Bonnes vacances !


par  C. ECKERT
Mise en ligne : 3 juillet 2006

Il est peut-être bon de souligner qu’il ne s’agit pas ici de gâcher des vacances bien nécessaires, ni de désepérer de l’humanité ! Mais de tenter de voir les choses telles qu’elles sont et de comprendre pourquoi on en est là.

Chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Frédéric Ogé s’est vu confier la mission de dresser l’inventaire des sites français pollués. La liste s’allongeant à une vitesse bien supérieure aux attentes du donneur d’ordre, il s’est trouvé, écrit-il, « confronté au problème du respect de l’obligation de discrétion et des principes de transparence et de précaution ». Il s’est alors intéressé aux questions de déontologie et du devoir des chercheurs vis-à-vis des citoyens.

Ce travail a notamment donné lieu à sa participation à un ouvrage collectif [2] et à la publication d’un petit livre fort instructif [3].

Tout commence en 1988. Le ministère de l’Environnement, qui a alors à sa tête Dominique Voynet, s’engage dans la production d’un inventaire des sites pollués, avec le souci de les réhabiliter. « Mais le ministère ignore à l’époque l’étendue de ce qu’il va découvrir » [3]. En effet, F. Ogé se rend très vite compte que « depuis la fin du XVIIème siècle, les usines et les entreprises les plus diverses ont pris la nature pour une poubelle, déversant en toute liberté les surplus toxiques et les déchets douteux autour de leurs bâtiments, souvent même dans les terrains voisins » [3]. Alors qu’elle est encore en cours d’élaboration, le ministère juge, dès le début, la liste trop longue. Il en publie donc une autre, une sorte de palmarès. Mais celle-ci s’étoffe, elle aussi, très vite, le nombre de sites retenus passant « d’une centaine au début des années 1990 à 896 le 7 novembre 1997 » [1].

Entre temps, F. Ogé avait affiné sa méthode. À partir de 1992 il abandonne le concept de « site pollué » pour celui de « site potentiellement pollué » car ce dernier « permet de laisser ouvert le champ de la réflexion et de la recherche » [1]. De prime abord toute carrière ou tout site ayant servi de lieu d’implantation à une industrie polluante est un « site potentiellement pollué » et non, comme voudraient le faire décréter certains experts, un « site historiquement industrialisé ».

Un important travail préliminaire de dépouillement d’archives et de bibliographie, pour établir l’histoire de chaque parcelle, avait conduit à constater qu’une forte proportion de ces sites, soit 80 %, sont pollués. Une enquête de terrain permet ensuite de déterminer si ces sites sont effectivement pollués ou non. Et cette enquête n’a fait que confirmer ce qui était pressenti. C’est « entre 300.000 et 400.000 sites dans l’Hexagone [qui] sont fortement suspectés de contenir des produits indésirables, voire franchement toxiques » [3], ce qui est bien au-delà du chiffre de quelques centaines publié par le ministère.

Bien que son travail soit soumis à confidentialité, Frédéric Ogé, conscient des intérêts inconciliables des différents partenaires (collectivités territoriales, ministère de l’environnement, Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement ...) ambitionne de contribuer « à une meilleure gestion ou protection de l’environnement » [1], il voit, au-delà, d’autres enjeux, non moins importants que la santé et l’aménagement du territoire. Ces enjeux expliquent certainement que le ministère oppose une fin de non-recevoir lorsque des étudiants, des collectivités ou des associations lui demandent le rapport qui lui a été remis.

C’est ce qui a conduit l’auteur à publier lui-même certaines informations, considérant que son « obligation de dénoncer un délit » [1], et le délit de pollution existe dans le droit pénal, prévalait sur son « devoir de discrétion » [1].

« Soyons clairs : toutes les régions de France sont concernées et aucune n’est privilégiée » [3] lit-on dans l’avant-propos du livre où les vingt-deux régions de France sont passées en revue. Et sa lecture est vraiment ahurissante. Les grandes zones urbaines y occupent bien sûr une place de choix. Mais les lieux de villégiature se sont pas épargnés.

C’est pourquoi un florilège des sites répertoriés ne sera relaté qu’après l’été.


[2“La responsabilité des scientifiques”, sous la direction de Jean-Paul Terrenoire, Edition L’Harmattan.

[3“Sites pollués en France”, par Frédéric Ogé et Pierre Simon, Edition Librio, 2004, 2 euros.

[1“Responsabilité, engagement et éthique d’un chercheur”, par Frédéric Ogé, dans CAES Magazine, n°64, 7-8/2002.


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