L’abondance énergivore ?
par
Publication : décembre 1982
Mise en ligne : 7 janvier 2009
DEVANT le gaspillage d’énergie, on accuse à juste titre
la société de consommation. Mais on l’assimile trop souvent
à la société d’abondance.
La société d’abondance, c’est l’abondance pour tous, dans
la mesure où les ressources naturelles le permettent. La société
de consommation, c’est l’abondance pour une partie de la population
et une abondance précaire : le revenu n’est réellement
garanti à personne, tandis que la publicité multiplie
les besoins.
La société de consommation n’est autre qu’un des nombreux
moyens adoptés par le capitalisme pour échapper à
l’asphyxie. On ne veut pas vraiment sortir de ce régime. Alors,
pour maintenir le cycle « production-vente-profit-investissement
», on crée sans cesse de nouveaux produits. Et, par la
débauche publicitaire, on crée aussi chez les consommateurs
le besoin de les acheter.
Autrement dit, pour compenser la mévente résultant de
la pauvreté, on tire tout ce qu’on peut des riches et plus ou
moins riches. Il n’est pas sûr que toutes les nouveautés
amènent un progrès véritable. Peu importe, du moment
que les clients solvables y croient dur comme fer !
Au stade où nous en sommes, le véritable progrès
serait de marquer un palier et de permettre à tout le monde de
bénéficier du... progrès. Abolir la pauvreté
et réduire fortement l’écart des revenus coûteraient
moins cher que le petit jeu actuel : l’éventail des revenus accroît
encore la frénésie d’achats. Au contraire, dans une société
égalitaire ou s’en approchant, les gens ne s’occuperaient plus
guère de comparer leur situation matérielle à celle
du voisin. C’est probablement ce qu’on cherche à éviter...
!
Au gaspillage du secteur privé répond le gaspillage du
secteur public, sans lequel, d’ailleurs, le premier n’aurait pu embellir
et durer à ce point. Au sommet trônent les armements.
Ajoutez-y tous les organismes installés pour limiter la crise
ou se protéger de ses effets, et vous aurez un bel ensemble énergivore !
Peut-être l’accès de tous à l’abondance serait-il
énergivore dans un premier temps. Mais à la longue, c’est
moins sûr ; une économie qui fonctionne sans « béquilles
» épargne fatalement plus d’énergie qu’une économie
grinçante.
En éliminant les sottises, les gaspillages qui fleurissent aujourd’hui,
en ôtant les obstacles à une large diffusion des techniques
diminuant la consommation d’énergie, l’Economie Distributive
pourrait bien se révéler une grande... économie
d’énergie. Que ce soit dans l’industrie, la santé et l’agriculture
(déjà abondamment étudiées ici), ou les
services.
Prenons cette fois un exemple dans l’industrie et les transports en
Economie Distributive, on ne cherchera pas à inonder le pays
de voitures, immobiles la plupart du temps, mais à offrir à
chacun le meilleur moyen de se déplacer (voir à ce sujet
l’intéressante expérience de Montpellier).