Le génocide permanent
par
Publication : février 1985
Mise en ligne : 2 mars 2009
Deux lecteurs nous ont adressé des papiers semblables qui témoignent de leur révolte face à l’injustice explosive du système du marché. Le premier, qui émane d’un distributiste de la première heure, a été envoyé en même temps à nos amis de l’ « Union Pacifiste », dans le but de leur montrer que la paix dans le monde passe, de toute évidence, par une économie plus juste...
Chaque semaine l’actualité nous place face
au problème de la faim dans le monde. Que ce soit en Ethiopie,
au Sahel, au Tchad, au Mozambique, au Niger, au Bengladesh, dans le
nord-est brésilien, ou ailleurs, des centaines de milliers d’êtres
humains journellement souffrent de la malnutrition, ou meurent. En Ethiopie
actuellement 900.000 personnes sont ainsi menacées de disparition
à brève échéance.
Les causes de cette situation sont connues : la sécheresse, le
déboisement, l’érosion des sols, la désertification,
les guerres, la surpopulation, des habitudes ancestrales, la diminution
des cultures vivrières, et parfois les détournements des
secours.
Face à cette situation alarmante, les pays développés,
par l’intermédiaire de la F.A.O., de la Communauté européenne,
et d’organisations humanitaires, envoient des aides alimentaires et
médicales. Quelques fois celles-ci se heurtent au problème
de l’acheminement vers les zones sinistrées en raison de la vétusté
des véhicules ou de l’absence de moyens de transport, la pénurie
ou le mauvais état des routes. Quoi qu’il en soit ces aides restent
cependant insuffisantes devant l’ampleur du problème.
Dans le même temps, l’occident et les pays industrialisés
éprouvent de grandes difficultés à résoudre
celui des excédents alimentaires. On détruit ou on limite
la production. Et cette contradiction ne semble pas préoccuper
les divers gouvernements. On s’incline devant la fatalité.
De même, bien qu’on continue à s’apitoyer sur le sort des
populations menacées de disparition, les budgets militaires restent
aussi importants, et les ventes d’armes, en particulier aux pays pauvres
se portent bien. La France, même sous un gouvernement socialiste,
reste le 3e exportateur dans ce domaine, pour maintenir des emplois...
et équilibrer sa balance des paiements.
Que ce soit à l’est ou à l’ouest des centaines de milliards
sont ainsi engloutis chaque année pour préparer un éventuel
holocauste, au détriment des industries de paix, de l’amélioration
des conditions de vie des populations, et de l’aide aux pays en voie
de développement.
Ici encore cette contradiction ne semble pas émouvoir les différents
gouvernements. En ne s’engageant pas dans une politique de désarmement
progressif - une réduction annuelle de 5 % pourrait par exemple
être décidée - les dirigeants quels qu’ils soient,
même ceux qui veulent construire des lendemains qui chantent,
se satisfont de l’insuffisance des aides apportées aux pays affamés,
et admettent donc ce génocide permanent que représente
la mort de milliers d’êtres humains, face à l’égoïsme
des pays riches.
Comment ne peut-on pas être révoltés par ce crime
contre l’humanité que constitue cette non- assistance à
peuples en danger, conséquence de l’insuffisance de l’aide internationale
? La vue à la télévision de ces groupes d’hommes,
de femmes et d’enfants amaigris, la peau collée sur les os, aux
yeux enfoncés dans les orbites, le regard désespéré
ou vide, dans un complet état de prostration, nous rappelle l’univers
concentrationnaire découvert par les troupes alliées dans
les camps d’internement où le régime nazi parquait les
patriotes ou prisonniers politiques. Les causes ne sont pas identiques,
certes, mais les résultats sont les mêmes.
Certains économistes distingués me répondront qu’il
faudrait davantage de crédits. Malheureusement lorsqu’une guerre
éclate cet argument disparaît. On n’a jamais vu une guerre
cesser faute de crédits. Les dirigeants trouvent toujours les
moyens de fabriquer des armements, dont certains sont d’ailleurs distribués
gratuitement aux ennemis d’en face (obus, bombes, etc.). Est-il impossible,
par exemple, d’utiliser en temps de paix les moyens de transport militaires
pour acheminer les aides alimentaires et médicales aux populations
affamées ? C’est en réglant ce problème humanitaire
urgent que les dirigeants prouveront leur volonté de mettre leurs
actes en accord avec leurs discours.