L’assassinat des services publics

Actualité
par  B. BLAVETTE
Publication : décembre 2018
Mise en ligne : 2 mars 2019

Depuis la Révolution libérale initiée par l’économiste Milton Friedman et son École de Chicago, mise en application par Ronald Reagan et Margareth Thatcher à partir du début des années 80 du XXe siècle, la chasse aux services publics est ouverte. Notre pays avait jusqu’ici été relativement épargné, mais avec l’avènement de ce médiocre avatar de la haute finance dénommé Emmanuel Macron, la traque a pris une tout autre ampleur : désormais on tire à vue sur tout ce qui résiste et bouge encore… Pourquoi tant de haine et d’acharnement ? Essentiellement pour trois raisons faciles à comprendre :

• Le capitalisme ne peut vivre qu’avec l’extension perpétuelle du domaine du profit. Ainsi les États-Unis ont même commencé à privatiser les fonctions régaliennes de l’État comme les prisons, qui sont parfois cotées en Bourse, et l’armée, avec le recours régulier à des sociétés de mercenaires comme Blackwater qui fit merveille durant la guerre d’Irak en exécutant les basses besognes que l’on n’osait confier à l’armée officielle. De son côté, la haute bourgeoisie française qui prospère entre yachts, avions privés et équipes médicales personnelles, n’a bien sûr que faire des services publics, par contre elle salive abondamment à la perspective des profits que pourrait générer la privatisation totale de notre système de retraite et de l’assurance maladie car les sommes en jeu sont colossales. Chaque année qui passe représente pour elle un manque à gagner insupportable…

• Le secteur public constitue jusqu’ici un bastion syndical de résistance extrêmement difficile à manipuler et les grandes grèves de 1995, qui mirent à genoux un Alain Juppé pourtant réputé “droit dans ses bottes”, demeurent comme un scénario catastrophe dans les mémoires de nos oligarques. La tactique est simple : pour détruire le syndicalisme mettons à terre les forteresses où il se retranche encore.

• Enfin la notion de services publics repose sur la solidarité et le lien social : les actifs d’aujourd’hui payent pour les retraités et les chômeurs, les bien-portants soutiennent les malades, et chacun sait que face aux aléas de la vie il peut compter en retour sur l’aide de l’ensemble du corps social. De cela se dégage un sentiment de sécurité indispensable à la cohésion sociale et à l’approfondissement de la démocratie. Mais les dominants ne veulent de cela à aucun prix car ils se trouvent alors face à une multitude solidaire qui pourrait remettre en question leurs privilèges, auxquels ils tiennent plus que tout, peut-être plus qu’à leurs vies même. Les oligarques souhaitent donc organiser une société du “chacun pour soi”, composée de particules élémentaires qui interagissent brièvement, au gré du hasard, le temps d’un contrat, le temps d’un mariage vite rompu… Pourtant une société ne saurait survivre longtemps sans le ciment de la solidarité ; l’individualisme outrancier engendre l’angoisse et la peur propres à toutes les dérives, nous pousse droit vers la catastrophe finale…

·*·

Les révoltes que nous connaissons aujourd’hui pourraient alors être interprétées comme une réaction plus ou moins instinctive de l’inconscient collectif face à cette menace de grande ampleur. À ce sujet, membres du gouvernement et grands médias évoquent à l’envi des violences insoutenables, inadmissibles… mais de quoi parle-t-on ? La violence consiste-t-elle en quelques vitrines brisées qui présentent un fatras de marchandises, un luxe de pacotille ? Devrait-on s’affliger de voir endommagée la devanture de la banque HSBC, l’un des organismes financiers les plus pourris au monde qui abrita un temps (et peut-être encore ?) les finances d’Al Qaïda, qui entretient des relations régulières avec nombre de narcotrafiquants sud-américains [1] ? La violence suprême n’est-ce pas plutôt le milliard de nos frères humains condamnés à la sous-alimentation dans l’indifférence générale, les chômeurs stigmatisés, ces familles dans l’angoisse de pouvoir « tenir » jusqu’à la fin du mois, ces malades qui s’entassent parfois pendant des heures dans les couloirs des services d’urgences sous-équipés ? Alors, de grâce, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Mesdames et Messieurs les journalistes, un peu de décence !

Rolex Daytona
25.580 euros

Comme beaucoup d’autres avant moi, j’ai fait un rêve. Un rêve qui me transporte par un matin radieux place de la Concorde. Je vois des farandoles joyeuses qui entourent un nouvel autodafé, un brasier gigantesque où brûlent pêle-mêle des sacs Vuitton, des carrés Hermès, des montres Rolex, des stylos Mont-Blanc, et pour couronner le tout ,quelques Porsche et autres Lamborghini… Dans la fumée noire qui s’en dégage semblent s’enfuir tous les démons qui assiégeaient nos esprits depuis des temps immémoriaux : ces ego exacerbés, cette obsession de l’accumulation, du privilège et de la fausse puissance…

Une vraie Libération…


[11. Voir Le Monde du 11/2/2015 et Bernard Blavette, Les banquiers du terrorisme, GR 1162 (mars 2015).


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