Mais pourquoi cette austérité ?
par
Publication : novembre 1982
Mise en ligne : 9 janvier 2009
« L’effort devra être poursuivi durant de longues années
», annonçait dernièrement notre Ministre des Finances
revenu dans la foulée de ses prédécesseurs.
Il ne semble guère, pourtant, que la production utile nécessite
tellement d’emplois et d’efforts, sinon pour s’écouler, si l’on
en juge par l’amoncellement des marchandises à la recherche d’acheteurs,
la publicité délirante qui coûte une fortune aux
consommateurs, les millions de ’chômeurs qui se croisent les bras,
l’ampleur des gaspillages. Disons que la majorité des efforts
que l’on nous presse d’accomplir sans répit, la vie durant, ont
pour seule fin de nous procurer l’argent nécessaire à
écouler ce qui est à vendre avec profit. Il faut donc
entretenir la circulation d’une masse monétaire au flux capricieux
qui va et vient sans cesse, enfle et désenfle au gré du
hasard, de la conjoncture, se répandant à travers mille
canaux le long desquels se pressent les multitudes avides d’y prélever
leur part, de la disputer à autrui, le temps de former leur revenu
et d’en disposer en remettant cette part en circulation.
Système absurde qui subordonne l’approvisionnement des populations
à la ronde de l’argent, qui conduit à greffer une effarante
organisation financière et comptable sur les activités
productrices, à occuper à vide des millions d’emplois
gaspilleurs de ressources et d’énergie, à remuer d’himalayennes
montagnes de paperasses, enfin et surtout à limiter la production
aux étroites limites du marché sans souci des autres besoins
auxquels, matériellement et techniquement, cette production serait
en mesure de faire face.
Il est d’autres moyens que cette ronde de l’argent pour rétribuer
le travail et procurer au consommateur le pouvoir d’achat lui permettant
d’en acquérir les fruits. Une distribution des revenus en monnaie
de consommation n’a rien d’utopique. II est temps de s’en préoccuper
avant qu’une débâcle financière et monétaire
ne vienne balayer les derniers vestiges de morale et de sécurité
plaqués comme un vernis sur une civilisation pourrie par l’argent.
En fait, la ronde de l’argent avec ses codes, ses procédés
pour favoriser l’accumulation des revenus par une minorité, paraît
avoir été conçue en vue de satisfaire, sans limite,
les besoins de clans privilégiés par la chance. Ainsi
les appels à l’effort et à l’austérité visant
à rétablir la santé monétaire, à
relancer la circulation de l’argent par le biais du profit et de l’investissement,
concourent-ils, en dernière analyse, à la sauvegarde d’aberrantes
prérogatives.