Lu, vu, entendu
Publication : juin 1986
Mise en ligne : 24 juin 2009
TESTAMENT
Aucun homme politique, aucun dirigeant syndical n’ose dire la vérité
concernant le chômage. Ou peut-être ne veut-il pas la voir.
De la part des politiciens cela n’a rien d’étonnant, mais les
chefs syndicalistes qui, en principe, baignent dans les réalités
du monde du travail, doivent bien se rendre compte de la situation,
qui est évidente : le chômage, non seulement ne pourra
pas être résorbé, mais continuera d’augmenter sans
arrêt
Pour une raison très simple l’homme n’est plus indispensable
pour faire ce qui doit être fait. Non seulement il n’est plus
indispensable, non seulement il est devenu inutile, mais il est à
écarter, à bannir du lieu de travail. Ce qu’il faisait,
les machines, maintenant, le font mieux que lui, plus vite, sans fatigue,
sans arrêt,
L’« enchanteur » qui nous a quittés le 24 novembre
1985 n’a donc pas eu le temps de terminer la phrase qu’il a laissée
sur une virgule... à coté du manuscrit, se trouvaient
deux notes superbes que l’on peut considérer à la fois
comme son testament, et son dernier souhait :
Tout s’accélère. Tout va aller très vite. Un nouveau
monde va naître, sans doute dans les douleurs. Nous arrivons à
la fin des temps barbares. Le monde nouveau sera le vôtre (celui
des jeunes). Faites le bien.
Peut-être, familiarisé avec l’idée de mourir, l’homme
choisira son temps de vie et s’en ira à sa volonté.
Extrait de « demain le paradis » de René Barjavel, et transmis par S.S., d’Agen
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LE SURPLUS AMERICAIN
Le problème est tel, que le total des surfaces de bureaux disponibles
(ou en construction) dans les 22 plus grandes villes des Etats-Unis,
représente l’équivalent de 150 fois la surface de l’Empire
State building de New York, « Nous avons trop construit et ceci
dans des proportions sans précédent » avouait récemment
J. Mc Donald Williams, l’un des plus grands promoteurs immobiliers.
Le marché de l’immobilier du bureau s’aggrave de jour en jour :
en cinq ans, le taux d’inoccupation a augmenté de 12,5 % (16
% en 1985 contre 3,5 % en 1980). La mévente a pris des proportions
alarmantes dans certains états de la Sunbelt : 28,3 de bureaux
vides à Fort Lauderdale (Floride), 24 % à Phoenix (Arizona),
22,7 % à New Orléans (Louisianne). Comparativement, le
nord de la côte Est résiste mieux à la tendance
avec seulement 14,3 % de surfaces libres à Boston (Massachusetts),
13,7 % à Chicago (Michigan) et seulement 7,4 % à Manhattan
qui reste l’endroit où la demande est la plus forte.
Cette mauvaise conjoncture n’a pas épargné les secteurs
résidentiel et hôtelier. Le marché du condominium,
qui était en pleine expansion jusqu’à l’année dernière
(2,5 millions d’unités livrées en 10 ans) commence aussi
à s’effriter. Du côté de l’industrie hôtelière,
les patrons de chaîne regrettent le boom hôtelier qu’ils
ont encouragé jusqu’à maintenant. A Houston (Texas) par
exemple, où les ressources hôtelières ont pratiquement
doublé en cinq ans, portant le nombre de chambres à 34
000, le taux de remplissage n’arrive pas à dépasser les
50 % (65 % dans le reste des USA).
Extrait de « ArchitectesArchitecture », n° 163 de décembre 1985
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PAS TOUJOURS LES MÊMES
Nous avons 10 % de chômeurs en France. Les 10 au chômage
sont payés par les 90 qui travaillent. De sorte qu’une entreprise
de 90 ouvriers verse en réalité 90 salaires, plus 90 cotisations,
pour indemniser 10 chômeurs. Si cette entreprise disait aux 10
chômeurs : « Venez travailler avec nous, et nous vous verserons
directement nos cotisations. Nous allons établir un roulement
de telle sorte que, à tour de rôle, chaque ouvrier travaillera
9 semaines et partira une semaine en « chômage » (..)
Il faut que nous changions notre façon de concevoir le chômage.
Le chômage est normal. Plus nous moderniserons et plus nous aurons
de temps libre, c’est-à-dire, avec notre système actuel,
du chômage avec son cortège de misère et de découragement.
Le temps libre dégagé par la machine devrait être
source de joie et d’épanouissement de la personne humaine. D’un
côté, nous nous émerveillons de voir bientôt
des robots aller tout seuls cueillir les pêches. En même
temps, nous pleurons parce que l’horticulteur n’aura plus de travail.
Il faudrait savoir ce que l’on veut. Le chômage ne devrait pas
être considéré comme une catastrophe à combattre,
mais comme un bienfait à organiser. Que ce ne soit pas toujours
les mêmes qui le subissent, mais que tout le monde en profite.
Extrait de « La Vie », n° 2110 et transmis par Mme Escudier, de Narbonne
UN MONDE FOU, FOU, FOU !
Chômage, violences, meurtres, un certain refus de notre société
par beaucoup de jeunes. Que nous arrive- t-il ? Le monde serait-il devenu
fou ?
Je crois qu’il est en train de le devenir. La faute en incombe à
la crise structurelle du système économique mondial, capitaliste
libéral à l’ouest et capitaliste d’Etat à l’est.
Le système basé sur l’économie de marché
qui était un stimulant bénéfique lors des premiers
balbutiements de l’industrie, est devenu maintenant un instrument de
régression sociale, condamné à s’autodétruire
puisque étant complètement inadapté à l’époque
de l’informatique et de la robotique.
Il fait de la machine, la rivale de l’homme au lieu d’en faire sa servante
et cela au nom de la compétitivité.
Effectivement, que se passe-t-il actuellement ? Les sociétés
industrielles et commerciales du monde entier se livrent une véritable
guerre économique, par le biais de la concurrence. Pour rester
compétitives, elles remplacent de plus en plus les hommes par
des machines auxquelles aucun salaire n’est nécessaire, alors
qu’il aurait dû être possible de garder le personnel en
réduisant le nombre d’heures de travail, pour un salaire identique.
Hélas ! quelques petits malins ont trouvé dans la machine,
une complice à leurs bas calculs pour couler la concurrence et
ils préfèrent licencier du personnel, afin de réduire
les frais de gestion, pour parvenir à leurs fins, tout en faisant
d’énormes profits.
Cette pratique s’est généralisée et le nombre de
chômeurs a atteint un seuil difficilement supportable. Or, ces
chômeurs n’étant plus des clients, puisque de moins en
moins assistés, vu leur nombre croissant, les entreprises subissent
en retour de leurs mauvaises actions, une mévente les obligeant
à limiter leur production, ce qui se traduit pas de nouveaux
licenciements.
Cette économie de marché est donc engagée dans
un cycle infernal et dans moins d’une décennie, nous arriverons
à cette aberration :
Dans le monde entier, peu de gens travailleront sur des ordinateurs
couplés à des robots et seront capables de produire une
énorme quantité de biens de consommation. Or, ces richesses
ne trouveront pas d’acquéreurs puisque la majorité des
humains sera au chômage, donc, sans ressource. Nous mourrons de
misère au milieu d’une abondance inaccessible.
Il serait donc temps de penser à une autre’ manière de
vivre, si nous voulons éviter une véritable catastrophe.
Extrait du « Progrès de Lyon » lettre de R. Rondel (Corbas)