Au fil des jours
par
Publication : mars 1981
Mise en ligne : 21 octobre 2008
Exporter... et mourir !
Produire pour exporter, c’est peut-être le plus grand mal dont
souffrent les pays en voie de développement : obnubilés
par le modèle occidental, ils s’industrialisent à outrance
et abandonnent pour cela les cultures vivrières. L’Inde en est
un exemple type. Ce pays a en effet réussi à se doter
d’une bonne infrastructure de base et d’industries lourdes lui assurant
une certaine indépendance. L’Inde vient même maintenant
concurrencer les pays développés sur un certain nombre
de marchés. Cela a permis essentiellement d’élever le
niveau de vie de la classe moyenne, c’est-à-dire d’environ 60
millions de personnes (le pays compte à peu près 665 millions
d’habitants).
Mais l’Inde a échoué dans son entreprise de réduction
de la pauvreté et des inégalités. En effet, sur
les 5 millions de personnes qui chaque année viennent s’ajouter
au marché du travail, 10 % à peine peuvent trouver un
emploi dans les secteurs secondaire ou tertiaire. Les 90 % restant dépendent
pour leur subsistance du secteur agricole. Tant et si bien que l’agriculture
utilise 74 % de la force de travail du pays. Mais les investissements
en machines et équipements modernes qui ont été
utilisés pour rendre l’agriculture compétitive sur le
plan international ont provoqué une diminution du nombre des
emplois de sorte que le nombre des travailleurs sans terre continue
de s’accroître, avec les conséquences que l’on sait.
*
Certains économistes indiens ont pris conscience du problème
et l’on pouvait lire dans « l’Indian Express » du 24 décembre
1980 :
« L’expérience a montré qu’aucune mesure sociale
et aucun plan visant à protéger les revenus et l’emploi
des paysans sans terre, ainsi que des travailleurs de la petite industrie
(distincte des filiales de la grande industrie), ne pouvaient être
efficaces sans réforme structurelle des rapports de production,
des schémas d’investissements et des modes de répartition
du revenu. Sans changements drastiques dans tous ces domaines, proclamer
des objectifs de croissance et d’éradication de la pauvreté
reste des slogans peu convaincants et sans valeur opérationnelle.
»
*
D’autres pays sont en train de repenser leurs systèmes de développement.
C’est en particulier le cas du Niger au sujet duquel on pouvait lire
les remarques suivantes dans « le Monde » du 10 janvier
dernier :
« Enfin, tranche également avec le désenchantement
consécutif à la fin du boom de l’uranium, la fierté
de l’équipe gouvernementale nigérienne d’en avoir terminé,
depuis 1979, avec le recours systématique à l’aide internationale
en matière de vivres. Depuis deux ans déjà, en
effet, le Niger a atteint l’autosuffisance alimentaire. Les, cultures
vivrières ont été développées au
détriment des cultures industrielles : de 260 000 tonnes en 1973,
la production d’arachide est tombée à 74 000 tonnes en
1979 et, celle de coton de 5 200 à 3 400 tonnes, mais, en revanche,
durant la même période, la production de céréales
est passée de 1 159 000 tonnes à 1 484 000 tonnes. «
La dernière récolte couvre à 120 % les besoins
vivriers du pays », nous a t-on confirmé récemment
à Niamey. »
*
En 1980 les dépenses militaires du Japon ne représentaient que 0,9 % du P.N.B. contre 3,85 % en France. Peut-être faut-il chercher là aussi l’explication du boom économique japonais ?
*
Le cadeau des banques japonaises à Chrysler : sept banques japonaises
abandonnent leurs créances se montant à 156 millions de
dollars. Elles demandent en contrepartie à Chrysler d’en payer
cash 15 %. Ce sont donc environ 130 millions de dollars que les sept
banques vont faire passer au compte des « pertes et profits ».
Croyez-vous que si les banques ne pouvaient pas créer de monnaie
à leur convenance, ou presque, elles abandonneraient aussi facilement
une telle somme ?
*
De toutes façons, elles ne sont pas à court d’idées,
les banques, pour faire du profit
En Grande-Bretagne, selon les statistiques publiées au début
du mois de janvier, l’année 1980 a compté le plus grand
nombre de faillites jamais enregistré.
Au cours du dernier trimestre seul, 2 068 sociétés ont
été mises en liquidation, soit une augmentation de 35
% par rapport à 1979.
Les experts se demandent pourquoi il n’y en a pas eu davantage et pourquoi
elles n’ont touché que de petites entreprises. En fait, il semble
que ce soit parce que les banques ont monté dans les coulisses
des opérations de sauvetage coordonnées par la Banque
d’Angleterre. Personne, hormis les initiés, ne connaît
l’ampleur du phénomène. Ce qui est sûr, c’est que
les grandes banques auraient décidé de constituer cette
année une provision de 200 millions de livres (200 milliards
de francs) pour « créances douteuses » ou irrecouvrables.
C’est en réalité un excellent moyen pour les banques de
comprimer artificiellement leurs bénéfices et de déjouer
ainsi les plans du Chancelier de l’Echiquier qui envisage de les imposer
sur leurs « bénéfices excessifs ».