec une population de 10 000 000 d’habitants, compte
20 000 médecins, soit un médecin pour 500 cubains. Le
coût de la santé et de 80 pesos par personne et par an
contre 56,3 en 1983 et 3 pesos en 1958. Le budget de la santé
représente 7,5 du budget national. Chaque habitant consulte
un peu plus de quatre fois par an, six si l’on compte les consultations
de stomatologie. La femme enceinte bénéficie de douze
consultations réparties pendant les neuf mois de grossesse
et 98,8 % d’entre elles accouchent en milieu hospitalier. Il y a 53
000 lits à l’hôpital contre 28 000 en 1958. Ces lits
sont répartis dans 276 hôpitaux, 414 polycliniques et
149 cliniques stomatologiques. La progression du nombre d’étudiants
en médecine est impressionnante : 5 787 en 1976, 11 056 en
1979, 17 308 en 1982, 23 179 en 1985. L’objectif est d’atteindre 60
000 médecins en l’an 2000, soit 1 médecin pour 166 habitants
(à titre indicatif, il y a en France 1 généraliste
pour 1145 habitants en moyenne). "Avant 1958, il y avait 6 000
médecins à Cuba, dont la moitié ont émigré
lors de la révolution castriste. Il reste une cinquantaine
de médecins et une centaine de stomatologues d’avant 1958 qui
continuent à pratiquer en exercice libéral".
Le gouvernement castriste est en train de réaliser ce que diffuse
son slogan "faire de Cuba une puissance médicale : système
de soins gratuits et modernes, médecins à haut niveau
de connaissance, équipements et matériels de pointe.
La sélection est extrêmement sévère pour
le recrutement des médecins. Le candidat doit avoir obtenu
une moyenne générale de 90/100 dans toutes les disciplines
et pendant toute la durée des études secondaires et
il subit alors des tests d’aptitude à la profession.
A Cuba, les soins sont gratuits mais les médicaments sont par
contre payants, vendus à prix dérisoires car subventionnés
par le Ministère de la Santé".
Alors que le Gouvernement français, à l’heure actuelle,
fait tout son possible pour sous-qualifier les généralistes
en leur supprimant l’internat, ce qui provoque d’ailleurs un grave
conflit, Cuba vient d’instituer un diplôme de spécialiste
en médecine générale obtenu avec 3 ans supplémentaires
d’études après un stage de 2 ans dans un poste de généraliste
attaché à une région défavorisée.
"Actuellement les généralistes cubains gagnent
300 pesos par mois, le SMIC étant de 100 pesos par mois".
Cela donne donc un salaire de 4 659 F x 3 = 13 977 F". Les nouveaux
généralistes spécialisés, intitulés
"médecins de famille" vont gagner 400 pesos mensuels.
Les professeurs de faculté et les chefs de service des hôpitaux
centraux reçoivent 800 pesos par mois. Le rythme de travail
à Cuba est de 5 jours la première semaine, 6 jours la
semaine suivante. Le chômage n’y existe pas et les travailleurs
sont des salariés de l’Etat, sauf les agriculteurs qui travaillent
le plus souvent en coopératives. Le médecin généraliste
a ses consultations le matin de 8 h 30 à 12 h30-13 h et ses
visites l’après-midi jusqu’à 16-17 h. Il dispose d’un
local avec un équipement de base, il est aidé par une
infirmière à plein temps et a la charge de former un
stagiaire. Le local est situé à l’intérieur d’un
périmètre de 5 à 700 habitants (120 familles)
dont le médecin est responsable. Les malades ont le droit de
faire appel à un autre médecin. Le médecin doit
en outre jouer un rôle d’éducateur sanitaire.
Ainsi toute personne n’ayant pas consulté durant un an reçoit
la visite à domicile du médecin. Dans ce pays, gros
producteur de canne à sucre et de tabac, les deux facteurs
de risques les plus préoccupants sont le tabagisme et l’obésité.
Les nourrissons doivent subir un examen une fois par semaine jusqu’à
l’âge de 3 mois, puis une fois par quinzaine jusqu’à
6 mois, puis une fois par mois jusqu’à un an.
Chaque hôpital régional a en charge entre 15 000 et 30
000 habitants et offre des consultations de spécialistes. Il
a en charge la médecine de nuit et du dimanche, les gardes
étant assurées par roulement par les généralistes.
La médecine cubaine a à son actif 20 greffes du coeur
(15 survivants), 3 greffes du foie (1 survivant), 1 greffe coeurpoumons,
1 bébé fivette. La lithotripsie (pulvérisation
des calculs du rein et du foie par ultra-sons) est pratiquée.
Les hôpitaux centraux possèdent des scanners et des RMN.
Une clinique de luxe (la clinique Cira Garcia) de haut niveau technologique,
reçoit les malades étrangers qui paient en devises.
Cette clinique soigne notamment les patients atteints de vitiligo
à l’aide d’extraits placentaires (le vitiligo est une dépigmentation
de la peau qui peut atteindre le visage et provoquer des dépressions
nerveuses. Cette affection n’est pas traitée en France)".
Il me semblait utile d’apporter ces précisions concernant le
système de santé en vigueur à Cuba, au moment
même ou en France, les médicaments sont de moins en moins
remboursés, de même que certains soins ou appareils,
et où les généralistes sont moins bien informés.
Sans tomber dans un excès de crédulité, on peut
signaler un progrès dans le domaine de la santé à
Cuba et une régression en France.
On ne peut avoir en même temps une sécurité sociale
correcte, une élévation du niveau de santé, l’absence
de chômage et voter 487 milliards pour la course effrénée
aux armements.
(1) N° 3829, jeudi 2 avril 1987, p. 26 et 27).