La sécurité sera le maître-mot de la prochaine campagne électorale, avec un risque de surenchère. Les effets de la délinquance certes ne sont pas à négliger, encore ne faudrait-il pas y voir que cet aspect. Une réponse trop sécuritaire, où certains sont prêts à accepter une restriction des libertés individuelles, est un marché de dupes : elle empêche de s’intéresser aux causes.
Pendant les "trente glorieuses", période d’après guerre faste pour l’emploi, les grands groupes industriels employaient des centaines de milliers d’ouvriers ; ensuite, quand la crise s’est réinstallée, le chômage s’est développé, et ceux qui avaient des emplois non qualifiés, dont les immigrés constituaient les gros bataillons, ont été les premiers touchés. Le système, quoi qu’en disent ceux qui idolâtrent la croissance et les données macro-économiques, n’a pas de solution miracle à proposer : il gère la crise à court terme, tel un édifice qui tremble, et ce sont les éléments les plus fragiles qui tombent en premier.
Les descendants des immigrés représentent en partie ces éléments, regroupés dans les cités, où ils sont tiraillés entre les appels incessants à une consommation synonyme de statut social et une solvabilité déficiente par manque de revenu stable et conséquent. Que peut espérer cette population lorsqu’elle n’a que sa force de travail à vendre et que personne n’en veut ? Rien, sinon ne plus être considérés comme des êtres humains, abandonnés à la justice criminelle, aux médias, aux religions, aux statistiques, à la politique, à la charité publique.
Que faire face à ce problème qui va en s’aggravant et qui n’est plus circonscrit aux descendants des immigrés ? Des entreprises, que l’on supposait solides, ferment et leurs licenciés vont venir grossir les bataillons de chômeurs sans qu’aucune perspective réjouissante ne pointe à l’horizon. Petit à petit se dessine une situation effrayante, comme s’il y avait une population "en trop" dont aucun DRH n’aurait besoin. Une population dont les revendications reposent majoritairement sur l’argent et non sur une perspective politique. On idéalise plus un moyen de consommation qu’un bulletin de vote, mais si la démocratie est un droit reconnu, il ne vaut que si l’on en use efficacement.