Sous le nom d’ENERGIES NOUVELLES s’est formé
un groupement féminin, indépendant des J.E.U.N.E.S.
Son but est de préparer, pour la société telle
qu’elle surgira des travaux entrepris par le groupe DYNAMO, des bases
solides et précises, au point de vue philosophique et culturel.
Les femmes qui le composent croient avoir compris : elles s’adressent
à toutes les autres femmes pour les faire comprendre, à
leur tour, l’absurdité de leur existence. En un temps où
le machinisme et la technique ont atteint un développement tel
qu’un minimum de travail procure un maximum de bien-être, en ce
temps qui pourrait être l’« âge d’or », que des
femmes consentent à travailler comme des esclaves pendant seize
heures par jour semble un défi au bon sens. Et c’est un exemple
entre cent : le mode d’exploitation de la femme, que ce soit au foyer,
au bureau, à l’atelier ou sur le trottoir, revêt les formes
les plus variées.
C’est tout simplement monstrueux. Et d’autant plus qu’elles subissent
cette vie anormale comme un état naturel et intangible... Elles
la subissent... sans joie, évidemment ; elles se plaignent, se
lamentent, mais là s’arrête leur révolte, purement
stérile.
Nous refusons de continuer à « vivre » de cette façon.
Cette vie absurde, il faut en changer.
Une chose nous frappe tout d’abord : c’est que la misère, la vraie,
celle qui, à la déchéance physique, ajoute la déchéance
morale, bien souvent celle-là ne se voit pas, ou si peu qu’elle
semble une exception.
Que l’on fasse le recensement de tous les sans-logis, de tous ceux qui
usent lamentablement leur journée entre la soupe populaire et
l’asile de nuit, et l’on sera étonné de leur petit
nombre. Ils sont surtout le déchet des grandes villes. Cette
misère-là, reconnue, chiffrée et étiquetée,
celle sur laquelle aussi on s’apitoie le plus volontiers, par snobisme
ou pitié réelle, celle-là ne représente
qu’un tout petit côté de la grande misère humaine.
Mais combien d’êtres mettent leur fierté à « ne
rien demander à personne » ? Combien de femmes réussissent
ce tour de force de « joindre les deux bouts » avec un pouvoir
d’achat de plus en plus réduit ?
Tous ceux-là et les autres représentent plus de la
moitié des Français. La misère ne serait donc
plus l’exception, mais la règle ? Est-ce normal ? Est-ce logique ?
Ca l’est si peu que, j’en suis sûre, on ne nous croira pas. C’est
bien simple, nous le démontrerons avec des chiffres. Il nous
suffira de gratter un peu la surface, le petit plâtrage de dignité
qui recouvre la vie intime des individus, pour découvrir le visage
réel du monde actuel avec ses lézardes, ses plaies monstrueuses,
le chômage qui épuise la résistance morale des êtres
et les traîne lentement de la honte au désespoir ou, au
contraire, cette espèce d’inconscience qui frappe les plus sains
et les retranche de la vie. Ne croyez-vous pas qu’une telle vision,
exprimée et contrôlée, suffit à justifier
une société nouvelle ?
La partie négative de notre travail terminée, il nous
faudra construire ; donner, à cette société nouvelle
les bases qui permettront aux techniciens d’assurer l’équilibre
de l’armature économique qu’ils ont créée.
Il nous faut, sur le plan social et culturel, lui donner un sens tel
que nous jouissions enfin de cette vie normale, celle à laquelle
nous aspirons tous, et qui n’est possible que grâce à une
organisation rationnelle et harmonieuse des besoins de l’individu.
Déterminer rationnellement ce que chacun doit consommer et en
déduire le nombre d’heures qu’il doit fournir, c’est la tâche
que nous, camarades du groupe DYNAMO, à laquelle nous nous associerons
pour toutes les questions qui nous intéressent directement ou
pour lesquelles nous avons quelque compétence : bien-être
matériel de l’enfant, de la famille en général,
travail des femmes, etc.
Mais il reste ce que nous avons appelé l’« organisation
harmonieuse des besoins de l’individu ».
Le bien-être matériel, le confort, le travail rendu plus
facile et moins absorbant grâce aux progrès de la technique,
créeront des loisirs. D’autre part, l’enfant, l’adolescent ne
seront plus immédiatement réclamés par la société
pour assurer les besoins collectifs. L’organisation de ces loisirs,
les fondements et la portée d’une éducation intégrale
et rationnelle seront l’essentiel de notre plan constructif.
Tout cela que nous proposons de faire peut paraître bien ambitieux.
Si vous voulez considérer, d’abord, que c’est nécessaire,
ensuite que c’est possible, nous avons raison de l’entreprendre.
D’ailleurs, toutes ces questions se tiennent étroitement et nous
les avons groupées de manière à dresser un plan
de travail net et précis.
Résumons-les brièvement :
1° Etaler en une sorte de tableau toute la misère actuelle,
en montrant la sous-alimentation, l’entassement des villes, l’insuffisance
vestimentaire et la déchéance morale que toute cette misère
entraîne.
En chercher les causes : mauvaise organisation de la production en fonction
des besoins de la consommation. Est-il possible de la supprimer ? Oui,
puisque des techniciens nous apporteront des vases précises d’organisation
matérielle. Ils nous prouveront que chacun peut être nourri,
logé et vêtu confortablement, sans qu’il lui soit nécessaire
pour cela de travailler comme un forçat. Nous aurons à
démontrer, d’autre part, que la sous-alimentation ne dépend
pas toujours de l’insuffisance des aliments, mais souvent de leur mauvais
emploi ;
2° Etudier en particulier le sort réservé à
la femme dans la société actuelle ; les conditions
dans lesquelles elle travaille ; montrer qu’il n’y a aucune raison pour
que tous les travaux de ménage lui incombent en dehors du travail
social qu’elle devra assurer, pourquoi ne pas apprendre aux garçons
aussi bien qu’aux filles à partager ces travaux, qui seront d’ailleurs
grandement simplifiés par la vulgarisation des appareils ménagers ?
D’autre part, réserver dans le plan culturel une place à
l’éducation de la femme en tant qu’être humain. Il est
grand temps qu’elle prenne conscience d’elle même, de sa personnalité,
condition essentielle de l’équilibre de son foyer et de l’harmonie
du couple ;
3° Etablir un projet d’Education rationnelle qui assure le
développement simultané, harmonieux, de toutes les facultés
de l’enfant. C’est l’être normal, au corps sain, à l’esprit
libre, qui est l’image et en même temps la cellule de la société
telle que nous la concevons ;
4° Enfin, il est bien évident que la Paix étant
la condition nécessaire de notre vie, il ne saurait être
question pour nous de la tenir en dehors de nos préoccupations.
Quelques-unes seront peut-être découragées par l’oeuvre
immense que nous prétendons entreprendre. Elle ne paraît
telle que parce que nous avons voulu coordonner et compléter
des efforts qui, jusqu’ici isolés, vont souvent à l’encontre
les uns des autres.
Mais, de par son étendue, notre travail exige les collaborations
les plus diverses et les plus abondantes. Toutes les femmes, quelles
que soient leur situation sociale et leur profession, peuvent nous apporter
leurs idées, leurs observations, les fruits de leur expérience
ou leur jeune enthousiasme. Chacune aura ainsi donné sa part
au travail collectif, lui assurant la richesse d’abord, puis la rapidité,
qui sont la condition même de notre réussite.
Nouvelles Energies Féminines
par
Publication : 16 octobre 1935
Mise en ligne : 15 avril 2006