Au fil des jours
par
Publication : mai 1986
Mise en ligne : 23 juin 2009
Le revenu minimum garanti ? une idée qui continue
à faire son chemin : En Novembre 1985, la Convention Nationale
du Parti Socialiste, admettant que la croissance à elle seule
ne pourrait résorber le chômage et qu’à court terme
(laissons-leur leurs illusions !) la modernisation va détruire
plus d’emplois qu’elle ne va en créer, proposait l’institution,
en contrepartie d’un travail ou d’une formation, d’un supplément
de ressources permettant d’arriver à un revenu minimum garanti.
Juste avant les élections. M. André Laignel, responsable
de la campagne du parti socialiste, déclarait au « Matin
» : « De nouvelles avancées peuvent et doivent être
faites : par exemple, la mise ne place d’un revenu minimum garanti,
de façon qu’aucun Français ne vive au dessous du seuil
de pauvreté... C’est par des avancées successives que
nous atteindrons le but qui est le nôtre : l’instauration d’une
société où l’homme l’emportera sur l’argent ».
Nous apprenions aussi que le 4 mars dernier, Mme Georgina Dufoix, à
l’époque ministre des affaires sociales, avait signé avec
le président du conseil général du Territoire du
Belfort une convention pour la mise en place d’un « minimum social
» accompagné d’un programme de réinsertion à
partir du 1er Mai prochain, financé par l’Etat et le département.
Notons que des formules de revenu garanti existent déjà
dans plusieurs villes, notamment Besançon, Charleville, Epernay,
Fougères, Nîmes, Rennes et Saverne, mais que c’est la première
fois qu’un tel programme est organisé à l’échelle
d’un département. Une originalité : cette convention est
baptisée « contrat personnalisé d’autonomie ».
En échange de l’allocation, le bénéficiaire s’engage
à tenter de retrouver son autonomie (rechercher du travail, suivre
une formation, accomplir une tâche d’intérêt collectif).
Toujours dans le même esprit, parlant des risques d’une déflation
incontrôlée, M. Yoland Bresson, professeur d’Economie à
l’Université Paris XII, écrit dans « le Monde »
du 20 Mars 1986 : « Certes rien n’est sûr. Ni l’explosion
du chômage ni la terrible crise financière ponctuant la
déflation. Mais attention à ne pas tromper le peuple encore
une fois ! La seule vraie réponse à sa légitime
inquiétude, c’est la transformation du mode d’attribution des
revenus. C’est l’intégration systématique de tous les
exclus du salariat - jeunes, mères au foyer, chômeurs -
dans le jeu de l’économie en leur rendant la dignité.
Comment ? Par l’allocation inconditionnelle à chaque citoyen
d’un revenu minimum, identique, sans autre considération que
le fait d’exister ».
Ainsi, n’en déplaise aux éternels grincheux, nos idées
font quand même leur chemin. Bien sûr, nous n’en sommes
pas encore à l’économie distributive intégrale,
mais toutes ces mesures, bien partielles, avec tous les risques qu’elles
comportent comme nous ne manquons pas de le souligner dans ce journal,
nous en approchent chaque jour un peu.
***
L’informatisation fait sentir ses effets dans tous
les domaines. Même dans la police. Un de nos lecteurs nous a fait
parvenir une coupure du « Provençal » du 17 Février
1986 dans laquelle on pouvait lire : « Pour la petite histoire,
l’informatisation de la police nationale mettra au rebut 15.000 machines
à écrire. De plus, le ministère de l’Intérieur
estime que la généralisation des ordinateurs dans les
commissariats correspond à l’embauche de 18.000 fonctionnaires
».
Encore une source d’emploi qui se tarit !
***
Quant à l’investissement qui crée des
emplois, il faut déchanter : on pouvait lire dans « Sud-Ouest
» du 14 janvier dernier : « Investissements industriels ;
la Charente prend le large... mais l’analyse de l’utilisation des fonds
confirme une tendance amorcée depuis plusieurs années
: les investissements industriels ne créent plus d’emplois ».
Cela aussi il y a longtemps que nous le disons !
***
Devinette : mais à qui donc profite la soi-disant
bonne santé de l’économie britannique ? On pouvait lire
dans deux numéros successifs du « Monde » (28 Février
et 1er Mars 86) que la balance des paiements courants de la Grande-Bretagne
avait enregistré en Janvier un excédent de 1141 millions
de livres (le meilleur depuis trois ans !) et que le chômage venait
de battre un nouveau record absolu avec 3.210.000 demandeurs d’emplois
à la mi-Février, ce qui porte à 13,3 % le taux
de chômage outre-Manche. L’analyse par régions se révèle
encore plus inquiétante puisqu’on note des taux de chômage
de 22 % en Irlande du Nord, de 18,3 dans le nord de l’Angleterre et
16,6 au Pays de Galles.
Mais nos voisins britanniques n’ont pas fini de souffrir. Leur ministre
des finances leur prépare un nouveau budget de rigueur. C’est
qu’en effet la Grande-Bretagne a le grand tort d’être un pays
exportateur de pétrole et la chute des cours de l’or noir va
réduire de près de la moitié les recettes pétrolières
de l’Etat. (Comme quoi, encore une fois, l’abondance est vraiment une
calamité !). Du coup, les promesses de vastes allégements
fiscaux, régulièrement renouvelées depuis sept
ans par les conservateurs, sont une fois de plus reportées aux
calendes grecques. Pour atténuer cette déconvenue, le
chancelier de l’Echiquier (leur ministre des finances), a consenti une
mini- baisse de l’impôt sur les revenus et une réduction
sur les droits de timbre, sur les opérations de bourse ainsi
qu’une série d’abattements fiscaux et d’encouragements pour les
actionnaires. En contrepartie de ces « efforts », le ministre
a annoncé un accroissement des impôts indirects, notamment
sur l’essence ! Finalement, ce budget, bien que jugé assez terne,
a été bien accueilli par les milieux de la City, ce qui
s’est traduit par une augmentation des cours de la Bourses... No comment
!
Et dire que le nouveau gouvernement RPR-UDF veut s’inspirer du modèle
économique britannique... Il faut croire que les électeurs
français ne savaient pas que le revenu moyen des britanniques
n’atteint guère que les trois quarts de celui de français
!