Quand le peuple s’éveillera
par
Publication : janvier 1986
Mise en ligne : 15 juin 2009
Plaidoyer pour une nouvelle gauche, de Lucien Tissot
Ce livre du collaborateur de « La Grande Relève
» est une excellente synthèse des apports abondancistes,
écologistes et pacifistes au renouvellement de la pensée
progressiste. Ecrit dans un style très pur, à peine entaché
de quelques fautes de frappe qui disparaîtront sûrement
dans les prochaines éditions annoncées, il intéressera
tous ceux qui estiment, dès maintenant, que les gouvernements
du parti socialiste ont échoué et qu’il convient de rechercher
les bases doctrinales nécessaires au changement de la société.
L’ouvrage est préfacé par Caton qui intrigua il y a peu
les chroniqueurs politiques et qui définit excellemment les objectifs
de l’auteur. On citera ces deux extraits significatifs : « c’est
la formidable poussée des techniques qui est maintenant la force
déterminante, plus puissante, plus crédible que toutes
les supputations périmées, que toutes les tactiques politiciennes
» et « aucune des grandes mutations n’a été
lancée par les partis politiques, encore moins par les gouvernements.
C’est la conscience collective qui a fait avancer la libération
de l’avortement, la lutte contre la pollution, la défense des
consommateurs. Autant d’utopies « gauchistes » constituant
la réalité d’aujourd’hui... ».
Lucien Tissot se livre à une analyse très lucide des occasions manquées 1968 et 1981 et constate que le réformisme est une impasse. Pourtant la liste, très complète des inégalités à éliminer avait été dressée, antérieurement à son arrivée au pouvoir, par François Mitterrand. Remarquons avec notre camarade que, de son côté, Raymond Barre avouait dans son « Economie politique » : « On peut se demander... si le libéralisme pur dont on se plaît à caractériser le 19e siècle n’est pas une vue de l’esprit ou une déformation intéressée de l’histoire » ! L’ancien premier ministre oserait-il encore écrire celà actuellement ?
Le chapître intitulé « De la contestation à l’impertinence » contient une vive critique du « Maître chanteur » Yves Montand pour sa présentation de l’émission télévisée « Face à la guerre ». Nombre d’autres sujets sont abordés de manière originale, nous ne pouvons ici que les énumérer : l’église, la pauvreté, l’autorité, la publicité, la morale, le travail, la course aux armements, la violence, le chômage, le pillage du tiers-monde, le racisme, le sexisme, etc. On ajoutera seulement que l’auteur ne pouvait pas avoir connaissance de la conférence de presse du président de la République, le 21 novembre 1985, lorsqu’il affirme que la notion de revenu social garanti échappe aux partis et syndicats, puisque une proposition de ce type est en discussion à présent au parti socialiste.
Jacques Duboin est abondamment cité ainsi que ses disciples les plus connus : Marie-Louise Duboin, Marcel Dieudonné, Albert Ducrocq, Maurice Laudrain, Henri Muller, par exemple. L’économie distributive est le fondement autour duquel s’ordonnent des propositions reprises de l’Union Pacifiste, du M.A.N. (Mouvement pour une alternative non violente), de l’A.C.Q. (Action catholique ouvrière), du M.A.D. (Mouvement pour l’autogestion distributive), du M.R.A.P. (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), et des mouvements écologiques :
- une défense populaire non violente permettrait
à la future société socialiste de se défendre
contre les attaques éventuelles de la réaction,
- la renonciation unilatérale à l’arme nucléaire,
- une église sans pape et dont le clergé, en voie de disparition,
serait remplacé par l’apostolat des laïcs, aurait adopté
la théologie de la libération,
- l’exclusion de tout centralisme paralysant et la participation de
tous à la gestion des entreprises et de l’économie nationale,
- le renoncement à toutes les formes de colonialisme et d’impérialisme
avec une aide accrue aux Pays en voie de développement,
- la lutte contre les différentes pollutions.
Le lecteur retrouvera ces éléments dans l’essai de programme établi par Louis Tissot, pour un « parti unificateur des aspirations populaires ». L’habitué de « La Grande Relève » ne sera pas surpris d’apprendre que le premier acte d’un gouvernement socialiste distributif serait de reprendre aux banques le pouvoir régalien de battre monnaie. Il notera que l’auteur attribue à une mobilisation insuffisante des masses autour du projet du P.S. l’échec de François Mitterrand, de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius. Il lira en dernière de couverture une invitation aux membres des groupes précités « à se rencontrer, au plus tôt, afin de pressentir et baliser les pistes d’un avenir vivable pour l’humanité ».
Bien que pas forcément convaincu par la totalité des thèses avancées nous souhaitons que cet appel atteigne un nombre important de destinataires afin de constituer ce rassemblement auquel rêvent tous les hommes de bonne volonté adeptes des idées de Jacques Duboin.