La grande révolution
par
Publication : juillet 1989
Mise en ligne : 12 mai 2009
Au moment où on commémore le bicentenaire
de 1789, il serait bon de prendre conscience que la plus grande révolution
de tous les temps, c’est maintenant qu’elle a lieu !
Nous sommes en train de vivre un changement de civilisation de l’importance
de ce que fut le passage au néolithique, dans les temps préhistoriques,
lorsque l’homme, ayant inventé l’agriculture, cessa de ne devoir
sa survie qu’au succès de sa chasse. Mais le bouleversement actuel
est bien plus considérable. D’une part, par sa rapidité
foudroyante (1) : la sortie du néolithique s’étala probablement
sur plus de mille ans, alors que ce n’est que depuis quelques dizaines
d’années que l’homme vient de trouver le moyen de ne plus avoir
à "gagner son pain à la sueur de son front".
D’autre part, par la portée des savoir-faire qui viennent d’être
maitrisés. De puissantes machines et des robots sont capables
désormais de remplacer le travail de l’homme dans les tâches
de routine en se substituant non seulement à ses muscles et à
l’agilité de ses doigts, mais aussi à sa mémoire,
à la plupart de ses sens et même aux déductions
purement logiques de son cerveau. Et il y a plus : après avoir
utilisé la nature pour la mettre à notre service, nous
sommes parvenus aujourd’hui à en découvrir les codes,
c’est-à-dire que nous savons commander la nature et créer
ce qu’elle n’a pas créé : concevoir et fabriquer des matériaux
composites sur mesure, modifier des espèces, et demain, probablement,
intervenir sur le génôme humain. De si gigantesques possibilités
sont également capables de détruire toute vie sur la planète
que d’y permettre l’épanouissement de tous.
Une explosion de cette importance doit être maitrisée.
C’est à nous qui vivons cette fin du XXe siècle qu’incombe
la responsabilité de choisir et d’agir pour éviter au
monde le drame de l’apprenti-sorcier. Tel est notre objectif en proposant
l’économie distributive (2).
Les premières manifestations de "La Grande Révolution"
qui venait, prirent la forme de la crise de 1929, mais à l’époque,
Jacques Duboin (3) fut probablement le seul à s’en apercevoir.
Il annonça "La Grande Relève de l’homme par la machine
(4)" et créa notre journal pour en expliquer la portée
: le travail disparait ; l’emploi salarié, au sens où
on l’entend encore aujourd’hui, sera demain, pour la génération
qui vient, quelque chose d’aussi inimaginable que semblait à
nos grands-parents le droit aux congés payés. Il faut
donc partager le travail entre tous, c’est le service social, dù
par tout citoyen, et dont la durée va décroitre avec le
développement des technologies.
Comme dans le même temps, les capacités de production font
des progrès immenses, il n’est évidemment plus possible
que le salaire des travailleurs puisse assurer à ceux-ci le pouvoir
d’achat des biens de consommation fabriqués par les robots. Il
faut, de toute urgence, inventer autre chose : c’est le revenu social
garanti à tous, de la naissance à la mort, et payé
en monnaie de consommation.
Service social, revenu social et monnaie de consommation, sont pour
nous les bases d’une économie des besoins, nécessaire
pour créer une dynamique capable d’assurer l’épanouissement
de tous, utilisant au mieux les moyens qui sont disponibles, et respectant
les impératifs écologiques.
Au contraire, économistes, financiers et politiciens s’acharnent
à vouloir faire appliquer des principes et tout un système
socio-économique qui s’avèrent dépassés
par les événements. Une attitude aussi aveugle a des conséquences
catastrophiques dans tous les domaines. Nous ne cessons de les dénoncer
mais en nous attachant bien à montrer comment l’économie
distributive est conçue pour les éviter.
Dans ce numéro spécial, nous avons joué le jeu
du bicentenaire. D’abord en reprenant la devise qui fait honneur à
la République Française : que sont Liberté, Egalité
et Fraternité devenues, nous sommes-nous demandé avec
J-P Mon et R. Marlin, et, surtout, que pourraient-elles être aujourd’hui
dans l’ère nouvelle où nous entrons ? L’idéal de
la Révolution qui proclama les Droits de l’Homme est trahi, crie
Pinoche tandis que P Herdner s’interroge sur ce que doit être
la démocratie. Puis C-E Eberlin dénonce le rôle
du profit dans la désinformation par les media. A. Prime prend
du recul pour tracer la longue marche du socialisme, H. Muller écrit
sa chronique au jour le jour en 1989, tandis que F Lévy définit
en quoi il faut, de toute urgence, innover pour faire l’Europe adaptée
au troisième millénaire et G. Denizeau rappelle à
ce propos sa proposition d’une monnaie verte comme transition vers l’économie
distributive.
Il amorce ainsi un problème qui parait trop souvent hors de portée
du citoyen moyen, celui de l’argent. C’est au contraire le noeud gordien
: sans refonte totale du système monétaire, sans une remise
en cause complète de nos habitudes en ce domaine, il n’y a aucun
espoir de salut, nous aurons gâché les prodigieuses possibilités
qu’ont mises à notre portée les générations
qui nous ont précédés. Il est indispensable, il
est urgent, il est vital, de remettre en cause le pouvoir monétaire.
C’est lui qu’il faut abattre. C’est lui qu’il faut décapiter.
Puisqu’il faut pour cela une guillotine sur mesure, aidez-nous à
la préparer !
M-L D.
(1) Lire " l’Economie Libérée »
(2) Exposée dans deux ouvrages récents, une petite brochure
"L’économie libérée" et un roman "Les
affranchis de l’an 2000" aux éditions Syros.
(3)Lire "Ce qu’on appelle la crise" et "La grande Révolution
qui vient" publiés en 1934 aux Editions Nouvelles.
(4) Livre publié chez Fustier en 1932.