Fraternité
par
Publication : juillet 1989
Mise en ligne : 12 mai 2009
C’est la dernière des trois "vertus théologales" de la devise républicaine. La dernière aussi à être pratiquée, bien qu’elle soit très souvent invoquée, en politique comme en économie et en droit. Ainsi que la liberté et l’égalité, elle est générale beaucoup plus que personnelle, à l’inverse de la foi, l’espérance et la charité. C’est normal : la République s’adresse au citoyen, l’Eglise se réfère à la personne. La morale est plus collective dans un cas, plus individuelle dans l’autre.
Ces considérations éthiques ne sont pas sans rapport avec le social et l’économique qui nous intéressent plus particulièrement ici. Le capitalisme éculé, mais remis à la mode par certains de nos contemporains, exalte d’autres motivations. Nos réalistes efficaces ont besoin d’esprit de compétition, de battants, de gagneurs. Ils ignorent les scrupules et le respect. L’Eglise catholique le regrette sans aller jusqu’à stigmatiser la relation de cause à effet entre la règle du jeu du système et la mentalité nécessaire des participants. Les honnêtes, les intègres, les sages sont forcément handicapés dans la course au profit, ce sont les perdants, rejetés par la société mercantile. Apprendre aux jeunes la morale et la fraternité, c’est les défavoriser pour la vie. A l’époque des difficultés économiques, du combat sans merci et des coups interdits, c’est en faire des chômeurs, des aigris et peut-être des drogués en puissance.
Solidarité
Et pourtant, dans la difficulté, l’aide entre les êtres humains serait bien nécessaire. Les pollutions de toutes sortes seraient évitées si, depuis la conception jusqu’à la réalisation, puis l’utilisation, les moyens de production étaient mis en oeuvre en pensant au voisinage et à l’environnement plus ou moins lointain. Le capitalisme, lui, ne commande de ne penser qu’aux résultats financiers les plus immédiats. Le tiers-monde aurait bien besoin de la solidarité des nations industrialisées, afin d’aider à son développement. Au lieu de cela, ces dernières ne connaissent que l’aumône, les prêts qui rapportent et qui rendent dépendants, le pillage des matières premières.
L’Europe, telle que nous la concevons, devrait être
un facteur de paix, de concorde et de prospérité. Au lieu
de cela, l’idéologie dominante nous prépare un conglomérat
lié à l’impérialisme du capital, déchiré
entre états-nations qui ne veulent rien céder de leurs
privilèges. Les gouvernements ne pensent qu’à en tirer
égoïstement avantage sans subir les prélèvements
nécessaires à redistribuer aux populations les plus démunies.
Les députés européens ont été élus
sur des thèmes de défense des intérêts "nationaux" !
Mais cessons d’analyser pour passer à ce qui pourrait nous apporter
une alternative solidaire et surtout économique, puisque c’est
là que le bât blesse. C’est simple : au lieu de favoriser
l’individualisme et de magnifier les tendances les plus affligeantes
de l’homme, il faudrait lui apprendre à vivre en société.
C’est-à-dire aller à l’inverse de ce qui se fait actuellement
dans presque tous les domaines. Au lieu de l’assurance, la mutuelle
; au lieu du groupe financier, la coopérative ; au lieu du corporatisme,
le syndicalisme, etc...
Puisque les pauvres, de plus en plus nombreux, ne peuvent pas acheter,
il faut les solvabiliser. Le franc vert permettrait, dans une première
étape, la distribution sélective de la soi-disant surproduction
et l’écoulement des "surplus" qui sont une insulte
à la misère. La véritable fraternité ne
doit-elle pas consister à secourir les plus modestes ? Surtout
que cette aide ne soit pas confondue avec la charité nous sommes
tous héritiers du fabuleux patrimoine scientifique et technique
qui s’accroit à une vitesse exponentielle. Tous doivent en profiter
sans que quiconque en soit le propriétaire exclusif.
Revenu social
Puisque diminue la quantité de travail totale
nécessaire pour produire ce que les consommateurs désirent,
il faut la partager équitablement. Le service social convenablement
réparti dans la journée, la semaine, le mois, l’année,
la vie, sera librement accepté par les citoyens devenus solidaires.
Le chômage qui n’est que du loisir mal utilisé disparaitra
dans cette société à laquelle nous aspirons. La
durée du service social pourra être réduite sans
inconvénient au fur et à mesure des progrès de
la productivité.
Tous les humains recevront leur revenu social maximal depuis la naissance
jusqu’à la mort. Ainsi l’héritage n’aura plus aucune utilité.
Dans une première phase, le revenu social pourra être modulé
afin de distinguer ceux qui auront rendu le plus service à la
communauté. "Les distinctions sociales ne peuvent être
fondées que sur l’utilité commune..". Etant entendu
que ce revenu social sera, le plus rapidement possible, rendu égal
pour tous, car il n’y a finalement pas lieu de privilégier les
plus doués, même si c’est pour servir la collectivité.
Monnaie distributive
Tout cela ne pourra se faire sans que la monnaie distributive, au début monnaie verte, ne se substitue à la monnaie circulante actuelle. Elle seule, s’éteignant à l’achat, permettra d’assurer l’adéquation de l’offre à la demande et de sortir de l’instabilité et des crises perpétuelles. Pas de surplus ni de manque, puisque la production sera calculée en fonction de la précédente, accrue ou diminuée suivant l’écoulement de cette dernière.
A tous les citoyens du monde
Ce système réservé à l’origine aux pays développés où l’abondance potentielle existe déjà, pourra être étendu en quelques années à l’ensemble de la planète. Dès le début, une proportion importante des produits agricoles et industriels pourra être livrée aux contrées les plus défavorisées de l’Europe et du tiers-monde sans considération de bénéfice commercial. Une nouvelle économie sera instaurée.
Seule l’économie distributive assurera une véritable
solidarité entre tous les citoyens du monde.
A ceux qui taxeraient ces vues d’irréalistes, nous répondrons,
encore une fois, que les véritables utopistes sont ceux qui croient
que la situation présente peut encore durer sans entrainer le
terrorisme, les révoltes de la faim et les autres catastrophes
qui débutent déjà, jusqu’à l’holocauste
nucléaire final.