En 1966, René Dumont préconisait la création d’une Agence mondiale de développement alimentée par un impôt international de solidarité, de la façon suivante :
« Le 1 % du revenu national conviendrait aux seuls pays semi-riches,
ceux qui ont encore chez eux de larges zones sous-développées,
comme l’Italie. Il serait vite nécessaire de demander 2 % aux
autres nations de la Communauté économique européenne
(C.E.E.).
» Les pays un peu plus riches (Suisse , Australie, Canada) pourraient
donner 2,5 %. Les Etats-Unis et le Koweit seraient fort capables de
donner 3 %. Pour y parvenir, il faudrait une solide pression d’une fraction
croissante de la population, éprise de solidarité vraie...
» N’oublions pas que le temps presse. »
Cette proposition fixait, en chiffres raisonnables, l’effort qui s’imposait
aux pays pourvus et montrait aussi ce que pouvait avoir de dérisoire
la demande de 0,70 % du P.N.B. fixé par les Nations-Unies. En
1976, trois pays seulement, la Suède, la Norvège et les
Pays-Bas, avaient atteint cet objectif. Le pays le plus riche, les Etats-Unis,
dé tient presque le record de la mesquinerie.
Le projet de René Dumont allait beaucoup plus loin, car celui-ci
était le seul à connaître les besoins réels
du Tiers-Monde...
Hélas, sous le poids de la routine et des préjugés
mais davantage encore par intérêt égoïste,
les pays nantis refusent toute solution universelle de caractère
fraternel... L’Occident se refuse à toute aide alimentaire gratuite...
L’activité que René Dumont a consacrée à
la conservation des ressources naturelles et à l’amélioration
du sort des populations affamées et sous-alimentées est
prodigieuse...
Et pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence : sa
propagande persévérante, courageuse, lucide, a échoué.
Jamais la Nature ne fut plus maltraitée, jamais les peuples du
Tiers-Monde ne furent plus malheureux qu’ils le sont aujourd’hui. Et
le titre même du dernier ouvrage de R. Dumont, Paysans écrasés,
Terres massacrées, est significatif de l’échec d’un effort
qui n’a connu aucune défaillance pendant près d’un demi-siècle.
Pourquoi cet échec ?
La réponse tient en peu de mots :
il est vain de vouloir protéger la Nature, pour en dispenser
les fruits équitablement à tous les hommes, sans modifier
de fond en comble les structures fondamentales de l’économie
qui la détruit.
Cette économie, aujourd’hui reconnue responsable de la dévastation
et du gaspillage des ressources de la Nature comme des conditions de
vie misérables qui sont celles des populations condamnées
à subsister sur des terres érodées, épuisées,
désertifiées, c’est le libéralisme économique...
D’année en année, notre système de production réclame
de moins en moins de main-d’oeuvre. Continuer à lier le droit
aux moyens d’existence à l’accomplissement d’un travail productif,
c’est condamner un grand nombre de travailleurs au chômage. Le
grand problème économique n’est plus celui de produire,
mais de distribuer les produits.
(1) Ce texte est extrait de « Un écologiste accuse », voir page 14.