Sortir d’une véritable manipulation de l’opinion
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Publication : décembre 2018
Mise en ligne : 3 mars 2019
Parmi tous les obstacles à la sortie du capitalisme, Dominique-Jacques Roth dénonce une arme de dissuasion massive : l’ignorance dans laquelle l’ordre dominant entretient la population à propos de la dette des États.
Autrefois plutôt rares, les analyses concluant à la nécessaire sortie du capitalisme font désormais florès. Le capitalisme risque néanmoins de perdurer tant que l’élasticité de sa forme n’aura pas atteint son point de rupture. La question est la suivante : sortir du capitalisme certes, mais selon quelles conditions de possibilité avant que le chaos ne s’installe sans rémission possible ?
Une première condition serait de sortir d’une certaine manipulation de la population par les élites au regard d’enjeux critiques. La liste n’étant pas close, j’en choisirai deux :
• Aucun processus productif ne peut faire l’impasse sur le rapport qu’il entretient avec la nature sauf à mettre en danger la survie de l’espèce humaine.
C’est ce qu’ignore le capitalisme autodestructeur par essence, qui ne peut concevoir de production sans valeur ajoutée en vue d’une accumulation infinie sans rapport avec les nécessités réelles.
La vraie richesse, qui supposerait de financer des équipements et de promouvoir un travail soustrait à la plus-value, excède la valeur strictement marchande.
Les biens naturels, qui n’ont pas vocation à être valorisés en Bourse de même que la richesse socialisée, sont inestimables.
Mais le néolibéralisme ne saurait souffrir que la création monétaire finance une production sans conduire à la réalisation d’un profit.
• Cet enjeu en recouvre un autre plus essentiel encore, portant sur l’identification minimale par les membres d’une société, de son caractère désirable et plausible, conscients de ce qui les unit au prix de renoncements à définir, pour que la terre ne ressemble pas à l’enfer. L’une des réalités de l’être humain étant le conflit (intra psychique ou interpersonnel), la transformation de ce que Freud appelle la « pulsion de mort » en facteur de dynamisme et de créativité serait le procédé le moins risqué pour pacifier les rapports humains, la richesse la plus grande tenant à la qualité des rapports sociaux au sein d’un dispositif productif.
Le néolibéralisme qui ne jure que par la compétition, l’accroissement des inégalités et les ventes d’armes, ne s’inscrit pas dans ce projet.
L’impuissance à changer radicalement le réel qui nous accable, résulte pour partie de la passion de l’ignorance ou de la haine du savoir. Pour ne prendre qu’un exemple, la croissance de la dette n’est jamais attribuée à la financiarisation de l’économie ou à l’interdiction faite aux Banques centrales de financer les projets sociaux des États, quand 80% de l’impôt sur le revenu en France sert les intérêts dus aux créanciers.
Les solutions existent mais l’ordre dominant occulte le caractère d’arme de dissuasion sociale massive de la dette via la fable « des États membres qui vivent au-dessus de leurs moyens ».
Le scénario de rupture avec le pouvoir des marchés supposerait qu’une émancipation possible relève non pas d’un caractère technique, mais d’un choix politique.
Anne, sœur Anne…
L’accumulation infinie ne saurait se poursuivre indéfiniment sans braver la survie physique et morale de l’humanité.
Face à la menace « anthropique » de la démesure néolibérale, quelles élites aux commandes oseront abandonner leurs fétiches : capital, croissance, valeur d’échange… au profit d’une mondialisation responsable et solidaire ?