A propos du service social
par
Publication : décembre 1977
Mise en ligne : 28 mai 2008
PARMI les objections que l’on oppose à l’Economie
Distributive, il en est une que nous devons réfuter : elle concerne
le Service Social.
Après avoir constaté que le régime capitaliste
devait céder la place à une nouvelle économie,
nos interlocuteurs admettent volontiers (puisqu’il ne s’agit plus de
produire, mais de distribuer) qu’un revenu social pour tous pourrait
constituer la base d’un pouvoir d’achat généralisé.
Cependant, après avoir accepté ce principe, ils estiment
qu’il serait difficile de faire fonctionner sa contre-partie : le Service
Social obligatoire pour tous.
Nos contradicteurs craignent, en effet, que l’égoïsme qui
est à la base psychologique de nos comportements, ne l’emporte
de beaucoup sur la raison, et le sentiment d’accomplir une action méritoire
pour l’ensemble de la collectivité. Ils estiment surtout que
peu de personnes accepteront d’effectuer un travail forcé sans
en recevoir u n bénéfice direct et personnel.
Ils craignent, de ce fait, que la production (même effectuée
largement par les machines) et surtout la distribution, en soient perturbées.
Enfin, ils nous demandent quelles sanctions seraient applicables à
ceux qui refuseraient de travailler dans ces conditions.
Tout d’abord nous admettons volontiers que le terme « Service
Social » peut choquer beaucoup de citoyens auxquels il rappellerait
l’embrigadement de la caserne.
Puisqu’il ne s’agit que d’une formulation, précisons qu’il ne
consistera, en réalité (et seulement pour tout citoyen
ou citoyenne valide) qu’à fournir des « prestations professionnelles
» selon des modalités tenant compte des capacités
de chacun. Files seront modulées dans le temps en fonction des
désirs des intéressés et des besoins de la production
et... des Services Sociaux ; (ce terme ne choque pourtant personne lorsqu’il
s’agit des multiples professions hospitalières ou sociales) !
Certes le salariat, comme tous les autres revenus. sera supprimé.
Cependant un revenu complémentaire permettra de récompenser
l’émulation et les dévouements.
Le Service Social n’aura pas à craindre l’exploitation de l’homme
par l’homme, ou par l’Etat. On travaillera, en effet, dans des conditions
économiques et sociales infiniment meilleures que celles dans
lesquelles nous sommes contraints de « gagner notre vie »
et celle des nôtres.
L’autogestion sera la règle. Les gaspillages, les emplois inutiles
ou superflus étant supprimés, la durée du travail
sera limitée et, par ailleurs, pourra être effectuée
« à la carte ».
Dans l’esprit de Jacques Duboin, le service social devrait être
animé par l’amour-propre et l’esprit de solidarité dans
une société socialiste dominée par un véritable
humanisme. Il constituerait aussi une sorte de « volonté
de puissance » pour ceux chez qui l’ambition de jouer un rôle
responsable, ou les honneurs qui pourraient en découler, constitue
un moteur d’action plus puissant que celui procuré par le profit.
Celui qui voudrait se dérober à l’obligation du travail
effectué dans ces conditions serait vraiment un être associai.
A ce titre, des sanctions pourraient légitimement être
appliquées à ces refus non motivés, par exemple
: suppression du Revenu Social et des avantages divers dont tout le
monde bénéficiera gratuitement : logement, déplacements,
etc... A la limite, cet associai pourrait être déchu de
ses droits civiques et civils, y compris familiaux. En tout état
de cause, la femme au foyer ou chargée de maternité, sera
considérée comme accomplissant, de ce fait, son service
social.
Quant aux autres arguments qui nous seraient opposés sur ce sujet,
il nous suffit de répéter avec Karl Marx : « Ce
n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence
mais, au contraire, leur existence sociale qui détermine leur
conscience ».
Ce sont les lois et règles du capitalisme qui ont déterminé
la mentalité de nos concitoyens : ce sont elles qui les ont adaptés
à ce régime devenu réactionnaire, économiquement
et politiquement.
Lorsque les structures de l’Economie Distributive seront en place, la
mentalité actuelle des hommes se modifiera. D’autant plus que,
seule, une Economie Distributive est capable de créer une abondance
de biens telle qu’elle supprimera les inégalités criantes
et l’incertitude du lendemain, tares du salariat.