Lu, vu, entendu
Publication : juin 1987
Mise en ligne : 20 juillet 2009
Science et Culture
La lettre "Science et Culture" du G.R.I.T.
(1) est un mensuel dont le but est de livrer à des abonnés,
lecteurs et correspondants, des données d’information et de réflexion
sur les facteurs de changement, voire de rupture qui affectent la société...
Le G.R.I.T. s’inscrit au sein du Groupe Science et Culture. Il joue
le rôle de plaque tournante entre scientifiques, écrivains,
sociologues, économistes, philosophes, médecins, juristes,
industriels (Daniel Andler, Henri Atlan, Jean Dausset, Jean-Pierre Dupuy,
Jean-Louis Le Moigne, Edgar Morin, René Passet (2), Jacques Robin
(2), Joël de Rosnay (2), Isabelle Stengers, Francisco Varela).
La lettre commence par rendre compte du débat qui a eu lieu le
25 février 1987 dans le cadre des "Lectures de notre temps"
sous l’égide du CESTA (3) sur le thème du "dividende
distributif généralisé".
Dans le n° 22 de février 1987, Jacques Robin, l’un des animateurs
du débat, analyse le livre intitulé "Le Participat"
(4) dont nous avons publié une critique par André Prime.
L’auteur de ce "Point de Vue" reprend les thèmes qui
sont familiers aux lecteurs de la G.R. et dont nous ne donnerons donc
que quelques extraits :
"...Incohérence face aux surplus... les acteurs sociaux
paraissent de manière majoritaire se satisfaire de la non-création
d’une plus grande quantité de richesses matérielles (qui
manquent- pourtant à tant d’individus !) comme s’ils étaient
terrorisés à l’idée d’être contraints de
les répartir autrement, ou comme s’ils étaient effrayés,
dans leur subconscient, par les transformations des rapports sociaux
à prévoir si une large distribution de biens édulcorait
les règles du jeu de la rareté, dans lesquelles nous vivons
l’organisation quotidienne de notre vie.
Paradoxe surproduction/sous-emploi
Incohérence et paradoxe s’exagèrent, se nouent encore plus, lorsqu’on prend conscience que cette surproduction de bien s’accomplit dans le cadre d’un sous-emploi grandissant des producteurs... nous avons confondu en ces derniers siècles les concepts d’activité et de travail... En Occident se créé donc sous nos yeux, avec notre bénédiction, une société duale, toujours dénoncée, jamais affrontée...
Des mentalités obsolescentes
Nous arrivons à considérer l’économie
comme destinée à créer des emplois, alors que son
rôle de base, c’est d’optimiser la création et la distribution
des richesses...
Nouveaux biens ou nouveaux robots compenseront les emplois perdus par
l’introduction des nouvelles technologies informationnelles...
Le défi de la modernisation n’est pas là : le défit,
c’est une réussite collective des entreprises, des citoyens..."
Vers des propositions
J. Robin pense qu’elles se situeront forcément
dans le cadre de l’Europe ouverte sur le TiersMonde dans "une planète
plus équilibrée". Comment assurer la transistion
? Le plus difficile selon Jacques Ellul. Non pas par le "Participat",
mais en suivant des pistes mentionnées dans une bibliographie
où figurent en bonne place M.L. Duboin et la Grande Relève
avec notre adresse (5).
Dans le n° 23 de mars 1987 de la même lettre "Science
et Culture", nous avons relevé un article de René
Passet (6) faisant suite à celui de J. Robin et qui s’intitule
"Le revenu minimum garanti ou le partage des fruits d’un patrimoine
universel". Il faudrait citer entièrement cette étude
qui s’inscrit dans la suite des travaux mentionnés tous ces derniers
mois par la G.R. et nos propres recherches sur ce sujet. Donnons seulement
ici quelques sous-titres et expressions marquantes :
"...Une idée simple... les origines sont aussi bien de droite
que de gauche... L’extraordinaire simplification qui (en) résulterait...
la nécessité (qui n’est pas seulement de justice sociale,
mais également de bon calcul économique), de traiter la
ressource humaine au moins aussi bien que le capital... la rupture du
lien emploi-revenu, inévitable à partir du moment où,
au sein de l’appareil productif, la machine se substitue à l’homme...
De possibles effets pervers : une incitation à l’oisiveté
(mais)... le vrai problème aujourd’hui semble être moins
celui des stimulants que celui d’un potentiel d’emploi de plus en plus
rare... Le risque de rupture . dualiste... les lourdeurs des contrôles
bureaucratiques (à éviter peut-être par une organisation
décentralisée s’appuyant sur les moyens informatiques
modernes)... Une réforme à portée de main... le
financement (par la suppression de certaines allocations qui feraient
double emploi, par le prélèvement fiscal et surtout le
revenu robotique ou technologique)... Le coût du système
ne paraît pas, hors de portée... (surtout avec le temps
et l’hypothèse modérée d’un taux d’accroissement
annuel de 2 % du PIB).
Nous adopterons /a conclusion de René Passet : "Le débat,
dont i/ n’est pas trop audacieux de prévoir qu’il fera bientôt
son entrée sur /a scène publique, ne fait que commencer".
En insistant sur l’aide précieuse qui nous vient maintenant de
ces économistes et sociologues éminents, nous ajouterons
que nous ferons tout pour que ce débat s’oriente vers le revenu
social distributif et maximal, le vrai, celui de Jacques Duboin.
***
Nota. - Vers la fin de la rubrique "Lu, Vu, Entendu" du n° 856 de mai 1987, juste avant l’adresse P.H. St-Mandrier, il fallait évidemment lire "l’industrie n’est pas faite pour créer des emplois mais pour créer des richesses".
R.M.
(1) Groupe de Réflexion Inter et Transdisciplinaire,
G.R.I.T., Science-Culture, 1, rue Descartes, 75005 Paris.
(2) Membres du Bureau du G.R.I.T.
(3) Centre d’Etude des Systèmes et Techniques Avancées,
voir les dossiers de la G.R. n° 848, août 1986.
(4) G.R. n° 853, février 1987
(5) Cette bibliographie est d’ailleurs reprise par la revue Futuribles
qui publie aussi dans son n° de janvier 1987 un article de Ph. Van
Parijs "Quel destin pour l’allocation universelle ?".
(6) Professeur de Science Economique à l’Université de
Paris 1 Sorbonne.